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« La Commission européenne, clairement sous influence allemande, apparaît duplice sur la question du nucléaire »
La question de la transition énergétique n’est plus un enjeu annexe des politiques publiques. C’est une urgence et un défi à l’ordre du jour des économies européennes et mondiales. En la matière, l’UE a un rôle important à jouer, notamment pour inciter ses pays membres à enclencher une dynamique plus responsable. Problème, selon l’économiste de l’énergie Dominique Finon, Bruxelles affiche une attitude contradictoire. Et donc contreproductive ? Une analyse développée dans une tribune pour le journal Le Monde.
Le 31 décembre 2021, la Commission européenne, l’organe exécutif de l’Union européenne, a inclus le nucléaire dans la « taxonomie » des technologies vertes. Autrement dit, la taxonomie européenne – comprenez la classification énergétique européenne – inclut désormais le gaz et le nucléaire dans son projet de neutralité carbone à l’horizon 2050. Cette nouvelle classification pourra donner lieu à des financements ciblés, par les fonds « verts » des banques. Problème, cette même Commission excluait dix jours plus tôt le nucléaire des aides et garanties d’État. Couac dans la machine bruxelloise ou contradiction évidente, chacun sera juge.
De fait, certain·es observateur·rices voient dans cette curieuse suite d’annonces une concession offerte par l’Allemagne à la France et à la dizaine d’autres États membres qui souhaitent continuer l’expansion du nucléaire. Pour rappel, Berlin avait insisté pour que l’énergie nucléaire ne figure pas dans la première version de la nouvelle classification. Une chose est sûre, l’influence allemande sur Bruxelles sera déterminante pour le futur de la politique énergétique continentale. ABA
La Commission européenne a publié, le 31 décembre 2021, un document précisant de nouveaux critères de classement des technologies pouvant donner lieu à financement privilégié par les fonds « verts » des banques. Ce classement est connu sous le nom de « taxonomie », dans le jargon bruxellois. Ces nouveaux critères permettent au nucléaire d’y figurer en tant que technologie de transition, au même titre que les centrales électriques à gaz émettrices de dioxyde de carbone.
Ce document, on s’en doute, n’a pas laissé indifférents les pays et les ONG opposés au nucléaire. D’autres y ont vu une concession généreuse de l’Allemagne à la France et à la dizaine d’Etats membres qui veulent continuer à développer le nucléaire. Ils seraient ainsi parvenus à contrer l’influence de Berlin, qui avait réussi à ce que le nucléaire ne figure pas dans la première version de cette fameuse « taxonomie ».
Mais il se trouve que Bruxelles a présenté discrètement, le 21 décembre 2021, de nouvelles « lignes directrices » sur les aides d’Etat aux technologies pouvant contribuer à la transition énergétique. Or, ce nouveau régime, qui vise à atteindre les objectifs climatiques de l’Europe en 2030 et en 2050, exclut quant à lui le nucléaire, et ce sans justification ! Les opposants au nucléaire auraient dû s’en réjouir ! Or, comme beaucoup de monde, ils n’ont pas compris le voisinage entre les enjeux de la réforme du régime des aides d’Etat et ceux de la définition de la taxonomie.
Tandis que l’attention de tous était focalisée sur la taxonomie, la direction générale de la concurrence de la Commission européenne concoctait seule, sans consultation des gouvernements, la réforme des « lignes directrices », qui jusqu’ici ne couvraient que les énergies renouvelables.
A quoi servent ces « lignes directrices », dans le domaine du climat et de l’énergie ? Pour assurer leur conformité avec les règles de la concurrence, elles codifient les dispositifs de soutien au développement des technologies bas carbone, non seulement pour celles qui sont en phase d’apprentissage, mais aussi pour toutes les technologies bas carbone matures.