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Gabriel Attal veut fusionner la carte vitale et la carte nationale d’identité. L’Assurance Maladie appuie sur le frein à main.
Avec une hausse de 13,5 % en 2022, la fraude sociale demeure un fléau à combattre. L’administration renforce son dispositif : 32,4 millions de contrôles ont été réalisés l’an passé.
C’était il y a une semaine. Gabriel Attal, ministre de l’Action et des Comptes publics, présentait son plan de lutte contre la fraude sociale. Principale mesure : le projet de fusion de la carte vitale et de la carte d’identité. Après quelques jours de flottement, l’Assurance Maladie vient de rendre son verdict… Et s’interroge, confiant : « de très fortes réserves », estimant même que cette réforme ne correspond à « aucun besoin ».
La « plus-value en matière de lutte contre la fraude reste entièrement à démontrer », et « les montants de fraude susceptibles d’être liés à une utilisation frauduleuse de la carte vitale sont minimes », estime Thomas Fatôme, directeur général de la Cnam.
D’abord, une interrogation. De quel droit un directeur d’administration peut-il désavouer publiquement un ministre ? Cela paraît assez lunaire. On note d’ailleurs qu’en 1998, la même Cnam se disait déjà « réservée » quant à la mise en place de la carte vitale… Peut-être en serions-nous toujours à la feuille de soin !
Une fusion qui existe ailleurs en Europe
Fusionner la carte d’identité et la carte vitale. Sur le papier, l’idée paraît bonne, car elle complexifie de facto la fraude. Impossible, par exemple, d’utiliser la carte vitale d’autrui pour escompter un remboursement. Mais certains s’alarment : fusionner deux documents aussi stratégiques pourrait avoir de graves conséquences, si un gouvernement autoritaire arrivait un jour au pouvoir. Le « crédit social » à la chinoise pourrait, théoriquement, devenir possible.
Gabriel Attal assure que les « fichiers ne se croiseront pas ». Et d’ailleurs, la mesure est déjà en place en Suède, au Portugal ou encore en Belgique. Ainsi, au pays de Tintin, on glisse sa carte d’identité dans un lecteur, aussi bien à l’hôpital qu’en pharmacie. Un carnet de santé numérique, dématérialisé, est à disposition.
Seulement, une inquiétude peut poindre à l’horizon… Alors qu’il faut déjà des mois pour renouveler sa carte d’identité en France, on imagine le temps qu’il faudra à l’administration pour s’adapter. Le coût de la mesure, d’ailleurs, est inconnu.
Gabriel Attal n’a pour l’instant que son projet. Aucune étude d’impact, aucun calendrier, aucun coût estimé. Il vient de diligenter un rapport pour défricher le sujet. Il devrait être rendu en fin d’année. La fusion des deux documents officiels n’est donc pas pour tout de suite ! Gabriel Attal l’assume : « On se donne dix ans pour mener ce chantier ».
L’alternative Charles Prats
Le magistrat Charles Prats, depuis maintenant des années, alerte sur ce sujet. Dans ses ouvrages Cartel des Fraudes (tome 1 et 2), il dévoile des situations ubuesques… Comme ces « militaires retraités », qui touchent encore leurs pensions à l’âge de… 128 ans ! On se demande comment l’administration n’a pas vu une telle énormité. « Il faut aller les chercher au Chemin des Dames », plaisante ce magistrat à l’humour très british, par ailleurs engagé au sein de l’UDI, parti fondé par Jean-Louis Borloo.
Sa solution contre la fraude ? La carte vitale biométrique. Décorrélée de la carte d’identité, elle limiterait le risque pour les libertés publiques. Concrètement, il faudrait, avec ce système, apposer ses empreintes digitales, pour « montrer patte blanche ». Cela existe déjà pour la carte d’identité.
Gabriel Attal, qui a reçu Charles Prats à Bercy, n’est pas convaincu. Outre les coûts importants de la mise en place de ce système (il faudrait équiper tous les lieux de santé de dispositifs biométriques), certains détails pratiques restent à régler. Que faire, par exemple, si un malade envoie un proche pour réceptionner ses médicaments ?
Autre solution, peut-être la moins onéreuse, la « e carte vitale ». Déjà testée dans une dizaine de départements, elle a l’avantage de simplifier les procédures. Ce droit à la dématérialisation doit être proposé à tous en 2025. De quoi régler le problème ? Notons que, selon Bercy, la fraude sociale (qui dépasse largement la seule carte vitale) est chiffrée à 8 milliards d’euros.