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Le digital, rempart contre la guerre
L’invasion russe en Ukraine bouleverse son mode et fait réagir toutes les strates de la société. À commencer par les espaces numériques, plus que jamais stratégiques et déterminants pour apporter une réponse pacifique à une opération de guerre. Dans une tribune pour Les Échos, le PDG de Rakuten France Fabien Versavau l’affirme : le digital peut devenir un véritable rempart contre la guerre et constituer une réponse en connectant les individus au-delà des frontières.
Le choc est toujours là. Un pays européen a été envahi militairement par son voisin. En revanche, la guerre numérique annoncée depuis des années n’a pas encre éclaté. La guerre reste une guerre humaine, et les victimes sont civils et militaires. Dès lors, les espaces numériques n’apparaissent pas comme des espaces de lutte et de simples outils d’attaque, mais plutôt comme un rempart contre l’agression. « Une défense du faible face au fort », affirme Fabien Versavau. En premier lieu, le numérique rassemble les outils de télécommunication et d’interconnexion des individus et de la société civile, par-delà les frontières et les chars d’assaut. Les réseaux sociaux ont leur lot de dérives et d’utilisations néfastes, mais ils permettent également de communiquer en direct, de libérer la parole et de diffuser l’information. Indispensable en temps de guerre, à l’heure où la Russie cherche à faire taire les voix dissidentes sur son territoire. De la même façon, l’organisation de la mobilisation et de la solidarité internationales pour apporter un soutien financier à l’aide humanitaire ne saurait connaître la même efficacité sans l’exploitation des outils numériques. ABA

Le retour de la guerre sur son sol a pris l’Europe par surprise. Nous pensions à tort avec, disons-le, une forme de candeur, que notre continent était stable, pacifié. L’invasion militaire de l’Ukraine par la Russie vient brutalement démontrer le contraire. Il s’agit d’un gigantesque basculement, à plusieurs titres. Au-delà du bouleversement géopolitique, le conflit est aussi l’illustration d’un mouvement sans précédent vers le digital.Mais ce à quoi nous assistons, ce n’est pas la guerre digitale, cette « cyber guerre » annoncée depuis des années, avec ses états-majors hyperconnectés, ses drones, ses armes numériques ou encore ses e-soldats… En Ukraine, ce sont toujours, tragiquement, des êtres humains bien réels, civils ou militaires, qui tombent, et des familles et des peuples endeuillés qui pleurent. Non, ce basculement est celui d’un digital qui, plutôt qu’un outil d’agression, devient un rempart, une défense du faible face au fort. Face à sa brutalité et à ses mensonges.
Accéder en direct à la réalité du conflit
Rempart, car il est d’abord un ensemble d’outils technologiques d’interconnexion de la société civile, au-delà des frontières. Grâce aux réseaux sociaux omniprésents et aux messageries instantanées, partout dans le monde où la parole est libre, nous avons accès à des témoignages directs de femmes et d’hommes, célèbres ou anonymes, au cœur de cette guerre. Et grâce à eux, chacun peut prendre conscience, sans aucun filtre, en déjouant désinformation et propagande, de la gravité terrible des faits, et aussi de l’évolution de la situation sur le terrain. Parce que l’effroi, la peur et les souffrances se partagent en temps réel, l’opinion publique internationale est dans un processus de constitution permanent. Aujourd’hui, plus personne ne peut dire qu’il ne sait pas. La neutralité ne résiste plus aux images en continu. Beaucoup d’entre nous ont connu la première Guerre du Golfe, avec ses images des fameuses « frappes chirurgicales », filmées de très haut et en noir et blanc.Vingt ans plus tard, lors de la seconde Guerre du Golfe, les caméras étaient embarquées avec les unités de l’armée américaine. Et aujourd’hui, nous vivons un conflit totalement « immersif », au plus proche de la réalité quotidienne des Ukrainiens. Ce n’est pas anodin. En remerciant, via les réseaux sociaux, Elon Musk pour la livraison de terminaux de service internet par satellite, le vice-premier ministre ukrainien Mykhailo Fedorov (également en charge de la transformation numérique du pays) a souligné combien ce matériel était vital pour sa nation : le digital pèse sur le cours de la guerre, notamment en tenant le monde informé et en montrant combien la réalité est différente de ce que voudraient faire croire les autorités russes. Que le Président Zelensky ait pu s’adresser au Parlement européen, en visioconférence depuis Kiev assiégée, illustre la profondeur de la transformation qui se joue sous nos yeux.
Un outil de mobilisation et de solidarité internationales
Le digital est un rempart, car il est aussi un outil de mobilisation à l’efficacité sans précédent. Il y a bien sûr toujours dans les rues de nos grandes villes des rassemblements pour dire l’indignation. Mais, grâce au digital, les peuples peuvent se souder virtuellement comme jamais et entreprendre ensemble des actes de résistance ou de soutien, d’un bout à l’autre de la planète. Ainsi, sur les plateformes en ligne, en un temps record, des dons ont pu être réalisés pour venir en aide aux populations qui souffrent. Preuve de leur importance stratégique, ces dons ont d’ailleurs fait l’objet de tentatives de hacking de la part des Russes et, par ricochet, d’une contre-offensive digitale avec l’usage inédit de crypto-monnaies, jugées beaucoup plus sécurisées.
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