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Fanny Parise est anthropologue de la consommation et auteure du récent Les enfants gâtés. Elle revient pour Ouest-France sur notre « peur de manquer » de certains produits.
La guerre en Ukraine – à la suite de l’invasion russe fin février – a une influence sur nos comportements de consommation. D’abord parce que le conflit russo-ukrainien se trouve à l’origine d’une pénurie de certains produits phares et de première nécessité. C’est le cas notamment de l’huile de tournesol, qui a parfois complétement disparu des rayons de nos supermarchés. Puis, car ce manque de certains produits pousse les consommateur·rices, inquiet·ètes à l’idée de ne plus pouvoir acheter certains produits de base, à acheter en panique…
… Début du cercle vicieux. C’est ce que l’on appelle le phénomène de « panic buying ». On a peur de manquer, donc on achète en grande quantité, s’en suit un mimétisme global et on finit réellement par manquer ! « Ces produits de première nécessité vont renvoyer à un imaginaire lié au confort, à la modernité. Confort et modernité, accessible en temps normal pour quelques euros seulement. Mais lorsque cette routine du confort se grippe, ici à cause de la guerre en Ukraine, et bien ça produit de l’angoisse », explique l’anthropologue Fanny Parise.
Comment expliquer aujourd’hui ce « panic buying » ?
Il y a différents éléments de réponse. Le premier, c’est que ce qui peut apparaître comme irrationnel vu de l’extérieur, ne l’est pas du tout pour ceux qui s’adonnent à ce type de pratiques. Les personnes sous fortes contraintes budgétaires vont avoir tout intérêt à acheter en plus grande quantité. Il y a aussi souvent chez eux la peur de manquer quand ces produits leur seront devenus inaccessibles. Il y a donc chez eux une anticipation d’une pénurie qui participe de la pénurie.
Le deuxième élément, c’est que pour certains, ces produits de première nécessité vont renvoyer à un imaginaire lié au confort, à la modernité. Confort et modernité, accessible en temps normal pour quelques euros seulement. Mais lorsque cette routine du confort se grippe, ici à cause de la guerre en Ukraine, et bien ça produit de l’angoisse. Ces personnes se raccrochent alors à des objets, finalement rassurants, des objets symboles, des totems, comme l’a été le papier toilette pendant le premier confinement.
Vous évoquez les médias, les réseaux sociaux : ne participent-ils pas grandement à cette panique ?
Ils y contribuent. Dans quelle mesure ? Difficile à dire. Ce que l’on note, c’est qu’il y a trois grandes dynamiques qui sont à l’œuvre dans le « panic buying ». On l’a vu, la première est liée aux contraintes, très pragmatiques : budget, temps. La deuxième, liée à son appartenance sociale. Et la troisième dynamique va être ces imaginaires, ces récits collectifs qui donnent du sens à une réalité afin de justifier un comportement. Dans ce contexte, des images montrant des linéaires vides, des bousculades dans les rayons, des chariots pleins de bouteilles d’huile, l’annonce de restrictions contribuent à constituer un récit, à justifier un comportement.
Retrouvez l’intégralité de l’entretien sur le site de Ouest-France