Les achats responsables sont au cœur des transformations

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Faciliter l’atteinte des objectifs de développement durable de l’ONU et doper la relance avec des achats responsables sont les principales ambitions des États européens et des entreprises. Et si les milliards d’euros liés aux achats changeaient le monde ? États, collectivités, structures publiques ou entreprises privées et start-up… sont désormais nombreux à transformer leurs pratiques pour accélérer les impacts positifs.
Du coup, le facility management, qui impacte sensiblement les organisations, prend tout son sens. Il s’agit de l’ensemble des services et prestations liés à la bonne gestion opérationnelle et stratégique des entreprises. Les achats responsables en sont l’une des composantes.

« En achetant judicieusement, les acheteurs publics vont promouvoir des possibilités d’emploi, un travail décent, l’inclusion sociale, l’accessibilité, le design pour tous, le commerce éthique, et chercher à obtenir un plus grand respect des normes sociales », affirme la Commission européenne.

Idem pour toute entreprise privée. « Le poids des achats représente en moyenne 50 % du chiffre d’affaires d’une entreprise. Ils constituent un axe important d’amélioration de la performance économique de l’entreprise tout en anticipant les risques », indique l’Ademe, l’Agence de la Transition écologique. Les entreprises ont le pouvoir de réaliser des achats à impacts et de soutenir ou de développer ainsi des biens et des services à retombées positives.

Elles sont de plus en plus nombreuses à intégrer dans leurs investissements des critères relatifs aux impacts économiques, environnementaux et sociaux pour améliorer le monde dans lequel elles évoluent. 35 % des PME seraient engagées dans une telle démarche depuis moins de deux ans, selon le 12e Baromètre des achats responsables, réalisé avec OpinionWay et publié en mars 2021.

Le secteur public est  le principal investisseur

Le secteur public est devenu le principal investisseur en Europe. Il représente 14 % du PIB de l’UE, soit près de 2 250 milliards d’euros de dépenses. Il va progressivement devenir le moteur des achats responsables et transformer l’offre des entreprises par l’intégration mécanique de critères RSE dans les appels d’offres…

Dans leurs stratégies de relance, les États visent à accélérer les transitions vertes, sociales et numériques. « Les pratiques d’achat socialement responsables sont un instrument puissant dans la panoplie d’outils dont disposent les administrations nationales de l’UE pour atteindre ces objectifs », explique la Commission européenne.

Plusieurs réglementations en cours liées aux marchés publics facilitent ou imposent l’achat de produits et services sur des critères sociaux, environnementaux et de durabilité économique (décret n°2021-254 du 09 mars 2021 relatif à l’obligation d’acquisition de biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées, Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire…).

« Les directives sur les marchés publics précisent que les aspects sociaux peuvent être pris en compte tout au long du cycle de passation des marchés, depuis la consultation préliminaire jusqu’à l’utilisation des réserves et du régime allégé, en passant par les critères d’attribution sociaux et les conditions d’exécution des contrats. » Les législateurs nationaux, à travers plusieurs textes en cours d’élaboration, vont également inciter les citoyen·nes et les acteurs privés à consommer des produits et des services responsables. Finalement, la réalisation des objectifs RSE pourrait créer de nouvelles opportunités commerciales de 12 000 milliards de dollars par an d’ici à 2030 à l’échelle mondiale, tout en abaissant drastiquement les risques et les pertes liées au réchauffement climatique, aux catastrophes naturelles ou aux crises sociales, selon le Forum économique mondial !

Les JO vitrine d’achats responsables

L’objectif est donc de changer l’offre et les modèles économiques rapidement pour doper les innovations en la matière. Et elles sont nombreuses. Voici quelques démarches innovantes à même d’illustrer la puissance de ces achats précurseurs.

Symbole de la solidarité, de l’inclusivité et de la performance, le comité d’organisation de Paris 2024 pour les Jeux olympiques et paralympiques a mis en place des critères d’achats pour instaurer les « jeux les plus inclusifs et durables de l’histoire ».

