Biérologiquement vôtre…

Oui, une culture de la bière sans Lederhose est possible....
Oui, une culture de la bière sans Lederhose est possible....

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Coup de projecteur sur la culture brassicole, l’inconnue du grand public hexagonal…

Oui, une culture de la bière sans Lederhose est possible....
Oui, une culture de la bière sans Lederhose est possible….

Hop ! Cul-sec ! Doit-on entendre dans le quartier de Ludwigsvorstadt de Munich lorsque l’automne annonce l’arrivée des amoureux de la bière, aux joues rougies par les choppes de lager. Un moment de l’année où « ça sent la bière de Londres à Berlin ! Ça sent la bière, Dieu qu’on est bien », comme le chantonnait Brel, dans son titre aux airs de bal-musette. A croire que celle-ci se résume à la boisson des beaufs, de l’excès, de la ventripotence, du football et des apéritifs cacahuètes-chips. Mais détrompez-vous ! Le changement, c’est maintenant. Quoi qu’on en dise ! Car l’heure est au renouveau gustatif, à l’essor économique et au tourisme brassicole. Il est enfin temps de rendre à la bière ses lettres de noblesse.

 

France, patrie de la bière ?

Si les Dieux du Panthéon latin buvaient du nectar, les Romains buvaient ce qu’il appelaient le vin de Cérès, divinité de l’agriculture, qui donna plus tard le nom de la Cervoise, ancêtre de la bière. Des pharaons aux empereurs romains, de Philippe III de Bourgogne à Nicolas II de Russie, les Grands de ce monde possédaient leur recette « personnelle » et se délectaient de cette boisson. Vieille de 8000 ans, l’histoire de la bière, bien que mondiale, est intimement liée au passé de la France, grenier à céréales du Vieux Continent et nation des brasseurs depuis des siècles. Pourtant, les initiatives pour promouvoir ladite boisson demeurent « relativement récentes » chez les brasseurs et les associations professionnelles (depuis 40 ans). L’Association des brasseurs de France, par exemple, fondée en 1880, multiplie les opérations séduction depuis 25 ans même si la fameuse Moisson des brasseurs ne soufflera que sa troisième bougie. « Nous sommes les premiers producteurs mondiaux en orge de brasserie et premier exportateur mondial en malt d’orge. 15% des bières dans le monde ont été conçues à partir de cette production, avance Jacqueline Lariven, directrice de la communication au sein du syndicat. Et nous avons à cœur de promouvoir cette filière d’excellence, facette de notre savoir-faire agricole et de notre artisanat. La filière représente 65000 emplois, « de l’épi au demi », et génère 12 milliards d’euros de chiffres d’affaires avec une progression de 10% chaque année du nombre de brasseries. » Mais, paradoxalement, les chiffres de la consommation de bière ne plaident pas en faveur du développement brassicole en France. Avec une place d’antépénultième sur le classement européen pour une trentaine de litres par habitant, l’Hexagone semble ne pas nourrir de profonde appétence pour l’héritière de la cervoise. D’autant que le siècle dernier a été synonyme de départ des brasseries, cafés et restaurants hors des petites villes et des campagnes. On comptait un café pour 130 habitants en 1830 en moyenne, selon l’historien Jean Marc Moriceau contre un pour 1400 en 2014 à Rouen, première ville française en la matière (source : www.grand.rouen.com) ! Ajoutez à cela une augmentation des droits d’accises de 160% en 2013 (taxe sur la bière) qui impactent les prix à la hausse et compliquent la santé des brasseries. Le verre est plein ! La choppe déborde ! Rien ne va plus ?

