Le verbatim d’… Harry Roselmack, journaliste et animateur de télévision français

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Quand il publie dans Le 1 Hebdo, le 29 septembre, son Alerte à la France, le premier présentateur noir de TF1 entreprend de dénoncer le pire des murs, celui que des faux penseurs décomplexés bâtissent sous nos yeux. Retour sur un J’Accuse essentiel.

Décidément, je journaliste Harry Roselmack aurait du mal à dialoguer avec un Éric Zemmour. Non seulement il est noir, mais ses enfants portent les prénoms d’Omaya, de Yanaël et de Leroy ! Et alors ? Harry Roselmack est né de parents martiniquais à Tours et son parcours, depuis la petite radio locale où il s’exerce à ses premiers flashs jusqu’aux tout premiers JT de TF1 qui accueillent enfin un journaliste présentateur à l’image de la vraie France, traduit la réussite et le talent que même les plus xénophobes ne pourraient nier : il est tellement français qu’il a rédigé dans Le 1 Hebdo du 29 septembre un « J’accuse » digne de Zola : Le Mur, alerte à la France. Dans l’espoir de  « réconcilier » ce pays divisé et apeuré avec lui-même. En guise de rattrapage, voici quelques passages clés de l’appel du plus positif de nos compatriotes. Mais ces cours extraits se révèlent incapables de résumer sa pensée et sa démonstration. Comme tous les grands textes, il faut le goûter dans son intégralité. OM

Il est des moments propices aux déclarations. Celui-ci en est un pour moi. La République m’honore de sa plus belle distinction, la Légion d’honneur. Il est donc temps que je lui dise mes vérités.

La première chose que j’ai envie de dire publiquement à la France, c’est que je l’aime. D’un amour dont l’évidence défie l’ostentation. France, tu coules dans mes veines, imprègnes pour le meilleur (peut-être parfois aussi pour le pire !) ma façon de voir le monde, mes goûts et mes répugnances, mes ambitions personnelles et collectives. J’en suis fier, reconnaissant, mais cet amour porte aussi sa part d’exigences. Voilà pourquoi je veux te voir plus épanouie, plus rayonnante, plus inspirante. Or, tu vas dans le Mur. On va dans le Mur. Tôt ou tard en fonction du résultat des élections, mais inéluctablement. Aucun gouvernant, aucune armée, aucun corps intermédiaire ne permettra d’éviter la catastrophe. Pour s’en sortir, il faudrait une réaction du « on » tout entier, de chacun d’entre nous qui voulons faire société. C’est une question de désir partagé et de volonté commune. Car le Mur en question est une création de notre mental, et nous avons la capacité de le déconstruire. Cela n’implique pas un changement violent, mais une révolution douce et profonde. C’est pour cela qu’elle est compliquée pour nous, habitués à la violence et à la superficialité.

Repenser l’esprit français
C’est un paradoxe au premier abord : la mondialisation a créé des fractures. L’harmonisation globale des modes de vie qu’elle propose n’est qu’une apparence sous laquelle des sociétés, jusque-là cohérentes, se décomposent essentiellement parce qu’elles perdent leur colonne vertébrale spirituelle.

Les pays qui résistent le mieux sont ceux qui ont conservé un Esprit cohérent avec leur sociologie. Le genre d’Esprit qui fait sens pour tous et qui guide la nation. Il ne s’agit pas de claironner des valeurs séduisantes dans les ressentir, sans les incarner […] Un Esprit français aurait donc vocation à être la matrice des décisions, des comportements des citoyens français entre eux et en direction de ceux qui ne le sont pas.

[…]

Une nation en pleine décohérence
D’où peut bien venir ce genre de mal-être profond qui engendre de la dysharmonie ? Je voudrais poser ici une notion importante : l’identité psychologique.

La déterminer pour un individu ou pour un groupe, c’est partir de la question : qui suis-je pour moi-même ? Qui sommes-nous pour nous-mêmes ? Cette identité pour soi-même, qui. Elle définit largement les réactions et les postures dans l’espace social. Plus l’identité psychologique d’un individu est cohérente avec son identité pour les autres, plus il est apaisé. Pour prendre un exemple simple, un garçon qui est perçu par les autres comme étant un garçon sera plus apaisé qu’une fille qui est perçue socialement comme étant un garçon (peut-être parce qu’elle a un corps de garçon). Dans ce cas-là, il est aujourd’hui admis dans notre pays que l’individu puisse changer de genre pour que son état civil corresponde à son identité psychologique. Et ce sans justifier d’interventions chirurgicales de changement de sexe.

