Temps de lecture estimé : 3 minutes
Cette ONG, soutien du secteur de l’ESS, apporte un appui aux entrepreneurs et dirigeants d’associations, afin que leur modèle soit dupliqué.

Ils ne sont que 70 sur la zone France, Belgique, Suisse, chapeautés par Ashoka France, à avoir la distinction de « Fellow » parmi les 3000 que compte le réseau, né aux Etats-Unis en 1981, et arrivé dans l’Hexagone en 2006. Ces Fellows sont des entrepreneurs sociaux, une notion qu’Ashoka affirme avoir importé en France, accompagnés par des ASN (Ashoka Support Network) pour faire croître leur entreprise ou leur association. « Notre définition de l’entrepreneur social ? C’est une personne qui a des qualités entrepreneuriales au service de l’impact sociétal, expose Laura Zimmer, responsable communication d’Ashoka France. Ces dirigeants partent d’un problème de société, lié à l’environnement, l’emploi, l’accès aux ressources… et travaillent sur un business model duplicable. » Ashoka n’est pas tout à fait un réseau d’affaires qui repose sur l’échange de cartes de visite, mais aussi un catalyseur d’innovations sociales au service de toute la société.
Sélectif
Devenir Fellow relève d’un processus long et très sélectif reposant sur cinq critères. Le premier s’attache au caractère innovant, voire pionnier, de la solution apportée à un problème de société. Le deuxième est l’impact systématique que doit avoir cette solution innovante sur son secteur d’activité ou la société. « Une innovation sur deux détectée par Ashoka dans le monde a débouché sur une nouvelle loi dans son pays », affirme Laura Zimmer. Les trois autres critères portent sur les qualités-mêmes du dirigeant et son appétence pour l’innovation sociale, son côté créatif pour prendre à bras-le-corps des situations difficiles et enfin sa fibre éthique.
Et le processus se veut très sélectif. « En 2015, 200 candidatures ont été étudiées en France, en Belgique et en Suisse. Huit entrepreneurs sociaux ont intégré le réseau. » Un dirigeant peut venir frapper à la porte d’Ashoka. L’équipe composée de quinze personnes en France, détecte les profils puis les approche. « J’ai été invité à la présentation des Fellows 2014 et on m’a fortement conseillé d’être présent, se souvient Frédéric Bardeau, fondateur des écoles du numérique Simplon.co à Paris, Fellow depuis septembre 2015. Puis j’ai longuement échangé avec la personne qui s’occupe du recrutement en France. » Le processus dure six à huit mois, ponctués de rencontres avec les équipes France et internationales du réseau. « C’est un mini-parcours du combattant », plaisante Frédéric Bardeau. « Notre candidature est validée par les experts américains d’Ashoka, se souvient Danielle Desguées, fondatrice des Boutiques de gestion devenues l’association BGE PaRIf, le réseau national d’appui aux entrepreneurs et Fellow depuis 2009. Mais avant cela, nous sommes nourris d’échanges très intéressants qui nous mettent dans une réelle dynamique de progrès. »
Changer d’échelle
Les Fellows sont ensuite suivis de près par tout un écosystème de partenaires qui se met à leur service pour suivre leur déploiement et leur croissance. « Je suis en train de constituer mon Codac (NDLR : Comité d’accompagnement) pour être soutenu dans le changement d’échelle de mon entreprise, expose Frédéric Bardeau. J’ai 40 ans, je me retrouve à la tête d’une entreprise qui va compter 30 écoles du numérique d’ici à mars 2016 et que j’envisage de déployer à l’international. L’expérience de seniors et d’un réseau à l’étranger seront une aide concrète pour soutenir Simplon.co. Mon Codac travaillera sur la méthode à mettre en place et l’organisation interne nécessaire pour pouvoir dupliquer les écoles. »
Le jeune dirigeant sera probablement épaulé par Michel Gasnier, nouveau membre du ASN, pressenti pour rejoindre son Codac. L’ex-président de ScottsMiracle-Gro à Lyon, qui a cessé ses activités en janvier 2015, a souhaité rester dans le monde de l’entrepreneuriat et plus précisément dans l’ESS. « Je veux participer à réconcilier l’économique et le social, ambitionne-t-il. Ashoka est loin des discours militants qui opposent le grand capital aux entrepreneurs sociaux. Je vais transmettre mon expérience et donner des coups de pouce aux projets à fort potentiel. » Ils sont une centaine en France, comme Michel Gasnier, entrepreneurs encore en activité, hauts cadres qui souhaitent s’engager, seniors qui font bénéficier de leur expérience, à avoir intégré le cercle des ASN.
Réseau dans l’anticipation
Le mécénat de compétence est un des piliers d’Ashoka. « Notre budget de fonctionnement est de deux millions d’euros par an en provenance à 60% d’entreprises privées et à 40% des ASN, détaille Laura Zimmer. L’apport des partenaires en missions de conseil, formation, etc., est valorisé à deux millions d’euros. L’association ne touche aucune subvention des pouvoirs publics pour éviter les conflits d’intérêt. »
Les Fellows peuvent bénéficier de bourses dégressives pendant trois ans pour aider au financement des modèles innovants. « On étudie la situation économique de l’entreprise, insiste Laura Zimmer. Si elle a besoin d’une bourse, on l’aide financièrement mais ce n’est pas obligatoire. » Frédéric Bardeau n’est pas venu chercher de l’argent mais bien un accompagnement. « C’est vraiment ce qui me manquait aujourd’hui pour accélérer le développement de Simplon.co. »
Cet écosystème vertueux favorise les échanges entre les Fellows et les ASN à l’occasion de formations, weekends ou soirées de travail. « Nous bénéficions de formations et d’outils auxquels nous n’aurions pas accès, avance Danielle Desguées. Ashoka propose une offre permanente d’actions, de rencontres. C’est un réseau qui est toujours dans l’anticipation, qui nous incite à sans cesse nous interroger pour essayer de faire mieux, à rencontrer d’autres dirigeants qui ont tous la même ambition : faire bouger les lignes. »
Stéphanie Polette