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« Un substitut non sanglant à la peine de mort »
Mercredi 29 juin, Salah Abdeslam, le seul survivant des auteurs des attentats du 13 novembre, a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité incompressible. La peine la plus lourde du code pénal qui n’avait été prononcée que deux fois depuis sa création en 1994. Pour Henri Leclerc, avocat honoraire et président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme, cette peine est tout simplement « désespérante et inhumaine ».
Le plus odieux des criminels peut-il accéder à la rédemption ? Non, à en croire l’opinion publique légitimement bouleversée. Oui, selon certain·es juristes qui croient encore en la fonction de réinsertion de la peine pénale. L’article 130-1 du Code pénal dispose qu’« afin d’assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions : de sanctionner l’auteur de l’infraction ; de favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion ». Que penser alors de la perpétuité incompressible ? Cette peine qu’Henri Leclerc, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme, qualifie de « substitut non sanglant à la peine de mort », est, à ce jour, la peine la plus lourde de notre arsenal juridique. On la nomme « perpétuité réelle » car, en théorie, elle proscrit tout aménagement durant trente ans. Passé ce délai, le condamné devra faire valoir de sérieuses garanties de réadaptation pour améliorer son quotidien. L’espoir de retrouver un jour la liberté est mince, voire inexistant. Dans ces conditions, par quel moyen l’être humain peut-il trouver la motivation de devenir meilleur ? De fait, la perpétuité incompressible s’oppose à la fonction de réinsertion de la peine.
Cette peine vient d’être prononcée pour Salah Abdeslam dans le procès du 13 novembre. L’avocat voit dans cette sanction la volonté d’infliger une décision spectaculaire qui apaise l’émotion publique par sa cruauté et devient ainsi un substitut non sanglant à la peine de mort.
En 1977, après le procès de Patrick Henry qui contre toute attente n’avait pas été condamné à mort et avant les échéances électorales de 1978 puis de 1981, un débat fut organisé par l’institut de criminologie de Paris. Constatant l’état de l’opinion publique qui depuis deux siècles s’opposait à l’abolition, le grand avocat marseillais Paul Lombard proposait qu’une peine de remplacement soit créée. C’était une solution alternative de substitution, qui est à peu de choses près la peine de perpétuité incompressible qui vient d’être infligée à Salah Abdeslam dans le procès des attentats criminels du 13 novembre 2015. Le débat avait été rude au colloque, certains estimant que l’abolition de la peine de mort devait être totale et sans conditions.
En septembre 1981, le débat sur l’abolition, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, porta aussi sur le vote d’une peine de remplacement et les députés et sénateurs favorables au maintien du châtiment suprême se retrouvèrent sur cette proposition. Robert Badinter tint ferme la barre, refusant qu’on remplace « une torture par une autre torture ». L’abolition fut donc pure et simple et définitive comme il le demandait. Mais de façon récurrente, ce problème fut à nouveau évoqué dans les débats politiques et judiciaires.
À retrouver en intégralité sur le site de la Ligue des droits de l’Homme