La fameuse étude de marché (ETM), clé de création

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L’étude de marché conditionne la réussite d’un projet entrepreneurial et nécessite un accompagnement. Mais Internet ouvre aujourd’hui de nouvelles possibilités aux créateurs.

Certains entrepreneurs ont des approches un peu moins rationnelles...
Certains entrepreneurs ont des approches un peu moins rationnelles…

Confiant dans votre idée et sûr de vos débouchés, vous pensez pouvoir faire l’économie d’une laborieuse étude de marché ? Détrompez-vous, car avant même la création juridique de votre société et le moindre investissement en prospection commerciale ou marketing, cette étape se révèle indispensable à la viabilité de votre projet. « Beaucoup d’échecs sont dus à un déficit commercial : manque de clients, mauvais ciblage ou vente à perte, qui conduisent au dépôt de bilan, prévient Elizabeth Vinay, consultante au sein de l’Agence pour la création d’entreprises (APCE) et auteure de plusieurs guides sur les études de marché. Il s’agit notamment du défaut de nombre de micro-entrepreneurs ou de créateurs qui se lancent dans des métiers nécessitant peu d’investissements comme le nettoyage de bureau ou la sécurité, par exemple. » Si elle permet de bâtir le business plan du projet, l’étude de marché permet ainsi d’abord d’identifier ou de vérifier un besoin. « Et tout n’a pas déjà été fait !, lance l’experte. Par exemple, dans le domaine de la mort, divers sites se sont récemment créés pour donner des explications et des conseils pratiques vis-à-vis d’un besoin réel. »

 

Une durée parfois contrainte

Malgré le choix de démarrer son activité dans l’un des rares secteurs en croissance en France –  le service à la personne à destination des seniors –, Aurélie Switala a ainsi consacré près d’un an à défricher le marché, avant d’ouvrir son agence Adhap Services à Nîmes, en février. « Après avoir décidé de m’investir dans ce secteur d’activité porteur, et contacté cinq franchiseurs différents, j’ai réalisé une première étude de marché de six mois pour comparer ces franchises et les secteurs géographiques proposés », raconte la jeune entrepreneure.

La durée de l’étude de marché varie d’abord selon l’état d’avancement de l’idée du dirigeant : des balbutiements du projet (lequel implique une étude globale de la concurrence, du positionnement et du prix) à la simple validation de ses choix (amorce d’un plan d’action concernant le réseau de distribution, par exemple). Mais elle dépend également de la maturité du secteur d’activité du projet. Nul besoin d’y perdre de longs mois si vous souhaitez vendre des cigarettes électroniques ou des pizzas – pour lesquels le besoin ne se dément pas – une simple étude de voisinage suffira.

En revanche, dans le cas d’un projet technologique et innovant, davantage de recherches seront nécessaires pour identifier le marché, les clients et les fournisseurs, étudier la concurrence et définir le prix adéquat. « L’étude de marché est toujours valable mais sa profondeur est différente si l’on s’attaque au marché de l’industrie, des infrastructures ou des équipements lourds comme pour le ferroviaire, qui est un domaine relativement confidentiel, ou à celui des biens de consommation comme le vin, où il existe déjà beaucoup d’études et dont les recherches porteront plutôt sur les réseaux de distribution et la manière d’aborder le marché », analyse Olivier Andretic, chef du département marketing de Business France. Enfin, dans tous les cas, cette durée demeure contrainte par la disponibilité du porteur de projet. « Si votre projet occupe tout votre temps, et si son lancement n’est par urgent, il est possible de consacrer plusieurs mois à son étude de marché. Mais si vous travaillez en parallèle, alors quelques semaines bien structurées peuvent suffire, d’autant qu’il est parfois urgent d’aller conquérir le marché visé ! », conseille Elizabeth Vinay.

