« Heu?Reka » Gilles Mitteau, le financier devenu youtubeur

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Heu?Reka, bien sûr, sonne comme Eureka – J’ai trouvé ! –, le cri du cœur d’Archimède qui venait de comprendre l’essence de son théorème, « tout corps plongé dans un liquide… ! » Gilles Mitteau le Nantais en a fait son pseudo contourné en devenant un youtubeur de vulgarisation de la finance et de l’économie à plein temps. Cet ex-financier en banque d’investissement à Paris, Londres, puis New-York s’est adjugé plus de 330 000 abonnés. Il veut que tout un chacun comprenne les rouages d’un monde de la finance toujours plus complexe, Heu?Reka fait partie de ces entrepreneurs nouvelle génération pour qui la quête de sens est un impératif. Un électron plus libre que jamais.

Il avait tout de l’employé parfait lorsqu’il bossait dans la finance pour BNP Paribas à New York. Mais cet ancien ESC Rennes, moins d’un an après être arrivé dans la grosse pomme, et après un long passage à la City de Londres, en a « sa claque ». « Le déclencheur fut la perte de sens. Mon entourage me posait des questions sur la crise des subprimes : “Pourquoi tu participes à une industrie qui nous a mis à terre en 2008 ?” J’ai voulu leur dire que c’était plus compliqué que ça, et j’ai donc mené des recherches.

Mais finalement, même si ma conclusion était que les gens se trompent sur pas mal de points, la conclusion globale n’était pas mauvaise, c’était de la faute des marchés financiers. » Il se donne encore un an en poste, pour « faire les choses bien ». « J’ai lancé la chaîne YouTube en me disant que je ferais au moins ça en attendant, servir à quelque chose. Je consommais pas mal de contenus de vulgarisation scientifique, l’idée est venue de là. Je trouvais aussi que les critiques dans les médias n’allaient pas dans le bon sens. Il fallait mieux comprendre les marchés financiers pour devenir plus constructif. » Il ne se doute pas du succès qui l’attend. 

500 000 vues

Lorsqu’il rentre en France, sa chaîne a commencé à fonctionner, la mayonnaise a pris. S’il reprend temporairement un travail dans une banque pendant encore un an, il s’apprête déjà au grand saut : vivre en totale indépendance grâce à YouTube. « Ça a pris deux ans entre la création de la chaîne et le moment où j’ai pu en vivre. À ce moment, je me suis laissé six mois pour voir où ça m’emmenait, et j’ai continué comme ça depuis. Je réévalue la situation tous les six mois.

Avec plus de 330 000 abonné·es sur YouTube – environ la population de la ville de Nantes –, il répond aux questions clés

Aujourd’hui, je considère que c’est mon travail. » Un travail passionnant : « Je n’ai plus du tout l’impression de travailler. » Du travail, pourtant, il y en a ! Avec plus de 330 000 abonné·es sur YouTube – environ la population de la ville de Nantes –, il répond aux questions clés : « Peut-on annuler la dette publique ? », « Modéliser l’avenir de l’humanité » atteignent plus de 500 000 vues. D’autant plus spectaculaire pour des vidéos parfois de pus d’une heure.

Premier livre

Gilles Heu?Reka Mitteau est-il devenu prof ? « C’est un métier différent d’être prof, c’est une autre forme de transmission de savoir. Je ne m’adresse pas à des étudiant·es mais à tout le monde. Quand j’étais adolescent, je n’avais pas cette envie d’apprendre, de comprendre plus de choses, de connaître. C’est venu plus tard. YouTube offre ça, justement, car voir des gens passionnés expliquer des choses donne envie de savoir. » Cette voix de la vulgarisation d’un domaine complexe – la finance et l’économie – a séduit l’oreille de nombreux médias. De quoi alerter un éditeur. Qui le convainc de se lancer dans l’écriture d’un livre. Heu?Reka hésite puis se lance.

Paraît en 2020 chez Payot Tout sur l’économie, ou presque : pour comprendre vraiment ce qui cloche dans le système. Un succès. Décidément, Gilles Mitteau aura parcouru un chemin armé d’un mindset qui tranche sur la façon classique d’entreprendre. « Techniquement, c’est une entreprise, j’ai des revenus, des dépenses, etc. Mais je ne le gère pas du tout comme une entreprise. Même si je dois rentrer dans mes frais, je ne cherche pas à maximiser le bénéfice, mon objectif est vraiment d’être utile. S’il faut gagner un peu moins pour être plus utile, j’irai par là. » N’appelle-t-on pas ça une « entreprise à mission » ?

Les Rebondisseurs FrançaisCe qu’en disent Les Rebondisseurs Français

Le parcours de Gilles montre que la linéarité n’est pas l’unique recette du succès : les pivots et explorations créent aussi de la valeur. Lui qui avait un « poste en or » s’est révélé entrepreneur en utilisant autrement ses compétences et en captant des besoins et tendances de l’ère numérique.

Jean-Baptiste Chiara

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