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Taïg Khris n’est pas un chat, mais il a bien plusieurs vies. Sportif extrême, magicien, animateur télé, entrepreneur compulsif et aujourd’hui patron d’une start-up de la tech en pleine croissance, ce touche-à-tout de 46 ans mène sa vie à vitesse grand V. Au gré de ses idées et de sa soif de création. Et fort de son parcours singulier d’autodidacte. En électron libre.
« Je ne suis jamais inactif, la vie m’en empêche », se résume Taïg Khris. Ce triple champion du monde de roller et vainqueur des fameux X Games a aujourd’hui troqué ses patins et sa carrière de sportif de très haut niveau pour une discipline pas moins féroce : l’entrepreneuriat. En 2010 il marquait les esprits en sautant de 40 mètres de haut depuis le premier étage de la tour Eiffel – record du monde légendaire à la clé – aujourd’hui il dirige une entreprise des télécoms de 120 employé·es. D’une vie à l’autre, le grand écart est conséquent, mais loin d’être illogique dans l’esprit de notre entrepreneur, de la vie au sens large.
Et pour cause, si Taïg Khris n’a pas grandi dans un cadre conventionnel, il garde de son éducation une féroce envie de croquer la vie. Et une sacrée confiance en ses rêves. « J’ai une mère grecque et un père algérien. Je suis né en Algérie et suis arrivé en France à mes cinq ans. Mes parents ont fait le choix assez dingue de ne jamais me scolariser. Leur philosophie de vie était plus fondée sur la poursuite de ses rêves, faire les choses avec passion sans peur du futur malgré les difficultés financières.
J’ai toujours grandi avec cette confiance », se rappelle-t-il. Parce que la réalité n’est jamais loin, le jeune Taïg Khris connaît très vite la pesante menace des pépins financiers de ses parents auxquels il doit subvenir : « Dès l’âge de 20 ans j’avais la responsabilité financière de ma famille pour mettre tout le monde à l’abri. » Cette responsabilité, il l’assumera en accomplissant son premier rêve : devenir champion de roller.
Du sport à la création de projets
En quelques lignes de palmarès, le CV du champion force le respect. Véritable légende de sa discipline, Taïg Khris tutoie les sommets du sport extrême pendant des années, à coups de records et de titres internationaux. Mais cet impatient n’attend pas ses derniers mois de carrière pour sortir de sa zone de confort. Souvent blessé, en raison notamment de l’exigence et la dangerosité de son sport, il profite de ses séjours à l’hôpital, une jambe ou un bras dans le plâtre, pour esquisser ses premiers projets entrepreneuriaux. « Pendant ces moments creux, les contrats de sponsoring s’arrêtaient. J’ai donc rapidement eu la réflexion de me dire que je n’avais aucun bagage ou sécurité financière pour l’après.
Et avoir mes parents à charge a accéléré cette réflexion », lance Taïg Khris. D’abord un magasin de roller, puis des skate park pour les municipalités, des shows de ride clés en main, des gammes de papeterie en grande distribution et même un projet de film. Le champion ne manque pas d’idées et ne s’ennuie jamais. « Si je n’avance pas il n’y a plus rien au bout du chemin. J’avais rarement plus d’un ou deux ans de trésorerie devant moi, je devais me bouger et j’étais comme une feuille blanche qui devait apprendre au jour le jour. »
Bien sûr, il connaît plusieurs échecs et quelques succès, mais surtout il « apprend et se fait ». Avec abnégation : « Il y a bien sûr la chance et le talent, mais celui qui n’abandonne pas ne pourra pas perdre, personne ne peut combattre le travail. » Jusqu’à parvenir, il y a huit ans, à un constat limpide au crépuscule de sa carrière de sportif : « C’était le moment de me réinventer. J’ai fait la synthèse de ma vie et je n’avais toujours pas de sécurité financière. J’ai donc voulu rebondir dans une industrie plus large que celle de mon sport. » Cette nouvelle vie, c’est celle du projet OnOff.
Une idée qui change tout
Un projet fou et une idée simple, à l’image de son créateur. Voilà qui résume bien OnOff. C’est lors d’un énième passage à l’hôpital à l’été 2013 que Taïg Khris déterre le filon. L’idée : pouvoir disposer d’un numéro de téléphone non rattaché à un produit physique et hébergé dans le cloud. Comme c’est le cas pour les adresses mails. « Pourquoi ne pas avoir un nouveau numéro en un clic sur une application ? », s’interroge l’entrepreneur.
Entièrement profane en matière de télécoms, il se fait conseiller : l’idée est réalisable mais coûte très cher, dans une industrie contrôlée par les grands opérateurs. Pour mener son projet fou, Taïg Khris se donne un cap : son idée prendra la forme d’une application numérique inédite qui vise à ubériser une industrie très fermée. Bémol : il n’a pas les moyens de son ambition. Alors, il va se les procurer. Réponses des fonds d’investissement : non catégorique.
Loin d’être décontenancé, cet autodidacte multi casquettes se transforme en commercial de choc et parvient à convaincre, une par une, 130 personnes d’investir dans son entreprise. Jusqu’à réunir au total 10 millions d’euros, dont un million d’euro le mois du lancement de OnOff en janvier 2014. Huit ans et quelques galères plus tard, la start-up a bien grandi, est rentable et réalise 16 millions d’euros de chiffre d’affaires. Avec son application, il suffit de deux clics pour obtenir un numéro de téléphone utilisable partout. « Je me suis retrouvé à être le patron d’équipes sans rien connaître à leur travail. Mais c’était la meilleure école et je suis devenu expert moi-même », se félicite le patron. Sa réussite ne signifie pas pour autant la fin de sa soif créative. Loin de là. « Je vis ma vie comme un électron libre à 1 000 %, je vois chaque projet comme une nouvelle page de mon livre. »
Ce qu’en disent les Rebondisseurs Français
Le rebond est une seconde nature chez Taïg Khris. Que ce soit après ses accidents, ses difficultés financières ou les aléas d’OnOff, il ajuste et bifurque, avec la même aisance et souplesse qu’en roller. Un atout pour l’entrepreneur qu’il est devenu, car chaque rebond est source de nouvelles richesses.