 

Un renouveau incontestable

« Pourtant, on retrouve une forme de capillarité sur la totalité du territoire de brasseurs artisanaux qui maillent chaque région de France, y compris sur des régions comme l’Aquitaine où le vin est roi. Et contrairement aux idées reçues, ce n’est pas le Nord-Pas-de-Calais, premier en volume de production, mais la région Rhône-Alpes qui regroupe la plus grande concentration de brasseries », décrit Hervé Marziou, biérologue. La France arrache donc une médaille de bronze au regard du nombre de brasseurs en Europe. Mais il y a mieux encore ! Oubliez la Belgique et ses fameuses Trappistes car la France pourrait se targuer de produire les meilleures bières du monde. La preuve avec la brasserie du Mont-Blanc, récompensée pour sa bière blanche, élue meilleure bière blanche du monde au Beer World Awards en 2013. Même distinction pour la « Thou », brassée dans l’Ain, consacrée meilleure Pale Ale. Une manière créative de mettre à l’honneur notre terroir. Car la recette à 50% de malt d’orge, décrétée par le législateur européen en 1992, n’entrave en rien l’originalité gustative : bière vieillie en fûts de chêne dans les régions viticoles, boissons finement agrémentées de fleur d’hibiscus, de myrtilles ardéchoises ou de châtaignes corses, etc. Si les moyennes et micro-brasseries, au nombre de 550 en France, ne représentent que 2% de la consommation nationale, leurs innovations ont influencé le repositionnement des grandes marques. « Cette montée en qualité de la bière a notamment eu des conséquences sur la stratégie des grands groupes, qui passe par le renouvellement de leur gamme », analyse Hervé Marziou. Le groupe Inbev (Leffe, Hoeggarden, etc.), Kronenbourg ou même Heineken, tous présents en France via des sites de production notamment, diversifient leur gamme et élargissent leur cible marketing pour éviter de cantonner la bière à une boisson de soif, à une boisson d’hommes. La bière est aussi question de femmes, de gastronomie et de dégustation.

 

La bière, cette mal aimée ?

« C’est l’ignorance du produit qui crée le mépris à son égard. La bière garde parfois l’image catastrophique du pilier de comptoir, bien qu’il existe un savoir-faire, une diversité et une créativité incontestables », regrette Olivier Faure, co-gérant de l’Echappée Bière, société spécialisée dans l’événementiel et les circuits touristique brassicoles, véritable pionnier sur ce secteur d’activité. L’effort à mener serait d’abord de nature pédagogique. La bière, cette grande délaissée ! Méconnue dans son process de fabrication, ignorée dans son histoire, snobée dans sa manière de la consommer. « L’œnotourisme connaît un franc succès grâce à l’image prestigieuse des grands châteaux, poursuit le jeune entrepreneur. Au delà du côté nouveauté, il faut que les brasseries atteignent ce même niveau de reconnaissance dans les esprits des consommateurs. Nous souhaitons ainsi dupliquer le modèle de l’œnotourisme à notre patrimoine brassicole. » Mieux encore ! Il s’agit de démontrer que la bière autorise autant de fantaisie et de finesse que le vin ne le permet dans nos verres et nos assiettes. Comme en atteste le fameux turbo à la bière de Ghislaine Arabian, comptant deux macarons Michelin. Le Beer fooding, ou l’accord mets-bières, a ainsi le vent en poupe. Songez, par exemple, à déguster un sashimi de saumon fumé avec une bière tourbée dont le nez rappelle l’arôme fumé caractéristique de certains whiskys et la saveur, l’amertume des céréales. Ou encore, caressez l’idée de marier l’onctuosité et la force du roquefort avec les houblons floraux et amérisants d’une IPA (Bière d’origine anglaise plus chargée en houblons, permettant une meilleure conservation pour faire le trajet d’Angleterre aux Indes)… Tout est possible ! Ce n’est donc pas un hasard si l’Echappée Bière et des restaurants étoilés à l’image de La Laiterie à Lille se sont associés pour marier les terroirs sous un angle inédit et prouver que la bière peut-être également l’apanage du sommelier. Autant d’idées qui redorent le blason d’une boisson gorgée de préjugés mais aussi de mystères, aussi qualitative que le vin.

 

Article réalisé par Geoffroy Framery

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