Le verbatim d’… Étienne-Alexandre Beauregard, chroniqueur québécois, sur le convoi des camionneurs au Canada

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Étienne-Alexandre Beauregard est essayiste et chroniqueur québécois. Il revient pour Le Figaro sur la situation à Ottawa (Canada).

La covid-19, aujourd’hui, ne fait plus peur. Le variant Omicron, certes plus contagieux, est moins sévère que son homologue Delta. Malgré tout, cette pandémie nourrit des tensions. Des tensions parce que des mesures gouvernementales instaurent une différence de traitement entre deux types de citoyen·nes : les vacciné·es et les non-vacciné·es. Le passe vaccinal – bien plus que le vaccin – divise en France. Au Canada, c’est la vaccination obligatoire pour les camionneur·ses qui traversent la frontière canado-américaine qui ne passe pas.

« Freedom Convoy » – soit « convoi pour la liberté ». Depuis vendredi 28 janvier, au Canada, la capitale Ottawa demeure paralysée. Des camionneur·ses et manifestant·es réclament la levée des restrictions sanitaires. Mais ce qui a déclenché ce soulèvement : la décision récente du premier ministre Justin Trudeau de rendre la vaccination obligatoire aux camionneur·ses qui traversent la frontière canado-américaine. La mesure de trop qui a réveillé la fracture sociale du pays. Les manifestant·es ont érigé des barrières pour bloquer la circulation dans certains quartiers d’Ottawa, des affiches et pancartes anti-Trudeau se multiplient. Pour le chroniqueur québécois Étienne-Alexandre Beauregard : « En faisant sciemment des non-vaccinés et des critiques des mesures sanitaires des repoussoirs politiques, Trudeau a été l’artisan de leur radicalisation. » GW

Autour de la question des mesures sanitaires, plus particulièrement de la vaccination, un fossé ne cesse de grandir entre la vaste majorité qui accepte ou tolère ces exigences, et une minorité sceptique inaudible dans les médias et chez les politiques. À la différence de la France, où le passe vaccinal a été l’objet de débats intellectuels et parlementaires, ces objections n’ont pu se faire entendre dans la joute politique canadienne, sinon via des partis marginaux.

Plus encore, Justin Trudeau a mené la campagne électorale de l’automne 2021 en exploitant cyniquement la question de l’obligation vaccinale dans le but de piéger ses adversaires conservateurs en les faisant passer pour antivaccins, jouant sur leurs réticences à contraindre tous les fonctionnaires canadiens à se faire vacciner. Plutôt que de garder une saine distance par rapport à des enjeux avant tout scientifiques, le premier ministre s’en est servi à dessein pour cliver, et cette irresponsabilité le rattrape aujourd’hui.

Même s’il est impératif de se faire vacciner pour endiguer cette épidémie, il n’est jamais sage de monter les citoyens les uns contre les autres dans l’unique but de gagner une élection, sans se préoccuper des retombées d’une telle stratégie sur la cohésion sociale. En faisant sciemment des non-vaccinés et des critiques des mesures sanitaires des repoussoirs politiques, Trudeau a été l’artisan de leur radicalisation, de telle sorte qu’ils se retrouvent de moins en moins dans le narratif médiatico-politique

Si le «convoi pour la liberté» a su mobiliser plusieurs milliers de personnes, et attirer nombre de partisans sur sa route vers Ottawa, c’est que la fracture sociale est bien réelle, tout comme le ras-le-bol à l’endroit des mesures sanitaires.

Cette manifestation spectaculaire devrait déclencher une sérieuse réflexion au-delà du seul contexte canadien : une fois que l’épidémie sera chose du passé, serons-nous capables de revenir en arrière et de fermer cet écart grandissant entre deux franges de plus en plus éloignées de la population ?

Retrouvez l’intégralité de la tribune sur le site du Figaro

Journaliste-Chef de service rédactionnel. Formé en Sorbonne – soit la preuve vivante qu'il ne faut pas « nécessairement » passer par une école de journalisme pour exercer le métier ! Journaliste économique (entreprises, macroéconomie, management, franchise...). Friand de football et politiquement égaré.

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