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« Il n’y a chez nous aucun signe d’une boucle « prix-salaires » qui pourrait justifier un durcissement de la politique monétaire »
Emmanuel Sales est président de la Financière de la Cité. Pour l’Opinion, il revient sur le resserrement des taux, annoncé par l’essentiel des banques centrales occidentales. D’après lui, cette décision intervient trop tôt et risque de fragiliser nos économies dans le cadre d’une confrontation avec la Russie.
Emmanuel Sales s’inquiète de la politique monétaire des banques centrales occidentales. De la FED à la BCE, celles-ci préparent, sur scène ou en coulisses, le durcissement de leurs politiques monétaires. Et pourtant ! Si l’inflation est là, elle serait encore trop faible, d’après Emmanuel Sales, pour envisager la fin du « Whatever it Takes » promu par Mario Draghi en 2011. Cette formule, révolutionnaire, avait permis à la BCE de racheter la dette des états-membres via le circuit bancaire. Une politique qui permit de sortir d’une longue période d’atonie de la croissance et de renouer avec plus de dynamisme. Désormais, Christine Lagarde, à la tête de la BCE, et ses équipes craignent que cette tendance ne devienne contreproductive et se mette à nourrir l’inflation. Il faudra sans doute remonter les taux un jour, mais pour Emmanuel Sales, l’heure n’est pas encore venue, dans une économie pas tout à fait remise de la pandémie. Question de timing. VG
Ils n’ont rien appris, rien oublié. Les banquiers centraux risquent de commettre une erreur historique en resserrant leur politique monétaire trop tôt dans le cycle économique, fragilisant davantage l’Occident dans une confrontation historique avec la Russie.
L’inflation que nous connaissons est liée aux tensions sur les chaînes de production et à la hausse du prix des matières premières. Il n’y a chez nous aucun signe d’une boucle « prix-salaires » qui pourrait justifier un durcissement de la politique monétaire. La hausse des salaires négociés en zone euro s’élève à 1,6 % sur un an. L’inflation sous-jacente, qui mesure l’évolution des prix hors énergie, est à moins de 2 % hors effet rattrapage post-covid-19. Nous ne sommes plus dans la situation des années 1970. L’absence de mécanismes d’indexation limite le risque de spirale inflationniste. Remonter les taux d’intérêt dans ces conditions, c’est accentuer les difficultés des entreprises et des ménages alors que l’économie européenne est encore loin d’avoir rattrapé sa tendance d’avant crise.
Depuis une vingtaine d’années, l’Europe souffre d’un réglage monétaire trop étroit consécutif à la mise en place de l’euro, accentué par les politiques de contraction de la demande menées à la suite de la crise financière. Nous subissons aujourd’hui les conséquences de ces choix. L’Europe est plus dépendante de l’extérieur pour ses débouchés et pour ses approvisionnements. L’invasion de l’Ukraine a mis au jour les périls de cette stratégie mercantiliste. Le commerce n’adoucit pas les mœurs. Sans armée crédible, le système bismarckien caressé par les élites allemandes de réassurance avec la Russie ne mène nulle part.
Face aux autocraties, l’Europe devrait donc adopter un agenda de croissance interne fondé sur des politiques monétaires et budgétaires ambitieuses. La situation américaine est différente. Là-bas, les mesures de soutien à la demande ont créé une dynamique de croissance comparable à celle des années 1950. La Fed peut se permettre une erreur de politique monétaire, la BCE, non.
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