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Michel Urvoy est journaliste, il revient pour Ouest-France sur les raisons pour lesquelles un quinquennat ne ressemble pas toujours aux promesses électorales.
Le premier tour de l’élection présidentielle se tiendra le 10 avril. Soit demain. Difficile à le croire tant cette campagne présidentielle aura été pauvre en débat ou discussions de fond. Le Président de la République Emmanuel Macron, lui, ne débattra pas avec ses adversaires, hormis face à celle ou celui qui se retrouvera contre lui au second tour. Contexte ukrainien oblige. Alors, remettons-nous en aux programmes des candidat·es et à leurs promesses…
Or les promesses n’engagent que celles et ceux qui les écoutent. Car il peut se passer beaucoup de choses durant un quinquennat. Comme une pandémie, un ou plusieurs attentats terroristes ou encore une guerre aux portes de l’Europe. Pour le journaliste Michel Urvoy : « Il y a donc quelque chose d’irréel à vouloir faire dire aux candidats, à la virgule près, ce qu’ils feraient de chacun des 1 800 jours de leur quinquennat. Quelque chose de naïf à croire qu’ils appliqueraient à la lettre ce qu’ils promettent. »
Les promesses, c’est bien connu, n’engagent que ceux qui les écoutent. Un bon mot qui ferait passer les politiques pour des démagogues ou des menteurs – ce qu’ils sont parfois ! – mais qui occulte surtout la vraie difficulté à tenir parole : le mur des réalités.
Réalités internationales : on ne se délie pas d’un coup de cutter des engagements signés, qu’il s’agisse de l’Europe, de l’Otan, des traités internationaux, des accords de pays à pays. Afghanistan, Sahel, Ukraine, Brexit, climat… : le prix à payer, immédiat ou ultérieur, d’un désengagement peut être plus lourd que le bénéfice escompté.
On maîtrise encore moins certains petits imprévus venus d’ailleurs – une pandémie, une vague terroriste, une crise bancaire internationale – qui obligent à oublier ou à reporter des promesses, parfois majeures. Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron n’y ont pas échappé.
Réalités économiques : le cours du pétrole, l’inflation, la stratégie des multinationales américaines ou chinoises, les décisions de la Fed dictent autant nos choix que la volonté politique de réorienter par exemple le budget du pays.
Réalités institutionnelles : outre le fait qu’une large partie du pouvoir se trouve à Matignon et au Parlement, il ne faut jamais oublier le rôle des corps intermédiaires, du Conseil constitutionnel, du conseil d’État.
Naturellement, ces garde-fous peuvent être changés. Il « suffit » pour cela que 51 % des électeurs (référendum) ou que les trois-cinquièmes du Parlement (Congrès) le veuillent…
Réalités politiques : une promesse n’a d’avenir que si elle trouve une majorité pour la voter. En 1986-1988, François Mitterrand n’empêchera pas Jacques Chirac Premier ministre de privatiser et faciliter les licenciements. En 1993-1995, Édouard Balladur réforme les retraites contre l’avis du même Mitterrand. Entre 1997 et 2002, Jacques Chirac devra laisser Lionel Jospin voter les 35 heures.
Il y a donc quelque chose d’irréel à vouloir faire dire aux candidats, à la virgule près, ce qu’ils feraient de chacun des 1 800 jours de leur quinquennat. Quelque chose de naïf à croire qu’ils appliqueraient à la lettre ce qu’ils promettent.
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