Entreprendre hors de Paris

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Ces chambres, clubs, associations, sites, pépinières, prêts, conseils qui jouent les rampes de lancement.

Quitter Paris pour créer ou développer son entreprise ou entreprendre dans la région de son choix n’a jamais été autant facilité grâce à la multiplication des aides disponibles. Un salon, Parcours France, qui s’est tenu les 4 et 5 octobre au palais Brongniart, fut la plate-forme de tous les départs… On a refait le parcours.

Plus de 1 700 aides répertoriées sur le site aides-entreprise.fr, piloté par la DGE. Plus de 3 000 sur le site les-aides.fr, piloté par les CCI de France. Et encore n’obtient-on là qu’une partie de l’offre disponible proposée par une multitude d’acteurs, de l’État aux réseaux en passant par les régions, les collectivités, les métropoles, les associations… Bref, quel que soit le projet de création, de reprise ou de développement d’une entreprise, il existe des dispositifs de soutien partout en France. Une bonne raison : le développement économique est l’un des rares sujets qui font l’unanimité. Les territoires sont même demandeurs. Mais la multiplicité de l’offre risque de donner une impression de confusion, face à un empilement d’acteurs. « En fait, l’interlocuteur le plus naturellement identifié par les futurs chefs d’entreprise est le plus local, la mairie, souligne Éric Thierry, chef de service promotion et événements économiques d’Aix-Marseille-Provence Métropole. Les demandeurs n’ont pas nécessairement une connaissance très poussée des divers institutions et dispositifs. »

Tout commence par la région

L’utilisation du mot « territoire » n’est pas neutre. Si les aides se répartissent par catégories (aides au financement sous forme de prêt à taux zéro, subventions, réductions d’impôts, exonération de charges, aide à l’implantation, accompagnement, etc.), le critère le plus discriminant n’est pas nécessairement l’activité, mais la localisation. C’est bien pour cette raison qu’aides-entreprises.fr que les-aides.fr proposent une recherche par critère géographique. Pour réussir, un projet doit s’ancrer dans son tissu local – que ce soit pour sa clientèle, ses partenaires, ses employé(e)s, ou tout à la fois. Les aides et autres dispositifs raisonnent selon le même principe, du territoire le plus grand – la région – au plus petit – la collectivité locale.

Au-delà d’un certain nombre de dispositifs nationaux – Accre, Nacre, les aides diverses de Bpifrance… –, dans le cadre des transferts de compétence de l’État aux régions, ce sont elles qui sont devenues la tête de pont exclusive en matière de développement économique, et sont (presque) les seuls « fournisseurs » d’aides financières publiques. « La première chose que nous avons eu à mettre en place est un SRDEII (Schéma régional de développement économique d’innovation et d’internationalisation), qui a été adopté en décembre 2015 », explique Bernard Uthurry, vice-président du conseil régional de Nouvelle Aquitaine en charge du développement économique. Dans ces schémas, les régions sont libres de mettre en place autant de dispositifs qu’elles en souhaitent (dans la limite de leur budget…), en se focalisant sur des territoires, des activités, des catégories sociales… Par exemple, en Nouvelle Aquitaine, « le dispositif Entreprendre, la Région à vos côtés vise les entreprises de petite taille, que ce soit en création, reprise ou modernisation », explique Bernard Uthurry. Une autre aide s’adresse aux TPE immatriculées récemment (moins de 6 mois) sous la forme d’un accompagnement de 4 000 à 10 000 euros de subvention. Une autre encore vise les entreprises de production et de services de moins de deux ans, éligibles à des prêts à taux zéro jusqu’à 200 000 euros. « Nous adaptons également nos aides aux demandes des entreprises : auparavant, nous étions sollicités pour de l’investissement en matériel, de l’accompagnement pour le recrutement… liste Bernard Uthurry. Aujourd’hui, les sujets qui dominent sont plutôt la R&D ou la transformation numérique. »

