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Une bonne idée ne suffit pas pour réussir. Les accélérateurs de start-up aident le porteur de projet à concrétiser le concept en un temps record. Mais ce dernier sait-il dans quoi il s’embarque ?

Incubateur, Start Up week-end, accélérateur… Pas facile de s’y retrouver dans la jungle des dispositifs d’aide à la création d’entreprise. Parmi les différentes options, l’accélérateur est sans doute le concept le moins bien défini et les formules diffèrent beaucoup entre elles. Le terme, importé des Etats-Unis voilà deux ou trois ans est tendance, et donc volontiers adopté, quitte à lui donner une réalité très éloignée de sa signification originelle. Qu’importe, nous ne sommes pas à une exception française près !
A l’origine une réponse à la pénurie de projets
Après l’éclatement de la bulle Internet, les investisseurs en capital risque ont engrangé des sommes considérables qu’il leur fallait réinvestir rapidement. Aussi incroyable que cela puisse sembler à des entrepreneurs français en quête de financements, aux States, l’offre d’investissement est devenue plus importante que la demande des porteurs de projets. Le montant des demandes de financement lui-même a diminué, en raison notamment de la généralisation des logiciels libres et d’une connaissance accrue d’Internet. Dès lors, pour investir des sommes équivalentes à celles qu’il plaçait dans ce type de valeurs avant les années 2000, le capital risque a dû avoir accès à un grand nombre de dossiers. « Les accelerators américains ont été créés pour rendre les projets plus sexys aux yeux des investisseurs », explique Michel de Guilhermier, co-fondateur et président de L’Accélérateur. Ce type de structure a permis, outre-Atlantique, de multiplier l’offre de dossiers « bankables » en un temps record… Et ces usines à projets ont tenté de s’implanter en France. Mais une différence de poids les attendait : la tendance du marché est inverse, l’offre de financement se fait plus rare que la demande…
Accélérateur made in France : à chacun sa formule… et son périmètre d’action !
La formule, en vogue comme tout ce qui vient des States en matière entrepreneuriale, a donc divergé. « Sur le marché hexagonal, le point commun à tous les organismes qui se prévalent du concept d’« accélérateur » est le fait qu’ils apportent une aide aux créateurs de start-up, analyse Michel de Guilhermier. En réalité, nous sommes beaucoup plus qu’un accélérateur. Au sens américain du terme, un accélérateur investit généralement sur une durée courte, tandis que nous accompagnons les créateurs sur plusieurs années. » Ainsi peut-on trouver sous ce terme une infinie variété de programmes. Certains s’apparentent à une formation à la fois théorique et pratique, telle qu’on pourrait aussi la trouver dans une école de commerce ou un MBA. D’autres, tels Y combinator ou TechStars, sont directement importés des Etats-Unis sous forme de franchise. Les candidats disposent de onze semaines pour finaliser leur projet et le rendre « bankable ». La force de ces structures réside avant tout dans leur puissance de financement rapide grâce à l’apport de fonds et d’investisseurs privés. Le pari du fondateur de Y combinator, Paul Graham, est de permettre à de petites équipes de lancer leur start-up en trois mois, moyennant une rétribution située entre 2 et 10% du capital. TechStar, de son côté, mise sur un écosystème constitué d’investisseurs issus de tous les pays du globe. Pour l’heure, ces deux acteurs peinent à s’imposer sur le marché français, car les candidats se tournent vers des programmes de plus long terme, où la dimension pédagogique prend plus d’importance. Certains acteurs, tel The Cantillon, n’hésitent pas à proposer une première phase de mise à niveau durant laquelle sont enseignées, en mode intensif, les bases de l’entrepreneuriat. Cette formation express dure dix jours et permet à la structure de retenir des profils de créateurs plus variés. La durée totale du programme est de quatre mois à l’issue desquels l’entreprise doit être créée. L’accompagnement s’arrête lorsque l’entreprise est jugée viable, soit lorsqu’elle a décroché son premier client. Les projets sur lesquels travaille l’équipe de Gilles Mautin, cofondateur de The Cantillon, ne nécessitent pas de levée de fonds. Les investissements se font pour l’instant sur fonds propres ou en autofinancement. Les fondateurs ont néanmoins pour projet de développer un fonds d’investissement destiné à pourvoir aux besoins en trésorerie des entreprises issues de leurs promotions. Enfin, L’Accélérateur fait aussi figure de pionnier dans son créneau en proposant un accompagnement de l’entrepreneur « from scratch » et durant toute la vie de l’entreprise… « Cela fait plus d’un an et demi que nous avons réalisé notre levée de fonds, accompagnés par L’Accélérateur, et je continue d’échanger tous les 15 jours avec Michel de Guilhermier », raconte Guillaume Bort, président de FioulReduc.com. Fidèle à cette logique d’accompagnement dans la durée, L’Accélérateur n’hésite pas à réinvestir lorsque le développement de l’entreprise l’exige. L’accélérateur de start-up est un dispositif plus léger que celui l’incubateur, mais bien plus complet qu’un simple start-up week-end. Quelle que soit l’option choisie, la solution est intéressante pour construire rapidement les bases d’un projet solide.