 

L’existence d’aides pléthoriques

L’ETM n’implique donc pas forcément de travaux à grande échelle. Pour s’informer, les revues spécialisées et les informations en ligne sont de plus en plus abondantes. En outre, les salons ou les fédérations professionnelles constituent d’excellents moyens de rester en veille et de bâtir son réseau. On peut également se procurer certaines études sectorielles toutes faites (type Xerfi) pour plusieurs milliers d’euros. Mais un certain nombre d’entre elles sont gratuitement disponibles, à la BNF notamment. « Pour réaliser mon étude sectorielle, j’ai essentiellement utilisé les outils et la base Odil de l’Insee, qui m’ont permis d’obtenir une cartographie précise de chaque commune : pyramide des âges, type d’habitation ou catégorie socio-professionnelle, afin de connaître le nombre d’infirmières libérales qui sont des prescriptrices de mon activité, par exemple, reprend Aurélie Switala. Deux conclusions de l’étude : l’importance du réseau et le nombre de prospects sur chaque zone, m’ont ainsi convaincue de choisir Nîmes plutôt que Bordeaux, d’où je venais. » Dans un second temps, la dirigeante a donc pu s’attaquer à l’analyse micro-économique du périmètre choisi, afin de définir son positionnement de prix et de service. « J’ai décroché mon téléphone en mode appel anonyme, et appelé les prestataires existants en me faisant passer pour quelqu’un qui recherchait des soins pour sa mère », s’amuse-t-elle.

Cependant, si l’étude doit être encore approfondie, par des questionnaires et des analyses qualitatives poussées, il peut devenir nécessaire de se faire accompagner. Pour cela, les porteurs de projets ont, partout en France, l’embarras du choix. « Il existe presque autant de réseaux d’accueil que de créateurs !, plaisante Elisabeth Vinay. L’Adie pour les projets qui connaissent des difficultés de financement, les CCI, les chambres des métiers, le réseau Entreprendre, ou encore les Junior Entreprises des grandes écoles. » Au-delà d’un soutien opérationnel, ceux-ci peuvent même parfois financer en partie l’étude, même si les aides spécifiques à l’étude de marché restent rares. « Pour la réalisation de mon projet, j’ai bénéficié d’un financement global d’Initative Gard, ainsi que d’une formation de la CCI destinée aux créateurs d’entreprise », raconte Aurélie Switala.

Pour les études de marché les plus complexes, il est encore possible de faire appel à un cabinet de consultants, comme EY, Accenture ou PwC, ou à un cabinet de marketing plus spécialisé, dans l’industrie mécanique en Allemagne par exemple. « Les prestations des cabinets spécialisés sont tarifées en tarif homme/jour. Pour une PME qui vise une implantation dans un pays donné, elles se situent au minimum entre 2000 et 10000 euros, et peuvent très rapidement grimper dès lors que l’étude demande du sur-mesure », pointe cependant Olivier Andretic. En raison de leurs coûts plus élevés, ils sont d’abord sollicités par les grandes entreprises. « Les plus gros consommateurs d’ETM sont les grands groupes expérimentés pour lesquels les enjeux sont plus importants, poursuit Olivier Andretic. Ainsi, une PME primo-exportatrice éprouvera plus de difficultés à investir dans la prospection ou dans une étude de marché poussée, qu’une plus grande structure, davantage sensibilisée au coût d’un échec. »

 

Une autonomie renforcée

Mais aujourd’hui, l’arrivée du Web a renforcé l’autonomie des porteurs de projet, afin de procéder seuls, à l’image d’Aurélie Switala, à leur étude de marché. « Le dirigeant peut désormais réaliser en partie cette étude à son compte, dès lors que l’information est disponible. Or beaucoup de données peuvent aujourd’hui se trouver sur le Web, comme les données douanières internationales par exemple, confirme Olivier Andretic. De même, il est désormais beaucoup plus facile de faire réagir un panel de clients à distance, ou via les réseaux sociaux, à un bien de consommation. »

Pourtant, si le digital a profondément changé la donne de l’accès à l’information, la méthode s’avère plus que jamais nécessaire au tri de cette « info-obésité ». Les professionnels recommandent ainsi de renforcer le croisement (à partir de plusieurs sources) et la vérification de l’information, et de confronter ses résultats avec ses pairs, afin d’éviter les erreurs. Enfin, pour ne pas faire l’impasse sur un pan entier de l’étude, les porteurs de projet doivent s’appuyer sur un plan détaillé. « Avant de se lancer dans l’étude de marché, il faut avoir un objectif précis, et identifier des points clefs, conseille Olivier Andretic. Ce type de sommaire permet d’éviter des oublis aux conséquences parfois fâcheuses : si une biotech ne prend pas en compte le fait que les conditions d’enregistrement d’un médicament durent parfois jusqu’à deux ans et demi, elle va au-devant de lourds problèmes faute d’avoir anticipé un développement long… »

 

Pierre Havez

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