Le verbatim d’… Anne-Sarah Bouglé-Moalic, docteure en histoire, sur l’éligibilité des femmes

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Anne-Sarah Bouglé-Moalic est docteure en histoire à l’université de Caen Normandie. Elle revient pour Ouest-France sur l’histoire de l’éligibilité des femmes, qui rend possible aujourd’hui le nombre de candidates à l’élection présidentielle de 2022.

Marine Le Pen, Valérie Pécresse, Anne Hidalgo… voilà trois candidates à l’élection présidentielle de 2022. Trois prétendantes à l’Élysée, qui représentent trois partis politiques majeurs français : le Rassemblement national, Les Républicains et le Parti socialiste. On pourrait y ajouter Nathalie Arthaud, de Lutte Ouvrière, qui se présente pour la troisième fois après 2012 et 2017. En attendant d’y voir plus clair pour Christiane Taubira, gagnante de la Primaire populaire. Certes on ne vote pas pour un homme ou pour une femme. Mais ce n’est pas si souvent, avouons-le, qu’une partie de l’extrême-droite, la droite et une frange de la gauche, soient représentées par des femmes.  

« Les candidates en lice aujourd’hui sont issues d’une longue histoire », rappelle à juste titre Anne-Sarah Bouglé-Moalic, docteure en histoire. En France, et comme dans beaucoup de pays, droit de vote et éligibilité demeurent dissociés. Les femmes françaises ont pu être éligibles avant le droit de vote – permis en 1944 seulement. On pourrait citer Jeanne Deroin, une pionnière, candidate à la députation en 1849. Même si à l’époque, lorsque l’on voit d’un bon œil l’arrivée des femmes qui aspirent à des fonctions politiques, c’est avant tout parce que l’on pense qu’elles apporteront les fameuses « vertus féminines ». Comme leur tempérance, leur action sociale ou leur expérience domestique (gestion d’un foyer). Les raisons nous laissent perplexes, on vous l’accorde.

Quelle place pour les femmes en politique ?

Peu de gens savent que droit de vote et d’éligibilité ne vont pas forcément de pair. C’est pourtant bien le cas. On s’en rend compte, par exemple, pour l’élection des sénateurs, qui ne peuvent être élus avant 24 ans. On dissocie ainsi le citoyen, qui peut voter, du candidat qui peut être élu. C’est qu’il persiste l’idée que l’élu doit être en capacité de représenter ses concitoyens, ce qui nécessiterait une certaine expérience. Dans le long débat sur la citoyenneté des femmes, droit de vote et droit d’éligibilité ont souvent été dissociés. Dans quelques pays, les femmes ont pu se porter candidates bien après avoir obtenu le vote – c’est le cas en Nouvelle-Zélande, qui est pourtant le premier pays à avoir accordé aux femmes le suffrage, en 1893, et où elles ont dû attendre 1919 pour être candidates. En France, on trouve des propositions allant dans l’autre sens, essentiellement dans les années 1910 à 1930 : inviter des femmes dans les assemblées avant de leur permettre de les élire.

Pourquoi ? pour reconnaître la place des femmes dans la société, pour leur permettre d’être représentées. On pense alors qu’elles apporteront aux débats des « vertus féminines », leur tempérance, leur expérience domestique (la commune, par exemple, étant considérée comme un foyer agrandi), leur volonté de lutter contre les fléaux sociaux – alcool, jeu, maladies… En somme, on explique qu’elles seraient moins dans le jeu politicien et davantage dans l’action sociale. On peut aussi penser que certains défendent cette éligibilité dépourvue de vote avec des arrière-pensées peu progressistes, pour reculer l’échéance du vote féminin en leur donnant un os à ronger, en les invitant à « faire leurs preuves ». Pour eux, faire rentrer quelques femmes élues serait un moindre mal face à la multiplication par deux du corps électoral. Cette « demi-mesure » ne verra pas le jour avant 1944. Et ce n’est pas faute d’avoir eu des femmes candidates, parfois même élues.

Depuis l’instauration du suffrage universel, en 1848, des femmes se sont portées candidates aux élections. On ne dira jamais assez le courage et l’audace nécessaire de ses pionnières qui, voulant mettre en avant leur cause et leurs idéaux politiques, allaient au-devant des railleries. Jeanne Deroin est la première d’entre toutes, candidate à la députation en 1849.

Les candidates en lice aujourd’hui sont donc issues de cette longue histoire. Elles sont aussi la preuve de l’avancée des mentalités sur la présence des femmes en politique, même au plus haut niveau.

Dès lors, peut-on espérer que cette ouverture infuse dans toutes les strates de la politique française, pour rétablir un peu d’équilibre dans les exécutifs des collectivités, intercommunalités, Départements et Régions, qui stagnent à moins de 15 % de présidentes ?

Retrouvez l’intégralité de la tribune sur le site de Ouest-France

Journaliste-Chef de service rédactionnel. Formé en Sorbonne – soit la preuve vivante qu'il ne faut pas « nécessairement » passer par une école de journalisme pour exercer le métier ! Journaliste économique (entreprises, macroéconomie, management, franchise, etc.). Friand de football et politiquement égaré.

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