Lorsqu’une communauté humaine se forme et qu’elle a vocation à perdurer dans le temps, les individus qui la fondent la dotent d’une identité psychologique de groupe basée sur une vision du monde, des valeurs, des ambitions partagées. C’est l’Esprit auquel j’ai fait référence qui confère aux individus du groupe un cadre cohérent, inspirant, censé faciliter le vivre-ensemble.

En un mot : une nation.

[…] Sans ce tuteur moral qu’est l’identité psychologique collective, les membres du groupe national sont susceptibles de s’éparpiller dans des identités psychologiques collectives communautaires différentes, voire opposées. [… ] La couleur de peau n’est porteuse d’aucune valeur intrinsèque, comme l’écrivait Frantz Fanon ; la culture n’est jamais un empêchement lorsqu’elle est additionnée, infusée, assouplie, et la religion, lorsqu’elle respecte le périmètre qu’une juste laïcité impose, ne doit pas non plus faire obstacle à une identité collective partagée. Je ne suis pas contre le fait communautaire, qu’il soit ethnique, culturel ou religieux. Il a une légitimité psychosociologique et vouloir empêcher les personnes qui partagent des racines, des pratiques, des aspirations communes de se rassembler et de s’organiser n’a pas de sens. Le fait communautaire ne doit pas, en revanche, devenir une identité à part entière, prenant le pas sur une identité plus large et excluant de fait ceux qui ne font pas partie de la communauté.

[…]

Il est trop tard pour défaire la rencontre [celle qui fut impulsée par les conquérants européens du xve siècle, ndlr] ou pour inverser les conséquences de l’immigration qu’elle a provoquées. Revenir à l’état antérieur n’est pas possible. En revanche, certains choix plus contemporains peuvent encore être modifiés et leurs effets contrariés.

La différence érigée en barrière
Le premier de ces choix est celui d’une intégration par assimilation qui a échoué. Ce choix est compréhensible pour un pays qui a dû se constituer en nation en agrégeant sous une même bannière des provinces féodales jalouses de leur indépendance, attachées à leur identité, à leur langue et promptes à guerroyer entre elles. Cette assimilation a fini par fonctionner pour intégrer des immigrations intra-européennes, ou, pour le dire plus clairement, blanches et chrétiennes. Les tensions connues par les premières générations d’immigrés belges, italiens, espagnols, portugais, étaient solubles dans la société française. Mais force et de constater que pour mes descendants d’immigrants juifs, cela n’a pas fonctionné, tout comme pour les afro-descendants (au sens large du terme). […] je suis né français, je suis devenu un Français noir. Dans les années 1980, enfant puis jeune adolescent dans les rues de Tours, ma ville de naissance, je ne cherchais pas à croiser le regard des autres Noirs. Je peux même dire que je les fuyais. C’eût sans doute été pour moi une façon de reconnaître ma différence, notre différence. Or il n’y avait prétendument pas de différence entre nous et les autres Français : mêmes droits, mêmes devoirs, mêmes chances de réussite, mêmes regards et traitements par nos compatriotes. Cette conviction qui m’habitait, cœur de l’assimilation républicaine, n’a pas résisté longtemps à une société qui questionnait sans cesse mes origines, comme si ma francité n’était pas évidente.

[…]

Nous devons résolument nous attacher à déconstruire ce Mur vers lequel nous fonçons phares allumés. Nous ne pouvons plus ne pas le voir et ne pas craindre les conséquences du choc. Quelle que soit la méthode que nous choisirons, il faudra le faire ensemble, faire preuve d’audace et d’ouverture, quitte à sortir de sa zone de confort. Ton avenir, France chérie, notre avenir commun le valent bien.

Pour retrouver le texte intégral, cliquer ici

Le doyen de la tribu. Ai connu la composition chaude avant de créer la 1re revue consacrée au Macintosh d'Apple (1985). Passé mon temps à créer ou reformuler des magazines, à écrire des livres et à en traduire d'autres. Ai enseigné le journalisme. Professe l'écriture inclusive à la grande fureur des tout contre. Observateur des mœurs politiques et du devenir d'un monde entré dans le grand réchauffement...

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