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Salaires, parité, origine et handicap : entreprises en défaut !
1. Ce qui se cache derrière l’écart de salaire entre femmes et hommes
Encore aujourd’hui, en France, mieux vaut s’appeler Michel plutôt que Michelle sur le marché du travail. Bien qu’il se réduise depuis plusieurs décennies, on observe toujours un écart de salaire entre les hommes et les femmes. Autocensure, temps partiel, réelle discrimination… zoom sur les explications – et non les justifications – d’un déficit d’égalité salariale lié au genre.
Avant de combattre cet écart salarial entre femmes et hommes, essentiel de s’accorder sur son ampleur. Plutôt 30 %, 20 % ou moins de 10 % ? « Dans le secteur privé, les femmes gagnent 28,5 % de moins que les hommes en moyenne », lit-on sur le site de l’Observatoire des inégalités, qui s’appuie sur des données de 2017. Quasiment 30 %. Pas si vite, ce chiffre ne prend pas en compte un certain nombre de critères, dont le temps de travail – plein ou partiel.
Autrement dit, cet écart mesuré à 28,5 % constitue l’écart salarial total dans le privé entre les femmes et les hommes. Si l’on raisonne, ne serait-ce qu’en équivalent temps plein (ETP), l’écart se réduit : « En 2017, en France, les femmes salariées du secteur privé gagnent en moyenne 16,8 % de moins que les hommes en équivalent temps plein », comprenez pour un même volume de travail, estime l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Ajoutez à cela que femmes et hommes n’exercent pas les mêmes métiers, puisque l’on retrouve beaucoup de femmes parmi les employé·es, avec une rémunération peu attractive. Bref, plus l’on creuse et plus cet écart salarial lié au genre fond… sans jamais complètement disparaître !
Les femmes touchées par l’autocensure
« Plus de 40 % de cet écart résulte des inégalités de temps de travail », lance l’Insee dans son étude qui reprend des données de 2017. Or ce sont les femmes qui exercent le plus souvent un emploi à temps partiel. Lequel rime, la plupart du temps (et c’est logique), avec une plus grande précarité qu’un job à « temps plein ». À en croire un article paru dans la revue Travail et Emploi en 2021, les femmes occupent en moyenne 8 emplois à temps partiel sur 10 !
Pas étonnant, puisqu’au départ, le temps partiel est né d’une volonté de mieux articuler vie professionnelle et vie privée… un compromis qui dope l’emploi des femmes, moins obligées d’arbitrer entre emploi et gestion du foyer. Oui, les stéréotypes ont la vie dure. Car la courbe peine à retrouver l’équilibre… Dans le détail, pour les femmes, le recours au temps partiel s’accentue avec le nombre d’enfants : « Temps partiel : la garde d’enfants est le premier motif des femmes », titrait une enquête publiée en 2019 par Pierre Chaillot et Delphine Legendre pour l’Insee. Moderne notre société ?
Surtout, « les inégalités sont cumulatives […] travailler à temps partiel va de pair avec un salaire plus faible à un instant T, mais cela aura aussi une incidence à la retraite… les femmes à temps partiel doivent donc travailler plus longtemps pour parvenir à des droits pleins », explique Laurence Hulin, membre du conseil d’administration de l’Association française des managers de la diversité (AFMD).
Au-delà des raisons organisationnelles, « demeurent des causes individuelles qui expliquent un écart de salaire entre les hommes et les femmes, comme l’autocensure », nous confie Maya Hagege, déléguée générale de l’AFMD. Un manque de clarté quant aux salaires pratiqués sur tel ou tel marché peut déboucher sur des inégalités dans la mesure où les femmes ont tendance à réclamer un salaire moins élevé que leurs homologues masculins. « On voit des entreprises mettre en place des coachings pour aider les femmes à négocier leur salaire », remarque Maya Hagege.
La société tout entière en cause
Doit-on simplement pointer du doigt le marché du travail ? pas sûr. Car un employeur n’accepte un·e candidat·e que s’il·elle postule… or si la plupart des candidat·es qui sollicitent un emploi à temps partiel sont des candidates, cela signifie que le malaise demeure bien plus profond. Les parents et l’école ont aussi un rôle à jouer. Les premiers, en socialisant différemment leur petit garçon et leur petite fille, participent à une reproduction inégalitaire de la société – des parents qui formuleraient plus d’attentes en termes de réussite, scolaire et/ou sociale, auprès de leurs fils plutôt que leur fille par exemple.
De son côté, le système éducatif doit combattre, plus que jamais, des choix d’orientation étroitement liés au genre des élèves ou étudiant·es : « Regardez le manque cruel de jeunes femmes au sein des écoles d’ingénieurs ! », lancent les expertes de l’AFMD. Vous souvenez-vous peut-être de cette campagne de recrutement de l’Éducation nationale, marquée par le slogan « Laura a trouvé le poste de ses rêves alors que Julien a trouvé un poste à la hauteur de ses ambitions », si même l’École, non seulement ne corrige pas, mais amplifie les stéréotypes de genre…
… Alors forcément les jeunes intériorisent ces divergences de traitement. D’après une étude menée par l’AFMD en lien avec la CGE (Conférence des Grandes Écoles), et parue en 2021, 58,3 % des étudiant·es interrogé·es disent constater que les femmes et les hommes n’ont, aujourd’hui, pas les mêmes chances d’occuper le métier de leur choix. Dans le même sens, 70,4 % des étudiant·es interrogé·es considèrent que les femmes et les hommes n’ont actuellement pas les mêmes chances d’occuper un poste à responsabilités. S’en suivent, ce que l’on appelle communément, des prophéties auto-réalisatrices…