En immersion : Christophe Osmont, agri-preneur

L’amour est dans le pré…
L’amour est dans le pré…

Temps de lecture estimé : 5 minutes

A partir de ses 50 vaches, Christophe Osmont, qui a repris la ferme de ses parents, a su développer plusieurs activités. Une orientation intéressante, alors que la crise de la viande bat son plein…

L’amour est dans le pré…
L’amour est dans le pré…

«Je me présente aux gens comme étant agriculteur, mais j’ai surtout l’impression d’être chef d’entreprise. Bien sûr je me consacre aux travaux quotidiens de la ferme avec mon ouvrier et mes parents qui continuent de m’aider, mais j’organise des évènements, m’occupe de la promotion, de la communication, définis des stratégies pour développer de nouvelles activités. En réalité je suis très souvent devant mon ordinateur à manier des chiffres », analyse Christophe Osmont, nerveux, qui garde un œil sur ses vaches gravissant un terrain accidenté pour aller paître dans une parcelle plus éloignée, imbriquée dans celles des voisins. Les haies divisent encore ces terres vallonnées qui n’ont pas connu le remembrement parce que les cultures restent impossibles. Comme chaque année des agriculteurs mécontents font les gros titres durant les vacances et la rentrée en assiégeant les préfectures, généralement soutenus par les Français, parce que les prix pratiqués ne leur permettent pas de vivre. Mais certains, en véritables entrepreneurs, tentent de s’adapter en trouvant de nouvelles solutions, à l’exemple de ce jeune Normand de 33 ans, éleveur de vaches laitières à Coutances, dans la Manche.

 

Ferme classique, quoique…

Les bruits des vaches, veaux, cochons et lapins résonnent dans la ferme, composée de quatre bâtiments bien distincts disposés en carré. L’un abrite les 50 génisses et 50 vaches normandes laitières, quand l’autre de 40 mètres sert pour les veaux et la salle de traite. En face le troisième grand bâtiment comporte la salle restaurée de La Guerie louée à l’année pour des évènements d’entreprise ou des mariages et le magasin, enfin le quatrième se compose du bureau de Christophe Osmont, d’une salle pour entreposer la nourriture des bêtes et d’une salle de repos. Un peu à l’écart se dresse fièrement un édifice au revêtement gris moderne, qui n’est autre qu’une chapelle déconsacrée utilisée pour les cocktails et parfois des cérémonies religieuses. De quoi élever avec amour des vaches, mais aussi développer d’autres « ateliers »…

 

Changement de vie

Le 31 décembre 2013 Christophe Osmont démissionne officiellement de Vélo Magazine du groupe l’Equipe pour reprendre la ferme de ses parents. Il se lance auparavant dans une formation du ministère de l’Agriculture, le brevet professionnel Responsable d’exploitation agricole qui se déroule sur un an, dont trois mois de stages. « Après les démarches administratives relativement lourdes, j’ai pu officiellement commencer mon activité le 1er mai 2015. J’avais débuté ces démarches deux ans plus tôt ! », s’étonne l’ancien journaliste parisien qui a été retardé par les réformes de la PAC à l’issue incertaine, les fameuses mesures agro-environnementales qui peuvent changer nombre de critères. Ancien étudiant en économie, il calcule que son lait doit être vendu à 0,315 euros le litre à la Coopérative pour commencer à gagner de l’argent. Le prix actuel est de 0,313, mais grâce à la bonne qualité de ses laitières, des bonus lui font atteindre 0,323. De quoi faire un très léger bénéfice. Il réalise alors qu’il doit développer d’autres activités plus rentables. « A mon arrivée j’ai constaté que le temps passé en laboratoire de transformation, avec un boucher et de la main d’œuvre employée, rapportait peu : trois euros par heure ! Il fallait trouver autre chose pour rentabiliser l’investissement sous peine d’arrêter. » Et ce d’autant plus que l’obligation de passer par un abattoir lointain pour tuer les bêtes est très coûteux et contraignant. « Un abattage à la ferme, avec des inspections de services vétérinaires, ou un camion d’abattage qui ferait le tour des fermes, seraient plus adaptés à notre époque », affirme ce passionné de vélo, qui aimerait faire évoluer les lois sanitaires. Des idées de diversification ont alors germé dans son esprit.

 

Une succession de paris

Ses parents avaient développé dès les années 2000 la location de chambres d’hôtes, activité qu’ils ont décidée de conserver. En juin 2011 Christophe et ses parents proposent la salle de la Guérie fraichement restaurée pour les mariages et évènements d’entreprise. Dans la foulée, en septembre 2011, ils ouvrent sur le domaine un magasin de vente directe, approvisionné par une association de producteurs du coin dont ils font partie. Ils récupèrent alors les étals d’un boucher qui a fait faillite et proposent donc les principales denrées : viande prédécoupée, conserves, légumes, soupes, laitages, bières, cidres, pain, œufs ou encore gâteaux locaux. Après son arrivée officielle Christophe Osmont, fort de son réseau parisien, se tourne aussi vers la vente directe externe, en dehors du magasin, en faisant sa promotion sur Facebook et en misant sur le bouche-à-oreille. Tous les mois il livre en direct les Franciliens à un prix défiant toute concurrence, apportant dans une remorque réfrigérante achetée à un traiteur les produits du magasin ainsi que la viande découpée dans le laboratoire de transformation et mise sous vide.(1) « Cela me plaît, la relation avec les gens est sympa, et c’est économiquement valable », explique celui qui propose plusieurs formules et coffrets, selon les tailles des réfrigérateurs. Le chiffre d’affaires s’élève désormais à 300 000 euros, dont 150 000 provenant de la production de lait, 30 000 des veaux gras élevés au lait entier de la ferme, 50 000 de la vente directe, 50 000 de la salle de réception, 20 000 de la PAC. Les livraisons parisiennes mensuelles vont vraisemblablement rapporter 20 000 euros supplémentaires. « Mon arrivée récente à la ferme m’a permis de faire un vrai bilan et de mettre en action plusieurs chantiers. » Car mieux vaut être hyperactif dans ce métier, ou plutôt ces métiers. La ferme détient un fort pouvoir d’attraction sur la population toujours plus urbanisée, sur les enfants fascinés par les bêtes ou les adultes demandeurs de produits naturels et locaux. Aux agriculteurs de capitaliser sur cette bonne image…

(1) http://fermedelaguerie.jimdo.com/

 

Julien Tarby

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