Qu’attendons-nous des marques aujourd’hui ?

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Elles sont partout. Allumez votre téléviseur, écoutez la radio, surfez sur les réseaux sociaux… les marques font partie de notre quotidien sous forme de bourrage de crâne. De notre langage aussi, qui mène parfois à des raccourcis, intériorisés de toutes et tous – Nutella est devenu le synonyme de pâte à tartiner. Idem pour Sopalin, aussi efficace qu’un essuie-tout. Bref, les marques s’ancrent dans nos vies.

Mais à quoi servent-elles ? Une garantie de qualité, une confiance avec ses publics ou un moteur d’engagement… Qu’est-ce qui pousse les consommateur·rices à opter pour telle marque plutôt qu’une autre ? Derrière, les marques, si elles veulent perdurer, doivent s’adapter aux attentes de leurs publics et plus largement à l’évolution de la société. Mais pas trop vite, avant de débattre sur leur rôle auprès de leurs adeptes; Finalement, c’est quoi une marque ?

La marque vue comme un repère…

Ou une boussole. Du moins on sait à quoi s’attendre. La marque constitue un « repère mental sur un marché », explique Georges Lewi, spécialiste des marques et conférencier. Un repère dans la tête des gens, comme « un drapeau que l’on plante et qui dit qui je suis », poursuit Jean-Luc Chetrit, directeur général de l’Union des marques. Cet aspect d’identification demeure fondamental. Une marque livre un ensemble d’informations à ses publics : plutôt chère mais de qualité, bon marché et peu travaillée, profondément impliquée dans une démarche éthique – ou pas.

Surtout, elle doit faire preuve de sincérité. On parle beaucoup de storytelling : une marque doit avant tout raconter quelque chose, une histoire qui parle aux gens, rassemble et fédère. Derrière, le business suivra : « Je dis souvent qu’une marque s’apparente à une belle histoire qui peut rapporter pas mal de sous », sourit Georges Lewi, qui a enseigné au Celsa et à HEC. Une histoire qui doit aussi montrer que la marque est porteuse « de sens et de valeurs, d’un combat, bien au-delà de la simple identification ou différenciation », ajoute Géraldine Michel, professeure à l’IAE de Paris et directrice de la chaire Marques et Valeurs. Un combat et des valeurs que la marque partage avec ses publics, une communauté qui marche vers le même horizon. Marques et consommateur·rices fonctionnent comme un tandem, ils sont interdépendant·es : « Nike et son just do it, c’est exactement cela. Nous, on t’offre la baguette magique, c’est-à-dire la paire de chaussures qui va bien pour courir, mais avant tout dépend aussi de toi, il faut que tu en aies envie », de devenir un champion, illustre Georges Lewi.

… elle doit aussi s’engager !

Franchement, proposer un produit avec des caractéristiques A ou B ne suffira sans doute plus à ce qu’une marque dure. Les consommateur·rices veulent autre chose, donner du sens à leurs actions et leurs achats. Suis-je en accord avec ce que j’achète ? Les consommateur·rices – mais pas seulement, les collaborateur·rices aussi, les investisseur·ses, etc. – demandent aux marques de s’engager. « Beaucoup de marques travaillent leur raison d’être et leur utilité. On leur demande aujourd’hui de jouer un rôle politique, un engagement pour la société : regardez Decathlon qui, pendant la crise, a ouvert son brevet sur ses masques de plongée [l’Easybreath en particulier, ndlr] pour soutenir les hôpitaux alors en manque d’équipements », illustre Élodie Berthier, consultante indépendante en stratégie de marque, passée par le Celsa. D’ailleurs, cette notion d’engagement est de plus en plus prise au sérieux par les entreprises, « avant la politique RSE relevait de l’anecdotique, désormais c’est stratégique », surenchérit Élodie Berthier.

Car oui, raconter une histoire – aussi belle soit-elle – est une chose. Agir en est une autre. « Les paroles ne suffisent plus, désormais c’est le discours de la preuve qui prévaut », estime Jean-Luc Chetrit de l’Union des marques. Déjà dépassé, le storytelling dont on parlait un peu plus haut ? « Le storytelling a laissé place au storydoing, il faut non plus seulement parler mais faire, les actes priment sur les discours », constate Géraldine Michel, auteure de The art of sucessful brand collaborations, paru en 2020. Cette même « preuve » qui installe une « relation de confiance entre la marque et ses publics », précise Jean-Luc Chetrit, « praticien de la marque » !

Défier le temps ou se renouveler ?

Pour le spécialiste des marques Georges Lewi, pas de doute : « Je ne connais pas une marque qui change de nom ou de positionnement… et qui n’a pas de problème, ça cache forcément quelque chose. Vous changez aussi lorsque votre image a été dégradée, c’est une manière d’essuyer un incident », argumente-t-il. À côté de quoi, les marques doivent aussi s’adapter à des générations qui se succèdent, et qui n’ont pas forcément les mêmes besoins ou attentes. Ce qui compte pour une marque, c’est de ne pas « se retrouver en décalage avec son époque. Là, une remise au goût du jour sera nécessaire », pointe Élodie Berthier. Il y a changement et changement. « Si une marque choisit simplement de changer son logo, ça ne traduit pas obligatoirement une rupture particulière, un repositionnement en revanche c’est autre chose », évalue Géraldine Michel.

Parler de marques intemporelles a-t-il du sens ? « Je ne crois pas à une marque qui dure et qui est figée dans le temps. Une marque évolue et s’inscrit en permanence dans son temps, on le voit avec Total devenu TotalEnergies. À travers ce nouveau nom, je signifie ce vers quoi je veux aller », analyse Jean-Luc Chetrit. « Alors oui, on peut dire que certaines marques sont intemporelles car elles gardent leur ADN ou leur socle, mais leurs technologies et leur façon de parler changent », nuance le directeur général de l’Union des marques.

Nous – consommateur·rices, collaborateur·rices, investisseur·ses, etc. – avons rarement fait face à autant de marques. Et c’est une bonne chose : « La concurrence apparaît essentielle, c’est elle qui rend possibles l’innovation, la recherche et la différenciation, explique Jean-Luc Chetrit. Le jour où on n’a plus qu’une seule offre, c’est très mauvais signe pour les consommateur·rices et client·es. » Mieux, si vous aussi vous souhaitez lancer une marque, « ayez des convictions, défendez vos valeurs et portez un combat » grâce à votre marque, conclut la professeure Géraldine Michel.

Geoffrey Wetzel

 

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