L’ère des ingénieur·es managers

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La double compétence « ingénieur·e et manager » s’impose face aux profils purement techniques.

Transformer un « ingé » à la formation technique ultra-pointue en leader capable de mobiliser les équipes transversales, tel est le défi que doivent relever les écoles d’ingénieurs de toutes spécialités.

Le management est devenu un incontournable des formations d’ingénieurs. Un grand nombre d’entre eux sont amenés à exercer des fonctions de management transverse. Pour les plus jeunes, l’une des difficultés majeures consiste à piloter des projets, animer des task-forces, suivre des processus qualité pour les achats ou d’autres services, sans bénéficier des avantages d’une autorité hiérarchique. Dans cette configuration, seules les qualités d’un bon manager transverse, d’un bon leader, vont fédérer les équipes pour les embarquer avec lui ou elle. Le leadership apparaît comme une condition du succès de leurs missions. Rien d’étonnant, dès lors, à ce que le profil devienne le préféré des entreprises. La demande pour le double profil ingénieur·e est devenue plus importante que celle du profil ingénieur·e seul. Il s’agit d’une manière pour le recruteur de s’assurer de l’intérêt du·de la candidat·e pour la fonction de management. Côté rémunération, un·e ingénieur·e manager en début de carrière gagne 15 à 20 % de plus qu’un·e « simple » ingénieur·e. Pour ceux et celles qui souhaitent intégrer la direction générale, la double formation est devenue quasi nécessaire. Les outils acquis donnent le moyen de mieux comprendre le client, la stratégie de l’entreprise, le management, la finance… Autant de compétences essentielles pour exercer une fonction de direction.

Techniques de vente et charisme

Être leader ne se décrète pas. C’est le résultat d’un savoir-être et d’un savoir-faire qui provoque une envie d’adhérer des équipes. « Le leadership est le processus par lequel une personne influence un groupe de personnes pour atteindre un objectif commun », explique Peter Northouse, auteur de Theory and practice chez Sage. Faire adhérer d’autres personnes sans manipuler, est un art… Certaines formations au leadership proposent en premier lieu aux participant·es d’acquérir des techniques de vente. Lors de mises en situation, les stagiaires s’entraînent à vendre un objet à un prospect en tenant compte de ses besoins et motivations. Ils·elles sont ensuite invité·es à simuler la vente d’un projet d’investissement à d’autres stagiaires en endossant le rôle de décisionnaires réfractaires. Mais au-delà des techniques pour convaincre, le leadership évoque aussi le charisme qui caractérise certaines personnes et qui, a priori, pourrait sembler inné. Si cet aspect est sans doute plus difficile à acquérir pour des ingénieur·es aux profils très techniques et peu porté·es sur la communication, il n’en reste pas moins accessible à tous. À condition d’en comprendre les codes.

Des doubles diplômes

Certaines écoles d’ingénieur·es partent aujourd’hui du principe que leurs étudiant·es seront autant managers que les élèves sortant d’écoles de commerce. Pour cette raison, elles s’ouvrent à de nouvelles disciplines en créant des doubles diplômes en partenariat, notamment avec des écoles de commerce. Idéal pour les jeunes indécis·es ou polyvalent·es ! Objectif affiché : s’adapter aux nouvelles attentes des étudiant·es, mais aussi des recruteurs. Depuis une dizaine d’années, les formations qu’elles proposent intègrent la dimension managériale et leadership aux cursus. Elles offrent la possibilité de suivre des diplômes doubles, souvent en partenariat avec des écoles de commerce. Télécom Paris propose un tel diplôme en partenariat avec HEC Paris. Polytechnique propose un master data science for business également avec HEC Paris, tandis que l’ESTP prépare à un double diplôme avec l’IAE de Paris. Voilà plusieurs années déjà que Grenoble IAE prépare des élèves-ingénieur·es à une double compétence. « En ajoutant seulement un semestre à leur dernière année d’études, ils·elles peuvent obtenir un master Management et administration des entreprises (MAE), voire un master spécialisé », explique Christian Defélix, directeur de Grenoble IAE.
Si un double diplôme va pousser légèrement la rémunération, sa valeur ajoutée est avant tout d’ordre qualitatif. « Il ouvre plus de possibilités. L’option séduit les étudiant·es qui visent d’emblée un poste à contenu managérial », constate Christian Defélix. Pour l’heure, si la double compétence concerne essentiellement des ingénieur·es visant une compétence en management, la recherche se montre parfois inverse. « Depuis une petite dizaine d’années, quelques élèves de notre IAE rejoignent l’école Grenoble INP-Génie industriel pour acquérir une compétence technique », explique le directeur de Grenoble IAE. Dans ce cas, pour ajouter le diplôme d’ingénieur à leur master IAE, les étudiant·es doivent suivre un an d’études en plus.

