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Jean-Philippe Derosier est aussi membre de l’Institut Universitaire de France et l’auteur du blog « La Constitution décodée ». Pour lui, la primaire populaire qui se prépare à gauche n’est pas légale.
La gauche la plus bête du monde. Alors que le premier tour de l’élection présidentielle se tiendra dès le 10 avril, les candidatures se multiplient. À droite comme à gauche. Problème, c’est plutôt l’aile gauche de l’échiquier politique qui peine à décoller dans les sondages. Peu importe le·la candidat·e, aucun·e – dans la configuration actuelle – ne se qualifiera pour le second tour. Y compris Jean-Luc Mélenchon (LFI), le mieux placé, qui dans les intentions de vote arrivent derrière Emmanuel Macron (LREM), Marine Le Pen (RN), Valérie Pécresse (LR) et Éric Zemmour (Reconquête !)…
D’où la nécessité de s’unir. Et d’organiser ce qu’on appelle une primaire populaire. Problème, les candidat·es ne veulent pas toutes et tous y participer. Pour le spécialiste en droit public Jean-Philippe Derosier, cette primaire est illégale. Puisqu’elle va soumettre à l’opinion des candidat·es qui refusent expressément de participer à ce processus. Lequel a tous les attributs non pas d’une primaire mais d’un sondage. Or un sondage doit répondre à des règles strictes. GW
Le processus supposé permettre une candidature commune pour la gauche à l’élection présidentielle , en désignant la personnalité la plus à même de porter les valeurs écologiques, démocratiques et sociales, est illégal. Pour bien le comprendre, il faut d’abord cerner de quoi l’on parle. Car, bien qu’elle en porte le nom, cette initiative n’est pas une primaire. Et bien qu’elle n’en porte pas le nom, elle n’est autre qu’un sondage. Elle n’est pas une primaire non pas en ce qu’elle est organisée par une structure différente d’un parti politique, mais bien parce qu’elle entend soumettre à l’appréciation de ceux qui exprimeront un choix, des personnalités qui ont expressément refusé de s’y inscrire.
Il paraît délicat d’inscrire, contre son gré, quelqu’un dans un « processus » électif (telle est la dénomination retenue par ce collectif associatif). Or plusieurs personnalités ont indiqué leur refus de se prêter à l’exercice, tandis que les responsables du collectif ont laissé entendre que le processus les inclurait malgré tout. On songe en particulier à Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon .
Dès lors qu’une personnalité est soumise à un processus que, pourtant, elle refuse, on imagine les conséquences que cela peut avoir dans l’opinion des électeurs, au-delà même des simples prises de position et argumentations politiques. Certains pourraient croire qu’elle n’est plus candidate alors qu’elle l’est toujours, tandis que d’autres, constatant que cette personnalité se présente malgré tout à l’élection, pourraient imaginer qu’elle trahit le résultat de la « primaire » et lui en tenir rigueur.
Cette initiative n’est donc pas une primaire, mais elle est un sondage.
Les sondages sont encadrés strictement car leur impact sur le résultat de l’élection qu’ils mesurent est considérable, au point de faire régulièrement l’objet de critiques. D’une part, une notice doit être adressée à la Commission des sondages, recensant certaines informations obligatoires, notamment sur les marges d’erreur ou la méthode selon laquelle les personnes interrogées ont été choisies, le choix et la composition de l’échantillon. D’autre part, la commission des sondages doit être en mesure d’exercer un contrôle. Enfin, un sondage ne peut être réalisé que si une déclaration a été préalablement adressée à la Commission par l’organisme le réalisant
Le processus appelé « primaire populaire » est donc bien illégal, du moins à ce stade.