Métropoles et collectivités

En pratique, cependant, ce n’est pas la région directement qui discute avec les entreprises. « La région est vaste, et les cas sont nombreux : l’année dernière, près de 50 000 nouvelles entreprises ont vu le jour en Nouvelle-Aquitaine », explique Bernard Uthurry. Il est aisé de comprendre que les régions ne peuvent pas faire tout toutes seules. Elles s’appuient du coup sur des relais locaux : associations locales, représentants des diverses chambres – de commerce, des métiers, de l’agriculture… « Tout ce réseau est organisé, décline les objectifs définis dans le SRDEII et supporte les dispositifs en partant toujours d’un diagnostic. Nous avons vocation à être très présents : l’idée est de ne pas avoir plus de 30 km entre les représentants de notre task force », poursuit Bernard Uthurry. Cette notion de proximité s’explique aussi par l’envie de répondre au mieux aux demandes. Impossible, en effet, de décider d’un mode opératoire détaillé pour tous. La multitude des variables – statut, localisation, activité, effectifs, etc. – rend chaque cas unique. « Si les principes des aides sont décidés en mode “prêt-à-porter”, l’action elle-même tient plus du cousu main. »

L’un des principaux échelons territoriaux « en dessous » des régions rassemble des métropoles et des collectivités qui apportent aux entreprises un autre type d’aide. « Nous avons adopté un agenda du développement économique de la métropole Aix-Marseille-Provence en conformité avec le SRDEII de la région », explique Éric Thierry (Aix-Marseille-Provence Métropole). Ce ne sont pas des aides financières directes, mais des facilités sur les conditions d’implantation, les conditions de vie, le développement… Par exemple, « parmi nos objectifs prioritaires, nous voulons mettre sur le marché 400 hectares de foncier d’ici à 2020. Accompagner la création de 100 start-up par an et réussir 80 dossiers d’implantation par an », souligne Éric Thierry. Le foncier, notamment, est un domaine sur lequel les métropoles agissent souvent. « Par exemple, c’est nous qui construisons des immeubles pour la biotechnologie ou qui les subventionnons. » Les métropoles, là encore suivant le principe de proximité, sont souvent organisées en plusieurs zones géographiques. « Nous disposons d’un ou deux agents de développement par territoire et six catégories de services sont proposées gratuitement : l’implantation, la création, le financement, l’innovation, le recrutement et la mise en réseau », liste le responsable de la promotion. La métropole s’appuie alors sur une agence de développement économique (Provence Promotion), des pôles de compétitivité, des incubateurs, des pépinières… Éric Thierry : « L’idée est de donner les meilleures chances d’accueil, de développement, et de parcours : par exemple, l’incubateur pour la validité et la faisabilité, la pépinière pour démarrer dans des conditions favorables et l’hôtel d’entreprises ou les zones d’activité pour les entreprises plus matures. »

Les réseaux et associations privées

En parallèle de tout ce système d’aides publiques de toutes natures, il existe une multitude d’associations et de réseaux privés qui offrent principalement des aides au financement, au recrutement ou des accompagnements. Certains sont d’envergure nationale (Initiatives, l’Apec, le réseau Entreprendre, France Active, France Angels…) et d’autres purement locales. En région Auvergne-Rhône Alpes, on en compte plus de 300.

« France Active a été fondé il y a 30 ans, avec l’objectif d’encourager l’emploi – que nous poursuivons aujourd’hui en promouvant l’entreprenariat, explique Jean-Dominique Bernardini, responsable marketing et innovation de France Active. Nous soutenons les entreprises qui apportent un plus, que ce soit sur le plan social ou territorial : souci de l’environnement, gouvernance, projet social… Si le projet et l’entrepreneur sont viables, nous les aidons. » Le réseau offre des services de conseil, de financement et de mise en réseau au travers de ses « antennes » locales, une quarantaine de structures adhérentes d’échelles régionale ou départementale. Mais la vocation première reste le financement. « Beaucoup d’entreprises arrivent vers France Active sur recommandation de leur banque, d’experts-comptables… énumère Bernardini. Les projets sont ensuite discutés en comité pour déterminer la meilleure aide à leur apporter. »

Le réseau compte ainsi trois filiales prêtes à offrir garantie bancaire ou proposer des prêts.

