Tester plus ou tester mieux ?

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Malgré le million de tests hebdomadaires, le dispositif de dépistage n’est pas à la hauteur

Adam Belghiti Alaoui, Journaliste à la rédaction

À l’heure d’un rebond indéniable de l’épidémie, la stratégie sanitaire du gouvernement pose question. La campagne de test massive (tardivement) lancée en France se veut l’un des leviers de contrôle de la diffusion du virus. Elle est aujourd’hui un festival de dysfonctionnements et de contradictions. Un constat amer dans cette lutte contre la montre.

Un million de tests PCR (Réaction en chaîne par polymérase, prélèvement par écouvillon par voie nasale) par semaine, c’est la grande rengaine et la grande satisfaction affichée par Olivier Véran, ministre de la Santé. Reste que l’efficacité du dispositif ne convainc personne. Plus de tests oui, mais plus de limites logistiques surtout. La disponibilité et la capacité même de réaliser des tests a fait défaut pendant plusieurs mois, elle ressurgit aujourd’hui au gré de l’intensification de la stratégie de dépistage. Entre engorgements mal anticipés et levée de la nécessité d’une prescription médicale, les laboratoires font face à des files d’attentes parfois interminables.

Conséquence : les délais pour être testé et pour obtenir les résultats s’allongent. Conséquence de la conséquence : l’isolement des malades et l’identification des cas contacts sont ralentis. Olivier Véran affirmait encore ce 8 septembre que les résultats sont « disponibles dans les 36 heures » dans 80 % des cas. Que nenni, la réalité est souvent tout autre (plusieurs jours, voire une semaine).

Manque de stratégie et gâchis de moyens, voilà donc pour cette campagne de tests. En permettant aux personnes asymptomatiques, bien portantes ou simplement anxieuses et souvent non contagieuses, de se faire tester, on gonfle artificiellement le nombre de cas répertoriés. D’autant plus que le test PCR est valable à l’instant T, il pourrait se révéler négatif aujourd’hui mais positif demain. Se pose alors le problème de l’interprétation des résultats et des faux négatifs. Autrement dit, notre vision est faussée.

Ces « trous dans la raquette » du dépistage sont au cœur de la question. Délais trop longs obligent (en moyenne au 30 août, 3,8 jours entre les premiers symptômes et le prélèvement), on isole même des personnes qui ne sont plus contagieuses au moment de la réception des résultats. Un coup d’épée dans l’eau donc, quand on sait que nous sommes contagieux jusqu’à quatre jours avant l’apparition des symptômes. Non, le test RT-PCR n’est pas un test de contagiosité ! Il se limite à dire si vous êtes porteur.euse du virus ou non. Inutiles, alors, les tests PCR ?

En partie, oui. Car cibler les tests et prioriser les personnes symptomatiques relève d’une fausse bonne idée, la moitié des cas sont asymptomatiques et les pays qui ont le plus testé sont ceux qui ont déploré le moins de morts (Allemagne, Autriche, Indonésie, Mexique…). Souci : le dépistage tel que pratiqué actuellement ne serait vraiment fonctionnel que si l’on teste la population de façon quasi exhaustive. Le test qui consiste en un prélèvement nasal suivi d’une analyse individuelle a atteint ses limites. Indéniablement.

Tester plus mais surtout, rationaliser les tests, voilà l’idée à retenir. En limitant les coûts matériels, il serait possible de gagner en rapidité et de limiter les coûts financiers. Une idée salvatrice : les tests groupés par lesquels traiter un groupe de personnes à partir d’un nombre de prélèvements réduit, grâce à une méthode arithmétique. Cette méthode de « pooling » va économiser les précieux réactifs. Déjà utilisée dans d’autres pays, elle n’est pas évoquée en France…

Sans innovation ou rationalisation de la stratégie de dépistage, l’injonction de l’Organisation mondiale de la santé à « tester, tester, tester » relèvera définitivement plus du vœu pieux que de l’objectif réaliste.

Adam Belghiti Alaoui

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