Une année de spécialisation

Dans certaines écoles, les étudiant·es choisissent de réaliser le cursus ingénieur en trois ans avant un master dans une école de commerce ou à sciences Po. L’Université de technologie de Compiègne (UTC) propose, dans le cadre de la formation continue, des programmes de gestion de projet qui intègrent la dimension managériale et la personnalité du·de la chef·fe de projet. L’établissement est à la fois une université et une école d’ingénieur·es. Il forme des ingénieur·es, masters et docteur·es.

Autre tendance lourde en matière de formation des ingénieur·es au leadership, les parcours dopés à certains cours de Sciences Po. Télécom Paris propose, sur ce principe, un master management, innovation, numérique dispensé par Télécom Paris et Sciences-Po. Cette formation est particulièrement adaptée aux étudiant·es qui n’ont pas un profil purement scientifique. Quoique excellent en maths, ils·elles ont acquis également une très bonne culture générale et aiment les sciences humaines et sociales.

Formation professionnelle lors d’un changement de poste

Le double diplôme est devenu courant lors de la formation initiale, ce n’était pas le cas il y a 15 ans. Les ingénieur·es en poste avant la généralisation de ces diplômes dopés n’ont bénéficié d’aucune formation en management et leadership. Nombre d’entre eux et elles se sont vu confier la responsabilité d’une équipe technique pour laquelle les compétences managériales ont autant d’importance que les savoir-faire techniques. Mais passer d’une logique d’expert à une logique de manager ne s’improvise pas. Une formation professionnelle est de nature à donner aux ingénieur·es de développer leur leadership pour engager et motiver leur équipe. En travaillant leur posture d’ingénieur·e manager, les doubles diplômé·es deviennent aptes, à l’issue de la formation, à s’exprimer avec autorité. Ils·elles connaissent mieux les outils RH pour gérer une équipe au quotidien, sont mieux armé·es pour affronter les conflits et accompagner l’équipe.

Des formations pour tous les niveaux

La pratique du management et donc la nécessité du leadership s’exerce dès le degré d’agent de maîtrise. Des chef·fes d’équipe, ou managers de proximité, sont promu·es pour encadrer les équipes techniques. Une promotion qu’ils·elles doivent souvent à leur compétence technique ou à leur implication, confronté·es alors aux limites de leur formation technique initiale. Beaucoup ne s’estiment pas suffisamment outillé·es pour mener à bien leur nouveau rôle au sein de l’entreprise. Dans ce contexte, une formation ciblée prend tout son sens. Les plans de formation des entreprises proposent de plus en plus des formations pour pallier le manque. Pour bien cibler la formation, un bilan de compétence est parfois requis.

Un atout de plus sur le marché du travail

Le marché du travail des ingénieur·es est en tension. Si le marché leur est favorable, les ingénieur·es-managers mettent la barre encore plus haut côté recruteurs en misant sur la double compétence pour renforcer leurs exigences salariales auprès de grands comptes français ou européens, ou créer leur entreprise. D’autant que les RH cherchent de plus en plus à recruter sur des valeurs plutôt que sur de seules compétences techniques. La plupart débutent leur carrière en tant que chef·fe de projet ou consultant·e pour un salaire moyen de 45 000 euros. Mais la spécialisation management et leadership n’est pas réservé aux cadres dirigeant·es des entreprises issu·es des grandes écoles.

Marie Bernard

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