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Trois mois après le début du conflit, la menace nucléaire russe reste présente.
« Le danger nucléaire est réel », déclarait le ministre russe des Affaires étrangères Serguei Lavrov. Après plus de 100 jours de conflit, la Russie souffle le chaud et le froid. Son objectif premier ? Dissuader les livraisons d’armes et mettre la pression aux dirigeants occidentaux. Une menace qui ne semble fonctionner que partiellement. Puisque les États-Unis viennent d’annoncer une nouvelle livraison d’armes à Kiev.
Une décision qui a fortement déplu au très réactif pouvoir russe. Lequel a immédiatement mis en garde le pouvoir américain : cette livraison de lance-roquettes « renforce le risque » d’une confrontation militaire entre les deux puissances. Une crainte partagée par le lanceur d’alerte du Pentagone Daniel Ellsberg, dans une interview accordée à l’émission Scheer Intelligence et retranscrite par le média Les Crises.
Daniel Ellsberg est catégorique : un conflit armé entre les États-Unis et la Russie approche à grands pas. Un scénario qui provoquerait une crise humanitaire sans précédent. Pour l’Américain, si la Russie bombarde le monde, l’Europe ne devrait pas réagir. Car la menace d’une escalade nucléaire est trop grande…MM
Nous approchons d’un conflit armé entre les États-Unis et la Russie pour la première fois depuis que nous avons envoyé des troupes en Russie pour écraser les Bolcheviks en 1919 environ. Et pendant tout ce temps, les deux parties ont évité de se tirer dessus – pour une bonne raison, qui s’applique aujourd’hui. Nous avons ce que nous n’avions pas il y a 50 ans : deux machines apocalyptiques, comme je les appelle – c’est-à-dire des systèmes conçus, préparés et répétés pour détruire la plupart des formes de vie sur Terre. Parce qu’ils visent des cibles militaires dans les villes, et que les tempêtes de feu dans ces villes feraient monter de la fumée dans la stratosphère, où il ne pleuvrait pas, autour du globe, tuant toutes les récoltes pendant des années, voire une décennie, et affamant presque tout le monde sur Terre en un an environ. L’un ou l’autre camp – en utilisant ses capacités d’alerte actuelles, prêt à intervenir en quelques minutes en cas d’avertissement que l’autre camp pourrait attaquer – peut détruire, ou détruira, la plupart des formes de vie sur Terre.
Il semblerait donc suicidaire de lancer cela dans n’importe quelles conditions. Et ça le serait. Ce serait plus que suicidaire ; ce serait ce que vous pourriez appeler omnicide, ou presque omnicide, dans la mesure où cela tuerait presque tout le monde. Pourquoi, alors, achetons-nous ces armes, et pourquoi y aurait-il une possibilité qu’elles soient utilisées, comme c’est le cas cette année ? Eh bien, j’ai dit que nous approchions d’un conflit direct, mais jusqu’à présent, nous nous sommes contentés de fournir prudemment des armes à la cible de l’agression de la Russie, l’Ukraine. Nous n’avons pas envoyé de troupes, nous n’avons pas envoyé de puissance aérienne directement, la puissance aérienne américaine ; nous ne faisons que les fournir. Si nous intervenions directement dans les circonstances actuelles, avec les forces russes si fortement réduites par rapport à ce que l’URSS avait avec son Pacte de Varsovie – maintenant dissous, maintenant essentiellement de notre côté – nous aurions une assez bonne chance de gagner une guerre conventionnelle en Ukraine avec notre puissance aérienne et nos missiles de croisière, avec ou sans troupes.
Ce serait très dangereux, car nous ne pouvons pas vraiment nous permettre que les États-Unis gagnent une telle guerre contre Poutine. Parce qu’avec ses quelque 1 500 armes nucléaires tactiques, la tentation pour lui d’inverser cette défaite, de l’éviter, en utilisant une arme nucléaire ou plus – un certain nombre d’entre elles – serait très grande. Et dans le monde actuel, avec deux machines apocalyptiques pointées l’une vers l’autre, chacune en état de lancement sur alerte – dans le cas des missiles balistiques intercontinentaux, cela signifie « Utilisez-les ou perdez-les » –, toute indication qu’elles pourraient être attaquées par l’autre camp dans un avenir proche est une incitation très forte, compte tenu de notre doctrine, de notre formation et de notre état de préparation au lancement en premier. Pour préempter, comme on dit, et éviter la première frappe de l’autre camp.
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