Eleveur de champions
N’est pas entrepreneur qui veut. Le facteur déterminant d’un projet est son équipe. Ce que recherchent les accélérateurs lors de la sélection des candidatures, ce sont des personnes qui réunissent certaines qualités propres à l’entrepreneuriat. Pour Michel de Guilhermier, « les qualités indispensables d’un créateur de start-up sont l’ambition et l’humilité, car les gens qui ont un ego surdimensionné n’écoutent pas. Un bon entrepreneur prend tout sur lui. Il doit avoir le ressort pour régler tous les problèmes et doit être tenace, car le défi qui l’attend est très compliqué. Enfin, la frugalité semble une autre qualité essentielle ». Seule une sélection drastique permet de réunir les meilleurs candidats dans une promotion. « Nous organisons de longues sessions de recrutement, nous testons les porteurs de projets au cours d’un mois probatoire. C’est seulement alors que nous commençons à voir comment ils se comportent », poursuit le président de l’Accélérateur. Si les organisateurs reçoivent entre 600 et 1200 dossiers, ils n’en retiennent finalement que 20. The Cantillon pour sa part privilégie la personnalité du futur dirigeant à l’idée de business elle-même. « Nous cherchons avant tout des gens qui ont une furieuse envie d’entreprendre », explique Gilles Mautin. Pour son organisme multi-secteurs, le plus important est bien de cibler les bonnes personnes. L’idée ? Elle vient après. Que vaut une idée si elle est mal exploitée…
Programme condensé, pression insufflée
Souvent issus d’horizons très variés, les participants aux programmes n’échappent pas à une mise à niveau sur les fondamentaux de la création d’entreprise. Un diplôme d’école de commerce n’est en effet pas suffisant pour justifier du profit adéquat. A contrario, les potentiels dirigeants peuvent avoir des backgrounds très éloignés de la réalité d’une direction d’entreprise. Comme la plupart des accélérateurs, The Cantillon propose une première phase de mise à niveau. « Notre programme s’apparente à celui d’un mini MBA, explique Gilles Mautin. Cette formation est très intense et très accélérée, nous la concentrons sur une dizaine de jours. Elle est un mélange de cours magistraux, de lectures, mais aussi d’ateliers. » C’est seulement à l’issue de cette phase que les candidats peuvent passer à l’étape suivante : le projet d’entreprise à proprement parler. Ils peuvent ainsi mettre en oeuvre leur formation sur leur projet et commencer à réaliser un chiffre d’affaires en gagnant leurs premiers clients, ce qui, selon Gilles Martin est bien plus constitutif de l’entreprise que la rédaction des statuts ou l’ouverture d’un compte bancaire. Reste à définir une stratégie. « Lorsque nous analysons les dossiers de candidature, la première chose que nous regardons est l’idée. Est-elle ou non intéressante, indépendamment de son auteur ? », explique Michel de Guilhermier. L’idée, c’est en principe le point de départ de l’aventure. Elle doit transformer du temps de cerveau en cash machine. Ce qu’attendent les porteurs de projet, c’est un accompagnement qui les aidera à mettre en route le moteur, sans pour autant les lâcher lorsque l’entreprise aura atteint sa vitesse de croisière. Pour Guillaume Bort, fondateur de FioulReduc.com, le premier apport de l’accompagnement est « la capacité à accompagner sur la stratégie pour transformer l’idée en business model performant. Les coachs nous forment l’esprit en nous parlant d’atouts différenciants. Ils nous aident à avoir une vraie vision de l’avenir de l’entreprise et à tout mettre en œuvre pour la pérenniser. » Aujourd’hui, son objectif est clair : « nous voulons prendre 10% du marché, ce qui serait une première pour un pure player. Nous serions dans le Top 3 des acteurs du secteur, juste après Total et Bolloré… » Pour le jeune entrepreneur, il s’agit d’un objectif jugé plus qu’atteignable…
Les deux piliers carnet d’adresses et compétence
L’accélérateur présente des avantages cruciaux, comme la mise à disposition du carnet d’adresse des mentors. Ne l’oublions pas, un bon accélérateur, c’est avant tout un entrepreneur expérimenté, qui a lui-même fait ses preuves et est capable de mettre à disposition des coachés son réseau d’experts. « Le volet opérationnel a été pour moi très important, raconte Guillaume Bort. Le fait de disposer du carnet d’adresses de mon accélérateur m’a permis de travailler avec des avocats, des experts comptables, des spécialistes en référencement naturel… » En outre, certains créateurs ne disposent pas de la compétence web nécessaire au développement de leur idée. Recourir aux services d’un accélérateur spécialisé dans le secteur permet de pallier ce manque. C’est précisément ce qui a conduit Julien Platel, créateur de The French Talent, à recourir à l’aide de L’Accélérateur. Lorsqu’il dépose sa candidature pour développer son idée, il a déjà réalisé une première levée de fonds. Mais pour concrétiser son projet, il lui manque une compétence web. « Grâce à l’accompagnement de L’Accélérateur, nous avons trouvé un modèle qui nous permettait de réaliser une deuxième levée de fonds », raconte ce jeune entrepreneur. C’est au fil des rencontres qu’il trouve aussi des idées. « Les discussions avec des seniors ou avec des entrepreneurs de la promotion permettent d’apporter des réponses aux questions », reconnaît le fondateur de The French Talents.
L’accompagnement jusqu’à la levée de fonds
Pour les secteurs à fort besoin d’investissement, la formule permet un accompagnement qui va souvent jusqu’à la levée de fonds. Dans le carnet d’adresses des mentors on trouve aussi et surtout… des investisseurs. La levée de fonds est l’exercice qui clôture de longs moins de travail acharné. Selon les différentes structures, un nombre restreint de projets sera ainsi financé. Les candidats d’une même promotion se retrouveront en concurrence face aux Business Angels. En réalité, le passage par un accélérateur ou un incubateur est devenu une quasi obligation pour les entreprises innovantes lorsque leurs créateurs ne peuvent financer le projet sur fonds propres, du moins pas en totalité. Mais cet accompagnement a un coût que le porteur de projet paye souvent au prix fort… Il consiste la plupart du temps dans une prise de participation au capital. Un prix qui ne se discute pas lorsque cet accompagnement est la condition même de la réussite du projet..
Article réalisé par Marie Bernard