Parmi les 5 milliards d’euros de dépenses liées à l’organisation des épreuves, 25 % de la valeur des achats sont consacrés aux produits et aux services d’entreprises sociales et PME. Les organisateurs ont également instauré que 10 % des heures travaillées liées à la construction, aux équipements et entretiens doivent se voir confiés à des personnes en situation de fragilité. Par exemple, Vitaservices, entreprise sociale d’insertion du Groupe Vitamine T, a été retenu pour ses prestations innovantes dans le secteur de l’inclusion.
L’organisation des achats est également novatrice. Des outils d’informations, de sourcing et d’accompagnement des plus petites entreprises ont été mis en place avec les organisations professionnelles (Medef, CPME, U2P, CCI Business Grand Paris, Les Canaux…), les acteurs publics et les associations. À cette fin, deux plates-formes numériques ESS2024 – https://ess2024.org – et Entreprises2024 – https://entreprises2024.fr – ont été créées. Elles facilitent, en quelques clics, la mise en relation entre les entreprises , les start-up solidaires et les besoins des organisateurs·rices.

Les achats sont des leviers de changements chez Société Générale

La politique d’achat est pour Société Générale un vaste programme stratégique. Elle a mis en place Positive Sourcing Program 2020 (PSP 2020). Avec ses 6,6 milliards d’euros d’achats dont 4 en France, la banque vise à développer les pratiques d’achats vertueuses. « Le programme s’articule autour de deux ambitions : renforcer la maîtrise des risques RSE dans le processus d’achat et développer la diversité dans les achats en contribuant à améliorer l’empreinte territoriale et environnementale du groupe. Le PSP 2020 s’inscrit dans la continuité de la mise en œuvre de l’Accord mondial sur les droits fondamentaux signé en juin 2015 avec l’UNI Global Union, démontrant la volonté du groupe de le mettre en œuvre dans l’ensemble de ses entités. »

La banque s’est fixé comme objectif de « maintenir le montant de dépenses réalisées auprès de structures de l’ESS à hauteur de 10 millions d’euros par an ». Elle entend également élargir les partenariats avec des structures d’insertion et d’autres acteurs de l’ESS.
Signataire de la charte numérique responsable de l’Institut du numérique responsable, l’établissement se dote de technologies et de solutions vertes. « L’ambition est de rechercher systématiquement les produits ou services innovants à forte plus-value environnementale en se basant sur une analyse des impacts environnementaux (émissions CO2 et efficacité environnementale). » Les achats informatiques couvrent l’ensemble du cycle de vie du SI et des données. Achats de prestations de sensibilisation de la filière IT et de ses utilisateurs pour favoriser la réduction de la consommation énergétique, acquisitions de prestations de développement pour la réalisation d’applications écoresponsables et e-accessibles, mise en place de solutions de réduction des déchets liés au numérique en faisant appel au secteur protégé ou investissements dans des services d’optimisation de l’usage de la data et optimisation de nouvelles technologies notamment d’intelligence artificielle… sont quelques-unes des actions déployées.

L’offre des entreprises est résiduelle

Si la demande en achats responsables progresse rapidement et devrait à moyen terme devenir la norme, les produits et services responsables sont, eux, encore résiduels dans l’ensemble des activités.

Dans le secteur financier par exemple, les produits financiers responsables disponibles sont largement insuffisants. Les banques n’arrivent pas à répondre aux attentes des investisseurs faute d’offres. Il n’y aurait seulement, à l’échelle mondiale, que quelques centaines de produits financiers pour répondre aux multiples besoins.

Du côté de l’énergie propre, la situation est identique. La demande des entreprises en énergies renouvelables est supérieure à la demande totale en énergie des principales économies du G7, selon l’organisation RE 100 rassemblant de grandes entreprises mondiales. Pour pallier ces contraintes, certaines entreprises souhaitent se lancer dans l’autoproduction. Mais elles se trouvent souvent dans l’incapacité d’accéder à des technologies éprouvées ou d’avoir de la visibilité sur leurs besoins et activités à long terme en raison des multiples transitions écologiques, sociales et technologiques qui sont simultanées.

De l’achat durable à l’innovation

Oniric. C’est le nom du vin qui est né de la démarche d’achats responsables lancée par la coopérative des Vignerons de Buzet.

Grâce à ses relations et à un travail étroit avec ses fournisseurs, la coopérative a créé une bouteille allégée en matières premières répondant à la fois aux critères des client·es et aux contraintes techniques, comme celles liées aux transports.

L’emballage a été revisité et les bouchons sont désormais fabriqués en… liège. La démarche a permis de générer 60 keuros par an d’économies sur l’achat des bouteilles de verre et les emballages. Du côté de l’environnement, ce sont 300 tonnes de verre qui sont économisées et 200 teqCO2 qui ne sont pas émis. D’un point de vue commercial, le vin a été primé pour son innovation et a ainsi gagné en notoriété, notamment à l’étranger.

Patrice Remeur

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