Autre exemple, le réseau Entreprendre, davantage focalisé sur l’accompagnement. « Une entreprise accompagnée obtient deux fois plus de chances de réussir, souligne Olivier de la Chevasnerie, président du réseau Entreprendre. Le taux de réussite des projets que nous soutenons est de 93 % à trois ans et de 90 % à cinq ans. » La priorité du réseau est, là aussi, la création d’emploi, au moins une dizaine par entreprise sur trois à cinq ans, avec une idée directrice : « Pour créer des emplois, il faut créer des employeurs », explique Olivier de la Chevasnerie. Le réseau sélectionne ainsi 1 400 lauréats par an, tous des primo-créateurs ou primo-repreneurs, et leur apporte gratuitement son aide, composée d’un accompagnement de deux ans par des chefs d’entreprise (en activité) et d’un prêt – à taux zéro, entre 20 000 et 25 000 euros, en collaboration avec les banques régionales. Le plus, c’est que ce prêt est de nature à débloquer d’autres fonds auprès d’une banque, la réputation du Réseau Entreprendre aidant. Un vrai effet de levier… D’ailleurs, « le plus souvent, on vient nous voir pour l’argent, mais c’est l’accompagnement qui se révèle en fin de compte le plus apprécié », souligne le président du réseau. Être chef d’entreprise, surtout si l’on n’a pas d’expérience en la matière, ça s’apprend sur le tas – et obtenir un interlocuteur avec lequel on est en mesure d’échanger sur tous les sujets (ce qui n’est pas le cas des banques, par exemple) est plus qu’utile. La formule rencontre un tel succès que le Réseau Entreprendre a créé de nouveaux programmes d’accompagnement pur, un pour les sociétés de trois à cinq ans d’existence, l’autre au-delà de cinq ans. La force des réseaux privés est qu’ils offrent, au-delà de l’accompagnement ou des aides financières, un réseau. « Nous montons des clubs de lauréats par “promotion”, au sein desquels ils peuvent échanger entre eux », explique Olivier de la Chevasnerie.

Franchir une porte

Si les régions et les métropoles tentent activement d’attirer certaines entreprises sur leur territoire – « nous travaillons avec des consultants pour aller prospecter sur des filières et des métiers précis », souligne Éric Thierry – il ne faut pas attendre de se faire contacter : la recherche d’aides et de soutien reste une démarche active. La bonne nouvelle, dans ce paysage protéiforme, est que l’on n’a pas besoin de s’y aventurer seul. Le Web se montre, évidemment, une source de plus en plus complète sur le sujet, entre les efforts importants de la part des chambres de commerce et du gouvernement pour rassembler l’offre présente et la présence de nombreux sites de conseil et de recherche. Mais s’il est utile pour un premier repérage, la démarche la plus efficace, dès lors que l’on a compris que les opportunités hors de Paris sont fructueuses, reste classique : visiter un salon pour entrepreneurs, comme Parcours France, le salon des entrepreneurs avec ses déclinaisons locales… Ces concentrés d’information et de contacts incarnent de façon assez complète les offres d’accompagnement et de financement disponibles sur un territoire. Ils sont surtout le moyen de rencontrer des acteurs – qu’ils représentent une région, une métropole ou un réseau. Car « il ne faut pas hésiter à se faire accompagner, insiste Bernardini. Il faut pousser la porte. » Si la porte n’est pas la bonne, on en ressortira avec un autre contact. « Nous connaissons bien les dispositifs et nous pouvons susciter le lien avec d’autres acteurs. Même si le projet ne correspond pas à nos critères, nous mettons son auteur en rapport avec d’autres réseaux ou institutions plus à même de l’aider. » Les acteurs de l’aide ne fonctionnent pas en silo fermé. Les métropoles se coordonnent avec les régions pour voir qui fait quoi et assurer la cohérence dans leurs démarches. Cette démarche de coopération va parfois même plus loin. « Depuis six ans, nous nous sommes tous organisés – les CCI, Euroméditerranée, l’agence de développement économique, la métropole… – pour parler d’une seule voix et pour mettre en avant un territoire, et non une institution », souligne Éric Thierry. En un sens, il suffit de suivre le guide…

Jean-Marie Benoist

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