Le verbatim de… Caroline Renoux, fondatrice de Birdeo

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Lettre ouverte à la « Licorne Nation » : ne pervertissez pas le sujet de l’impact

Les joyeux de la French Tech ont le vent en poupe et brisent les records de levées de fonds et de valorisation. Pour ces réussites XXL, se pose désormais la question de l’articulation entre croissance exceptionnelle, conquête des marchés et adaptation aux impératifs d’impact social et environnemental. Face à ces défis, Caroline Renoux, fondatrice du cabinet de recrutement et de chasse de têtes spécialisé dans le développement durable et les métiers à impact positif Birdeo, adresse une lettre ouverte à la « Licorne Nation ». Publiée par Maddyness.

Valorisations records, levées de fonds gigantesques et chiffre d’affaires qui explosent, les fameuses licornes françaises – ces entreprises non cotées en Bourse et valorisées à plus d’un milliard de dollars – sont sur la pente ascendante. Et portent en elles une partie des espoirs et des ambitions technologiques et économiques françaises. À partir de ce constat, Caroline Renoux s’interroge et interpelle les licornes : « Tandis que nos ressources humaines et environnementales tendent à s’épuiser, pourrez-vous longtemps tenir les engagements que vous semblez toutes épouser, autour d’une prise en compte écologique et d’une mission sociale plus que jamais nécessaires ? »

L’un des grands dénominateurs communs qui réunit ces start-up à la réussite insolente réside dans leur intégration, a priori, des nécessités environnementales et sociales. La plupart affichent le souci d’avoir un réel impact sur la planète et sur le genre humain. L’inverse eût été étonnant, tant le contexte actuel interdit presque d’omettre les enjeux climatiques et sociaux. En revanche, il faut surtout que les bonnes intentions ne se suffisent pas à elles-mêmes et aboutissent à de réels impacts. Comme le rappelle Mme Renoux, les générations antérieures d’entrepreneurs et industriels, à commencer par l’automobile et le pétrole, affichaient aussi de « saines ambitions » en matière d’empreinte sociale et écologique. Autant dire que les priorités ont depuis été revues.

L’un des grands défis de nos licornes sera celui de la pollution numérique, désormais chiffrée et tangible. Surtout, la fondatrice de Birdeo exhorte les jeunes pousses de la French Tech a garder le cap, à infuser leur quête d’impact positif dans toutes leurs actions et décisions stratégiques. Pour peut-être participer à l’instauration d’une nouvelle économie plus réfléchie, à défaut d’être vertueuse. ABA

 

Nourries par les aspirations d’innovation technologique de tout un pays, vous, chères licornes, rivalisez en ce début d’année de valorisations records, et c’est sans aucun doute une très bonne nouvelle pour notre économie. Pour autant, ces sommes vertigineuses posent de réelles questions sur « l’après » auxquel vous pouvez désormais aspirer, en dehors d’une incontournable entrée en Bourse… Une issue qui imposera de fait des résultats à la hauteur de l’investissement consenti.

Or, tandis que nos ressources humaines et environnementales tendent à s’épuiser, pourrez-vous longtemps tenir les engagements que vous semblez toutes épouser, autour d’une prise en compte écologique et d’une mission sociale plus que jamais nécessaires ? Car parmi ces championnes de la start-up nation, toutes ou presque se targuent aujourd’hui de disposer d’un « purpose » : autrement dit, d’exister et d’innover dans le souci d’avoir un réel impact sur la planète et l’humain, ou a minima d’intégrer les préoccupations environnementales dans leur fonctionnement.

 

Et pour cause ! Difficile voire impossible pour cette génération d’entrepreneur·es, et dans le contexte que nous connaissons, de faire l’impasse sur un discours et des intentions green, ne serait-ce que pour répondre aux nouveaux cahiers des charges de leurs partenaires, ou encore être en mesure d’attirer de nouveaux talents.

Mais je crois ici pertinent de rappeler que vos aînés industriels, dans les secteurs de l’automobile ou du pétrole notamment, étaient initialement pourvus des mêmes saines ambitions. Qu’il s’agisse de permettre au plus grand nombre d’être véhiculé, ou même chauffés, tous aspiraient alors à avoir un impact positif sur la société. Or, galvanisés par des croissances exponentielles, et conditionnés aux exigences des marchés, ces géants ont pour beaucoup eu tendance à fermer les yeux sur l’empreinte écologique qu’ils laissaient en parallèle…

 

Ce schéma n’est pas inéluctable. Nous sommes toutes et tous aujourd’hui mieux informés et davantage sensibilisés. Mais pour l’éviter, astreignons-nous dès à présent à une discipline de pensée et d’action cohérente, durable et inclusive. En premier lieu, c’est dans la définition même de la mission d’entreprise que tout se joue. Une erreur traditionnellement visible dans votre écosystème est de se précipiter dans des impératifs de création d’impact positif, avant même de chercher à réduire votre impact négatif. Car il y en a un, inévitablement.

 

La pollution numérique est aujourd’hui au cœur des débats en ce qu’elle devient chiffrée, tangible. L’Ademe et l’Arcep s’en émouvaient il y a quelques jours à juste titre : le trafic Internet représente 2,5 % de l’empreinte carbone du pays, tandis que ses véhicules (ordinateurs, portables, etc.) et ses infrastructures (data centers, réseaux…) représentent eux une consommation annuelle de ressources de 62,5 millions de tonnes et 20 millions de tonnes de déchets. Partant du principe simple que vivre, c’est polluer, mon propos n’est pas ici de vous demander l’impossible, mais bien d’alerter sur les garde-fous qui doivent être les vôtres lorsque vous définissez vos priorités en termes d’impact.

 

Ensuite, soyons vigilants dans le choix des talents auxquels nous confions cette mission en interne, comme au périmètre que nous leur donnons. Nous avons observé ces dernières semaines l’essor du métier de « Chief Impact Officer ». Mais gare ici à ne pas décourager les postulants avec des exigences qui apparaissent tout aussi fantasmagoriques que l’animal ailé qui vous définit ou encore à décrédibiliser la fonction avec des nominations davantage travaillées pour votre image que pour la réussite pérenne de vos démarches…

 

Le métier de directeur et directrice de l’impact existe en réalité depuis de nombreuses années, préempté par les grands groupes qui, parce qu’ils ont désormais du recul sur les écueils possibles et les directions à prendre, méritent je crois d’être davantage consultés sur ce sujet. Ne tombons donc pas dans la caricature qui vous colle malheureusement parfois à la peau.

 

[…]

Retrouvez l’intégralité de la lettre ouverte ici

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