Brieuc Maisonneuve : avec Addictive Sailing, il a repris la barre de sa vie

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L’entrepreneur navigateur

« Un sentiment de très grand vide… » C’est ce dont se souvient avec force émotion Brieuc Maisonneuve quand il raconte ce dernier jour, quand il a donné les clés de sa société au repreneur du groupe industriel familial normand dont il avait assuré le développement avec sa sœur Séverine pendant 13 ans. Avant le rebond…

Brieuc n’était pas prédestiné à diriger le Groupe Maisonneuve, créé en 1939 et spécialisé dans la fabrication de semi-remorques citerne, fûts à bière et stations de traitement des eaux usées. Après ses études en école de commerce, il occupe des postes de contrôleur de gestion en région parisienne au sein d’entreprises comme TF1 Publicité, Giraudy et Stef-TFE (1998-2001), puis il bascule dans le conseil en systèmes d’information et déploiement de l’ERP SAP (2004).

Retour aux sources

C’est à ce moment-là qu’avec sa sœur, ingénieure agronome qui travaillait au sein du groupe, il décide de poursuivre l’aventure familiale et de racheter 100 % des parts au travers d’un LBO « musclé ». Son père cherchait à vendre l’entreprise créée par le grand-père et à la tête de laquelle il restait depuis 40 ans. À 31 ans, Brieuc quitte Paris pour la Basse-Normandie et devient PDG, en binôme avec Séverine, ex-responsable qualité devenue DG. Il pilote l’activité commerciale, la production industrielle et les finances, elle s’occupe de l’activité traitement des eaux usées, du marketing et des relations institutionnelles.

Après des débuts difficiles faute d’une trésorerie solide, et malgré la crise financière de 2008, ils redressent la barre. Ils développent l’activité à outrance, ouvrent une nouvelle usine en 2010, se déploient à l’international et en particulier au Royaume-Uni, très demandeur de ses fûts à bière, réalisent quelques acquisitions. En 2014, le chiffre d’affaires atteint 42 millions contre 20 en 2005. Le groupe compte 250 collaborateurs. Grosse PME.

Brexit, la chute

En juin 2016, l’annonce du Brexit va plonger le groupe dans la tourmente. Près de 40 % du chiffre d’affaires provenaient du marché britannique. L’effondrement de la livre sterling entraîne une perte de rentabilité considérable sur les marchés les plus rentables. Les assureurs crédit ne tardent pas à dégrader la cotation du groupe. L’impact sur la trésorerie est catastrophique.

Après deux ans d’une lutte acharnée, abasourdis par ce qu’ils croyaient réservés à d’autres, moins combatifs, les deux patron·nes optent pour une mise sous mandat ad hoc, épaulé·es par deux précieux partenaires, un expert en restructuring de Deloitte et un administrateur judiciaire rennais. Mais en mai 2018, ils n’ont plus d’autre option que de déposer le bilan. Le groupe est repris en juillet 2018 par Arcole Industries, une holding industrielle parisienne. L’intégralité des emplois est sauvée, Brieuc et Séverine quittent l’entreprise en janvier 2019.

Passer la vague

Son rebond ? Ce sera la création d’Addictive Sailing : des expériences de navigation inédites sur un voilier d’exception en Méditerranée l’été et dans les Antilles l’hiver. L’entrepreneur Brieuc Maisonneuve est aussi skipper. Quand il était en région parisienne, il a pris part à plusieurs grandes régates dont la Solitaire du Figaro. En 2014, quand le Groupe Maisonneuve était en vitesse de croisière, Brieuc a participé à la mythique Route du Rhum.

Éprouvé par la fin de son aventure industrielle, c’est sur et avec la mer qu’il trouve l’inspiration de son rebond. Une décision prise très vite, seul moyen pour lui de ne pas… sombrer. Attendre n’aurait que laissé perdurer nouvelles difficultés et contraintes.

L’échec : une expérience violente et bouleversante à la fois

Car la « chute » de Brieuc a été de même hauteur que son investissement pour faire réussir le groupe familial. « J’ai été très atteint physiquement et psychologiquement par cet échec et j’ai réellement mis plus de deux ans avant de vraiment retrouver goût à la vie. »

Une expérience bouleversante, marquée par la sensation de laminage au gré de décisions sur lesquelles vous n’avez plus de prise. Des émotions amplifiées par la conviction que vous portez l’entière responsabilité de pérenniser l’entreprise construite par vos aïeux il y a 80 ans. Un entêtement, sinon une obstination à ne pas croire que vous foncez dans un mur et qui vous font vous rendre compte bien trop tard et très violemment que la situation est sans issue. Une absence de bienveillance et d’empathie des soi-disant « partenaires » de l’entreprise à l’égard des patrons de PME. Le schéma est récurrent : il conduit les plus fragiles à l’irréparable…

Deux enseignements : ne pas oublier de vivre et ne pas se battre contre des moulins

Et aujourd’hui ? Brieuc avance, entreprend et navigue. Il est aussi soucieux de partager son expérience avec d’autres entrepreneurs, ce qu’il fait au sein des Rebondisseurs Français. Ce qu’il a retenu de ces années ? D’abord profiter de l’instant présent. « Lorsque je dirigeais le Groupe Maisonneuve, je ne vivais que pour mon activité professionnelle en spéculant que ça serait mieux plus tard et en oubliant de vivre au quotidien. Aujourd’hui, Addictive Sailing me laisse vivre ma passion tout en dégageant des moments privilégiés pour ma famille. »

Autre enseignement : il ne sert à rien de se battre contre des éléments dont nous n’avons pas le contrôle. « J’ai consacré énormément d’énergie et de moyens à essayer de contrer les effets du Brexit dans ma précédente activité alors que c’était peine perdue. Dans ma nouvelle activité, liée au voyage et au tourisme, l’impact de la covid est colossal. Mais cette fois, je sais que je ne peux rien y faire. J’ai pris les devants en réaménageant mes crédits avec la banque, faisant le dos rond et développant une offre moins contrainte par les transports. »

Nouveau cap : la Route du Rhum 2022

En 2022, Brieuc prendra le départ de sa 2e Route du Rhum. D’ici là, il doit non seulement préparer sa course mais aussi convaincre des parrains. Sa volonté lors de sa traversée jusqu’aux Antilles : défendre haut et fort le droit au rebond, convaincre de la force que donne l’échec, appeler à soutenir les entrepreneurs qui y sont confrontés – comme un navigateur en pleine mer l’est face aux éléments. Un voilier frappé du mot « Rebondisseurs » laisserait place aux commentaires !

Alors certes, au bout du chemin, Brieuc ne sera pas « l’homme le plus riche du cimetière », mais il aura vécu et contribué. 

Claire Flin

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