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La France ne manquera pas de blé !
Le pouvoir d’achat était au cœur de la campagne présidentielle. Preuve que la consommation est un enjeu politique majeur et une préoccupation de premier plan chez les Français·es. Car aujourd’hui, l’inflation et la guerre en Ukraine laissent craindre des fins de mois de plus en plus difficiles. Dominique Schelcher, président de Système U, dans un entretien à Ouest-France, analyse les tendances de consommation actuelles.
Augmentation des prix, pénuries, difficultés de recrutement… Le secteur de l’agro-alimentaire se trouve à la peine et ce sont les consommateur·rices qui en font les frais ! Les Français·es sont obligé·es de se serrer la ceinture, quitte à choisir entre le plein d’essence et le dîner. D’un autre côté, certains se ruent sur des produits susceptibles de disparaître de nos rayons. Première victime : l’huile de tournesol. En rupture de stock dans de nombreux commerces, cette denrée est en majeure partie produite en Ukraine. Malgré la guerre, l’approvisionnement reste suffisant, mais la peur du manque, comme lors du premier confinement, entraîne ruptures en chaîne et rationnements. Ce comportement de consommation pourrait s’étendre à d’autres produits. L’Ukraine étant, elle aussi, grand producteur de blé… alors doit-on s’attendre à manquer prochainement de pâtes ?
Il y a ce qu’on dit et ce qu’on fait. Rien de tel qu’une plongée dans nos courses pour observer les grandes tendances de consommation. La hausse brutale du coût de l’énergie rebat les cartes. Le bio est à la peine.
Le local rassure mais sans qu’on sache si cette tendance sera durable ou non. Système U, qui a conquis 200 000 nouveaux clients l’an dernier, veut rester attentif au prix. Entretien avec son président, Dominique Schelcher, qui vient de signer un livre, Le bonheur est dans le près, aux éditions de l’Archipel.
Quelles sont les répercussions de la crise énergétique sur les achats ?
Le panier du consommateur est toujours le reflet de notre société. Il y a actuellement une vraie tension liée au pouvoir d’achat qui est la résultante du prix de l’énergie et de la facture de chauffage. Je vois la France coupée en deux. La moitié des Français sont à l’aise. Ils peuvent faire le choix du bio et commencent à consommer différemment. Mais 40 % sont à l’euro près à la fin du mois selon une étude récente d’Elabe.
À quels arbitrages procède le consommateur ?
On va à l’essentiel. On délaisse le superflu. Le textile neuf est moins prioritaire. A contrario, il peut y avoir des vêtements d’occasion. C’est quelque chose qui est en fort développement au sein de l’enseigne. Parmi les autres signes, on achète un peu moins de viande et de poisson.
Le local souffre-t-il ?
Toutes les études, y compris les plus récentes continuent à montrer que le critère local est devenu le premier devant les produits bios et Label rouge. Sera-t-il détrôné ? Ce n’est pas exclu car il n’était pas en tête il y a trois ans. Je pense cependant qu’il conserve des atouts. Le local a une dimension rassurante. C’est moins d’impact carbone, de l’emploi dans les régions, de la tradition.
Comment soutenir le monde agricole ?
50 % des agriculteurs vont prendre leur retraite dans les dix ans qui viennent. Si nous ne payons pas l’alimentation au juste prix, nous risquons de vivre une « désagriculturisation » comme il y a eu une désindustrialisation. Système U se bat pour changer la donne. À Cléry (Meuse), nous avons même contribué à sauver une usine. Nous avons soutenu plusieurs coopératives laitières en grande difficulté en signant des contrats sur cinq ans et le lait livré est labellisé bleu blanc cœur.
Un type de contractualisation tripartite avec les agriculteurs, l’industriel et le distributeur que nous essayons de pousser dans toute la France. Pour la marque U, 80 % des produits sont fabriqués en France et un tiers de notre activité produits U est réalisée avec des contrats longue durée.
Quel est l’effet de la guerre en Ukraine sur vos chaînes d’approvisionnement ?
L’Ukraine et la Russie réalisent 76 % des échanges mondiaux d’huile de tournesol. Dans nos magasins, les rayons se vident du fait d’achats de précaution. Deuxième exemple, l’Ukraine est un grand producteur de blé.
On n’en manquera pas en France. Mais les conséquences de la guerre vont en revanche entraîner un renchérissement des produits à base de blé. Au-delà de ces deux produits agricoles, l’aluminium, le verre, certains emballages fabriqués en Ukraine font l’objet de ruptures d’approvisionnement.
Retrouvez l’intégralité de l’entretien sur le site de Ouest-France