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Dans un même fauteuil
Quand le luxe rencontre le 7ème art… Phénomène de société.

Spots en prime-time sur une chaîne nationale, publicités sur papier glacé, ambassadrices sur les marches du Festival de Cannes… Les marques de luxe déploient tout un arsenal de communication pour faire rayonner leur nom et leurs produits. Dans ce large éventail, le placement de produit ou le placement de marque au cinéma est très apprécié. Après avoir lu cet article, votre prochaine séance de cinéma ne sera plus tout à fait la même. Le héros conduit une voiture haut de gamme bien précise, arbore une montre de marque, boit tel champagne… Ce n’est pas le fruit du hasard. Dans le secret de l’écriture du scénario et dans les coulisses du tournage, tout a été orchestré dans une relation gagnant-gagnant : un apport financier au budget du film ou une campagne de communication croisée en contrepartie d’une jolie visibilité pour la marque.
Pour mesurer ce business, le site BrandChannel publie un classement des meilleurs et des pires placements de produits du box-office américain. En 2015, Mercedes-Benz arrivait en tête en plaçant ses voitures dans neuf des 31 plus grands succès cinématographiques de l’année. Apple et Sony complétaient le podium. Certains films ne sont qu’une succession de publicités, à l’image de Fast & Furious 7 qui remporte le prix du film avec le plus de placements de produits. 48 marques ou produits sont identifiables tout au long des 2h17 d’actions ! Si le cinéma hollywoodien est passé maître dans l’art du placement de produit, les origines du concept seraient françaises. « Les frères Lumière sont les premiers à avoir fait du placement de produit avec Unilever. Dans deux des films des inventeurs du cinéma, une marque de savons du groupe apparaît bien visible », révèle Jean-Patrick Flandé, directeur associé de l’agence Film Média Consultant.
En 120 ans, le placement de produit s’est bien développé et prend tout son sens dans une société de consommation sur-sollicitée. Face à la saturation publicitaire, le placement de produit est jugé moins intrusif. Et dans le haut de gamme, associer son produit au star system renforce l’aura d’une marque. « Un placement de produit peut avoir un objectif de notoriété, un objectif d’intégration du produit dans le quotidien pour montrer son utilisation ou un objectif d’image en associant la marque au prestige d’un acteur et à ses valeurs », décrypte Jean-Dominique Bourgeois, dirigeant de Place to Be Media. Une exposition qualitative et valorisante, une immersion totale et un public captif, une visibilité internationale, la notoriété des acteurs… séduisent les marques. Dans une étude de l’Union des Annonceurs, ces derniers mettent en avant deux atouts. Pour 80%, le placement permet de montrer en situation les qualités du produit et pour 64%, c’est une manière de bénéficier de l’image des acteurs.
Un retour sur investissement intéressant
Loin d’être hostile à cette forme de matraquage, le public a plutôt une bonne image du placement de produit. D’après le baromètre Public Impact/Publicis, 96% des Français estiment que cela ne nuit ni à la liberté de création ni à la qualité de l’œuvre, et 85% reconnaissent que cela facilite la mémorisation de la marque. Une autre enquête de l’agence Public Impact évalue précisément l’efficacité de cette méthode. Le verdict est sans appel et montre bien que le public est réceptif : +15% de notoriété pour la marque ou le produit, +21% d’intention de s’informer, +28% d’intention de recommandation. Cerise sur le gâteau avec une intention d’achat deux fois supérieure à celle d’un spot TV.
Une opération de ce type ne s’improvise pas. Des agences spécialisées accompagnent les grandes marques dans leur stratégie. Star Product, Place to Be Media, Product Placement Impact, Marques & Films Product Placement, Film Média Consultant figurent parmi les plus renommées. Dior, Cartier, Moët & Chandon, Messika, Chopard, Lancôme, de Grisogono, Best Western, Hugo Boss… font partie de leurs clients. En pratique, tout part du film. A la lecture du scénario, les agences identifient les placements possibles et les suggèrent au réalisateur. « C’est le scénario qui fait que le placement existe. Les accessoires (montre, voiture, parfum…) vont typifier les personnages. Notre rôle, c’est de trouver le bon mariage », explique le directeur associé de Film Média Consultant. Pour un retour sur investissement intéressant, un one shot ne suffit pas. « Pour être efficace, il faut une répétition du message. La marque devra donc placer son produit dans au moins cinq films dans l’année », préconise-t-il.
Jusqu’à 5% du budget d’un film français
Côté budget, la fourchette est large et les pratiques diffèrent entre films français et films internationaux. Pour un film français, le placement de produit peut représenter jusqu’à 5% du budget, soit une enveloppe de 300000€ investis par plusieurs marques. « Le coût séquence varie en moyenne de 5000 à 50000€ », confirme Jean-Dominique Bourgeois. Produit simplement visible, produit cité, produit manipulé ou consommé par une tête d’affiche ou un jeune acteur, audience espérée, etc., entrent en ligne de compte. Pour les films étrangers, notamment américains, le contrat prévoit plus souvent une opération de communication croisée. Davantage que du budget pour financer les films, les producteurs recherchent de l’investissement média par le biais de partenaires. Le directeur associé de Film Média, qui gère les relations entre les marques, notamment Omega et Bollinger, et les productions James Bond, explique ainsi : « Les marques vont communiquer, en utilisant l’image de James Bond, sur des cibles complémentaires et amplifier la communication autour du film. Les achats d’espaces d’Omega et le public touché ne sont pas les mêmes que ceux du film ; les cibles s’additionnent ».
Si le placement de produit au cinéma fonctionne bien, la même pratique se développe en télévision et dans les clips musicaux. Avec un ticket d’entrée moins onéreux que le cinéma, les séries à succès démocratisent le placement tout en permettant de toucher des millions de personnes. « La télévision offre un délai de diffusion plus court, intéressant pour un lancement produit par exemple. C’est aussi plus de certitude sur l’audience », souligne le dirigeant de Place to Be Média. Quant aux clips, c’est la solution idéale pour les marques qui visent un public jeune. « Le placement de produit ne remplace pas un plan média traditionnel. C’est une alternative de communication, complémentaire à d’autres outils », conclut Jean-Patrick Flandé.
Séverine Renard