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Arnaud Passalacqua est professeur en aménagement de l’espace et urbanisme à l’université Paris-Est Créteil. Il revient pour L’Écho Touristique sur la gratuité des transports en commun.
Réduction des émissions de CO2, transports accessibles à toutes et tous, fin des fraudes… La question de la gratuité des transports présente bien des avantages. Plébiscitée lors d’élections locales, elle rencontre un franc succès auprès du public. L’argument écologique est régulièrement mis en avant : la gratuité pour changer les comportements en matière de mobilité ? Certaines villes de France ont franchi le cap. Comme Dunkerque, devenue la plus grande agglomération d’Europe à instaurer la gratuité totale en 2018. Un an après, la fréquentation des bus avait bondi de 85 %. La fin des transports payants serait donc favorable aux enjeux environnementaux mais pas seulement… Elle aurait également des effets sur l’urbanisme d’une ville et sur l’intégration sociale des populations défavorisées.
Mais cette mesure n’est pas à prendre à la légère, il s’agit d’un véritable enjeu financier pour les politiques publiques. Pour compenser les frais relatifs à la gratuité des transports, le maire de Dunkerque a annulé la construction d’un grand projet d’équipement d’une valeur de 180 millions d’euros. Rien d’étonnant lorsque l’on sait que la fin du paiement des transports a coûté 13,4 millions d’euros à la ville. Pour éviter une situation financière intenable tout en limitant la production de particules fines, certains pays optent pour la réduction du prix des billets. Une mesure adoptée par l’Autriche : pour l’équivalent de 3 euros par jour, les Autrichien·nes ont accès à tous les trains, tramways et bus du pays. Une étude du Groupement des autorités responsables des transports (Gart) parue en 2019 insiste sur la difficulté d’évaluer l’apport d’une telle mesure. Mais plusieurs enquêtes montrent que ce sont surtout les piétons et les cyclistes qui empruntent les transports gratuits. Les automobilistes semblent avoir du mal à lâcher le volant… ! MM
La gratuité des transports fait beaucoup parler d’elle. Récemment, elle est apparue à plusieurs reprises dans les débats de la campagne présidentielle : par exemple appliquée aux transports urbains comme une réponse à la tension sur les carburants provoquée par la guerre en Ukraine, pour Yannick Jadot, ou appliquée au TGV comme une mesure de pouvoir d’achat pour les jeunes, pour Marine Le Pen. Quand bien même la tarification des transports urbains ne relève pas de l’échelle gouvernementale tandis que celle du TGV n’en relève que de façon indirecte par l’intermédiaire de la SNCF.
La présence médiatique de la gratuité des transports est toutefois demeurée plus faible que lors des dernières élections municipales, qui ont vu de très nombreuses listes proposer une telle mesure, comme l’a analysé l’ingénieure du Cerema Sophie Hasiak.
Depuis le milieu des années 2010, la gratuité est devenue l’un des thèmes majeurs des débats portant sur les politiques publiques de mobilité à l’échelle locale, c’est-à-dire celle assurées par des autorités organisatrices. Toutefois, comme pour le tramway au cours des années 1990, la gratuité se trouve aujourd’hui au cœur de controverses très vives.
Une mesure polarisante
On peut s’interroger sur les ressorts du caractère clivant d’une mesure qui pourtant ne paraît pas être en elle-même susceptible de changer la vie urbaine du tout au tout. Le caractère radical de l’opposition paraît lié au fait que les transports publics sont un secteur où les investissements sont massifs, qu’ils soient symboliques, supposés porter l’image de la ville ou l’urbanité des lieux, comme dans le cas du tramway ou du Grand Paris Express, ou financiers, comme à Lyon, où 492 millions d’euros doivent être investis en 2022, ce que la gratuité viendrait dégrader.
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