Temps de lecture estimé : 2 minutes
« Quel est le prix de la liberté et pourquoi la défendre ? » Voilà une question éternelle dont on cherche la clé depuis Socrate – encore avant sans doute. La philosophe Monique Canto-Sperber apporte sa réponse dans L’Opinion du 12 mai.
Monique Canto-Sperber est philosophe, directrice de recherche au CNRS et présidente exécutive de la fondation Events. Très sensible au thème des libertés, l’intellectuelle publiait en 2019 La Fin des Libertés : ou comment refonder le libéralisme, aux éditions Robert Laffont.
Liberté. Le premier mot du triptyque républicain semble en déshérence, comme s’il était devenu superfétatoire ou quelque peu mondain de la revendiquer. Face au tumulte du temps, il faudrait lui préférer toujours la « sécurité » ou la « protection » – les nouveaux mantras de nos dirigeants. Souvenir, durant le premier confinement, d’un documentaire consacré au Général de Gaulle, diffusé sur le service public. L’héroïsme des premiers résistants, relaté à la force des violons de ferveur, sonnait mal avec le slogan qui se tenait dans un coin de l’écran : « Restez chez vous ! » Que serions-nous devenus, si, face à la menace, les Français Libres, par prudence, étaient « restés chez eux ? » VG
Quel est le prix de la liberté ? Et pourquoi la défendre ? Dans la campagne présidentielle qui vient de s’achever, peu nombreux sont les candidats qui ont parlé des libertés. En revanche tous se sont engagés à œuvrer aux biens collectifs que sont la sécurité, la cohésion sociale, l’efficacité économique. Sans doute pensaient-ils que dans une société de prospérité, de justice sociale et de sûreté, la liberté va de soi.
La possibilité d’être libres au sein d’une communauté politique est l’un des défis que la pensée libérale a voulu relever. Les idées de société civile, de démocratie pluraliste, d’initiatives économiques décentralisées et de concurrence au sein d’un marché, comme celle d’une société ouverte où chacun a sa chance et parle librement en sont issues.
Au moment de sa formulation, l’idée de liberté libérale fut un objet de scandale. Elle rompait en effet avec la conception antique de la liberté conçue comme capacité de soumettre ses désirs à la raison ou de se conformer à la vertu, elle rejetait les conceptions religieuses qui identifiaient la liberté à l’assimilation au divin et elle se détournait du républicanisme antique qui faisait de la politique le seul accomplissement humain.
Un autre terrain de combat pour la défense des libertés est la rationalité publique, l’exigence de justifications et la préservation d’un débat libre. Le libéralisme prend les hommes tels qu’ils sont, avec la pluralité de leurs désirs, leurs intérêts et leurs calculs. La pire des sociétés serait celle où tout le monde serait d’accord sur tout et où il n’y aurait donc plus d’enjeu à développer les preuves et les arguments à l’appui de ce qu’on croit. L’idéal de conversation rationnelle suppose que tous les points de vue bénéficient d’une égalité de départ car dans le débat public, nul ne peut s’exprimer avec un haut-parleur qui rend inaudible ce que disent les autres. Il suppose également que les identités ne se substituent pas aux opinions, chacun justifiant ce qu’il dit à partir de ce qu’il est, car alors il n’y a plus de fluidité dans l’échange, plus d’influence réciproque ou de recherche de ce qui est commun, chacun restant rivé à ses appartenances.
Retrouvez l’intégralité de cette tribune sur le site de L’Opinion