Le verbatim de…. Julien Talpin, chercheur en science politique, sur l’abstention

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Julien Talpin est chercheur en science politique à Lille. Il revient, pour Ouest-France, sur les raisons de l’abstention et ses solutions.

Plus que quelques jours avant le premier tour de l’élection présidentielle – le 10 avril. Quelques jours. Qui a vu passer cette campagne présidentielle ? Oui, les candidat·es ont fait leur meeting, se sont adressé·es aux Français·es, mais ont bien trop peu débattu entre eux·elles. Le chef de l’État, lui, ne s’est pas abaissé à ses adversaires. Pour les citoyen·nes, pas facile de se positionner. Pas facile de choisir le futur président pour les cinq années à venir. L’indécision jouera-t-elle en faveur de l’abstention ?

Plus que l’indécision, c’est aussi – voire surtout – la déception qui explique le manque d’entrain de certain·es Français·es à ne pas se déplacer. « Une perte de foi dans les vertus de la participation électorale qui s’explique par des promesses non tenues à l’échelle nationale comme locale, et des alternances politiques déceptives, comme le mandat de François Hollande », explique le chercheur en science politique Julien Talpin. Une réforme s’impose.

Les institutions actuelles sont-elles la cause de la forte abstention ces dernières années ?

Oui et non. L’abstention est en augmentation depuis les années 1980, principalement chez les catégories populaires, mais il n’en a pas toujours été ainsi. Les électeurs populaires votaient plus que les autres catégories car ils étaient très insérés dans des groupes militants, dans des syndicats. Une des raisons de la montée de l’abstention est le déclin des formes d’intermédiation, aussi appelée corps intermédiaires comme les syndicats. Il y a aussi la présidentialité de la Ve République qui entre en jeu, un exercice très vertical du pouvoir, des collectivités territoriales qui ont moins de marge de manœuvre aujourd’hui…

Qu’est-ce que les abstentionnistes vous disent de leur décision de ne pas voter ?

Il y a le sentiment de résignation qui s’est instauré chez les électeurs, une perte de foi dans les vertus de la participation électorale qui s’explique par des promesses non tenues à l’échelle nationale comme locale, et des alternances politiques déceptives, comme le mandat de François Hollande. Dans mes études, les citoyens font souvent référence au référendum sur le traité établissant une constitution pour l’Europe en 2005, où Nicolas Sarkozy n’a pas suivi l’orientation du vote. Ils se disent « Si même lors de l’usage de la démocratie directe, notre voix n’est pas entendue, quand peut-elle l’être ? ». Ils sentent une perte de souveraineté, ont le sentiment que les principales décisions sont prises sans eux.

Il faudrait donc une réforme institutionnelle en France…

Oui, mais les corps intermédiaires ont un rôle à jouer pour investir et subvertir ces espaces institutionnels. La réforme institutionnelle et les transformations démocratiques toutes seules ne peuvent pas fonctionner si les corps intermédiaires ne sont pas à l’image de ce qu’il s’est passé en Californie. Pour les revivifier, une piste consiste à transformer les modalités de financement où les élus décident seuls des sommes données aux associations. On pourrait imaginer des modalités d’attribution des financements plus pluralistes, qui permettraient de redonner de l’autonomie aux associations afin qu’elles puissent jouer leur rôle de contre-pouvoir démocratique.

Au-delà de la Californie, avez-vous des exemples d’initiatives de démocratie participative qui ont porté leurs fruits ?

En Irlande, les assemblées citoyennes ont eu des effets importants dans la légalisation du mariage homosexuel, qui démontrent le potentiel politique de coupler assemblées tirées au sort et démocratie directe. Au Chili, qui est un des pays phares en matière d’innovation démocratique, un processus de réforme constitutionnelle originale est en cours. Il est le fruit pour partie de mouvements sociaux de la société civile qui s’est traduit par la convocation d’une assemblée constituante où des citoyens sans aucune expérience politique sont appelés à écrire la future Constitution du pays. Pour l’heure, ça n’a pas d’effet majeur sur l’abstention, mais ça permet malgré tout de revivifier le système démocratique. On tâtonne, mais ce sont des pistes enthousiasmantes.

Retrouvez l’intégralité de la tribune sur le site de Ouest-France

Journaliste-Chef de service rédactionnel. Formé en Sorbonne – soit la preuve vivante qu'il ne faut pas « nécessairement » passer par une école de journalisme pour exercer le métier ! Journaliste économique (entreprises, macroéconomie, management, franchise, etc.). Friand de football et politiquement égaré.

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