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« La colère de nombre de soignants a deux cibles, les gouvernants et les non-vaccinés. »
Voilà bientôt deux ans que la France subit les assauts de la pandémie covid-19. Un an que les Français·es ont accès à la vaccination. Au cœur de la cinquième vague, les esprits s’échauffent. Les non-vacciné·es sont pointé·es du doigt. Et de plus en plus marginalisé·es. Face à ce constat, et en considérant les moyens qui sont ceux de ses confrères et consœurs, le professeur André Grimaldi du CHU Pitié-Salpêtrière incite, dans une tribune parue dans le Journal Du Dimanche, celles et ceux qui ont fait le choix de refuser le vaccin à signer des directives anticipées pour faciliter un hypothétique « tri » de patient·es quand les lits de réanimation viendront à manquer.
Plus de cinq millions de Français·es ne sont pas vacciné·es contre la covid-19. Un droit qui, a bien des égards, paraît ne plus en être un. « C’est une toute petite minorité qui est réfractaire. Celle-là, comment on la réduit ? On la réduit, pardon de le dire, comme ça, en l’emmerdant encore davantage. Moi, je ne suis pas pour emmerder les Français. Je peste toute la journée contre l’administration quand elle les bloque. Eh bien, là, les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder ». Voilà le ton donné par Emmanuel Macron dans un entretien accordé au Parisien-Aujourd’hui en France, mercredi 5 janvier. La rupture paraît consommée. Entre vacciné·es et non-vacciné·es d’abord. Mais aussi entre la majorité et l’opposition. Comme en témoignent les deux suspensions de l’examen du projet de loi sur le passe vaccinal à l’Assemblée nationale. Au cœur de la bataille : les soignant·es. Depuis deux ans les moyens mis à disposition des professionnel·les de santé restent faibles. Sinon les mêmes qu’au début de la crise. Le manque de main d’œuvre les oblige à questionner l’éthique. Qui soigner en priorité ? Comme le précise le signataire, André Grimaldi, professeur au CHU Pitié-Salpêtrière, les soignant·es restent et resteront fidèles au serment d’Hippocrate. À savoir : « Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera ». Il s’interroge toutefois : « Une personne revendiquant le libre choix de ne pas se faire vacciner ne devrait-elle pas assumer en cohérence son libre choix de ne pas se faire réanimer ? » Un coup supplémentaire porté à l’unité de la nation. MS
La question que posent la cinquième vague en cours et la sixième vague annoncée est à nouveau celle du tri des patients à admettre en réanimation. D’ores et déjà, l’activation des plans blancs amène à reporter des opérations et des hospitalisations non urgentes pour donner la priorité aux patients covid devant être intubés et ventilés.
La colère de nombre de soignants a deux cibles, les gouvernants et les non-vaccinés. Ils reprochent au gouvernement de ne pas s’être donné les moyens (en dehors des augmentations de salaire significatives mais insuffisantes) de garder le personnel hospitalier et d’accroître le nombre de lits de réanimation et de soins de suite post-réanimation. Et ils râlent contre les personnes informées ayant choisi délibérément de ne pas se faire vacciner.
Un vrai-faux problème est celui posé par les 500 000 personnes de plus de 80 ans non vaccinées car si, contaminées, elles développent une forme grave, elles ne pourront pas hélas bénéficier d’une réanimation qui relèverait pour la plupart d’entre elles d’un acharnement thérapeutique déraisonnable. Pour les autres, il est utile de rappeler que les soignants soignent en fonction des besoins des patients, sans autre considération, c’est-à-dire sans faire intervenir leur jugement sur les convictions politiques et religieuses de leurs patients ou sur leurs croyances ou représentations ou sur leurs comportements de santé, prévoyants ou non, observants ou non.
Les médecins prêtent pour cela le serment d’Hippocrate. Cela ne veut pas dire qu’ils n’ont pas un jugement « moral », mais que ce jugement ne doit pas intervenir dans leur relation avec le patient et influencer leurs décisions. Mais ce rappel éthique ne gomme pas la question du tri quand il n’y a qu’un lit pour deux patients relevant tous deux de la réanimation.