Le verbatim de… Marc Loriol, sociologue, sur le rapport des jeunes au travail

Temps de lecture estimé : 2 minutes

Marc Loriol est sociologue et chercheur au CNRS et revient pour Ouest-France sur la relation qu’entretiennent les jeunes avec le monde du travail.

Une cinquantaine de jours avant l’élection présidentielle 2022. Si l’identité des candidat·es s’affine, le Président de la République Emmanuel Macron n’a toujours pas annoncé sa candidature à sa propre succession. Peu importe, toutes et tous devront parler aux jeunes. Leur proposer des solutions. Un espoir et un avenir.

Et la proposition d’un revenu minimum ne suffira pas. À l’image de l’échec du candidat PS Benoît Hamon en 2017. Difficile de savoir si telle ou telle mesure plaira aux jeunes. Notamment parce que notre jeunesse se révèle hétérogène : des jeunes ruraux, urbains, des diplômés, des sans diplôme etc. « La jeunesse n’est qu’un mot », disait le sociologue Pierre Bourdieu. Aujourd’hui, un autre sociologue – et chercheur au CNRS – considère que les jeunes « vont devoir construire leur propre chemin et donc ils intériorisent le sentiment d’incertitude ».

Quand les candidats à l’élection présidentielle parlent des jeunes, avez-vous le sentiment qu’ils les comprennent ?

Déjà, notons qu’il y a plusieurs types de jeunes : les ruraux, les urbains, les diplômés, les sans diplôme, etc. Leur quotidien est très différent. Sur les mesures concrètes des candidats, l’idée de revenus minimum a été bien reçue parmi les 18-25 ans parce qu’ils sont exclus du RSA. Certains sont précaires ou ont besoin d’un peu plus de marge de manœuvre pour s’en sortir dans la vie. Mais cela ne se traduit pas forcément dans les urnes : en 2017, Benoît Hamon proposait déjà un revenu universel, il n’a pas été entendu.

Quelles seraient selon vous les bonnes mesures à proposer ?

Il n’y a pas de réponse unique, mais les enquêtes montrent que l’insertion des jeunes dans le monde professionnel se fait d’autant mieux qu’ils rencontrent des collectifs de travail soudés et relativement stables, une bonne ambiance qui les aide à apprécier les activités réalisées, à en comprendre l’intérêt et la complexité. Dans ces cas-là, il peut y avoir des échanges positifs entre jeunes et anciens, les premiers apportant leur enthousiasme, leur connaissance des nouvelles techniques, le second garantissant une transmission du métier, de ses valeurs, des petites astuces acquises par l’expérience, une vision plus pragmatique du travail…

Justement, depuis quelques années, plusieurs rapports tendent à montrer que les jeunes actifs prêtent davantage attention à avoir un métier qui a du sens, à garder un équilibre de vie pro/perso, à ne pas tout sacrifier pour le travail. Comment l’expliquer ?

Les jeunes, à partir des années 1990 et plus encore après 2008, sont confrontés à une concurrence accrue sur le marché du travail. Il faut passer par des périodes plus ou moins longues de précarité, faire des métiers différents avant d’obtenir un emploi stable. Cela influe nécessairement sur leur rapport au travail. Il n’y a pas de modèle, comme les anciens ont pu avoir, d’une carrière toute tracée. Les jeunes vont devoir construire leur propre chemin et donc ils intériorisent le sentiment d’incertitude.

Donc les jeunes s’adaptent au marché du travail ?

Ils ne vont pas chercher à tout donner dans leur travail mais à chercher un équilibre dans cette forme de précarité. Comme ils n’ont pas de garantie de stabilité, ils vont essayer de construire progressivement un rapport au travail qui soit satisfaisant. Cela se voit notamment quand on suit des jeunes actifs sur les sept années après leur entrée dans le marché du travail : ils n’attendent plus la même chose.

Avec le temps, certains se rendent compte du décalage entre leur formation et la réalité du monde de l’entreprise. Cela se voit notamment dans les écoles de commerce où l’apprentissage est très normatif. On apprend aux étudiants à être autonome, polyvalent, entreprenant, à savoir travailler en groupe. Et en entrant dans la vie active, ils se retrouvent à faire des tâches bien différentes de leur formation. Progressivement, l’ambiance au travail peut devenir un critère plus important : si l’on doit faire un travail qui ne nous plaît pas plus que cela, de bonnes relations avec les collègues peuvent compenser le manque d’intérêt.

Retrouvez l’intégralité de l’entretien sur le site de Ouest-France

 

Journaliste-Chef de service rédactionnel. Formé en Sorbonne – soit la preuve vivante qu'il ne faut pas « nécessairement » passer par une école de journalisme pour exercer le métier ! Journaliste économique (entreprises, macroéconomie, management, franchise, etc.). Friand de football et politiquement égaré.

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