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Présidentielle : à la recherche de la qualité perdue du débat public.
La séquence présidentielle est bien entamée, à un mois tout juste du premier tour du 10 avril. Qui dit élections qui approchent dit intensification du débat public et de la campagne électorale. Dans ce contexte, chacune et chacun est en droit d’attendre des débats animés et de qualité, dans l’espace public et médiatique. Une quête de pertinence exprimée par Bernard Cohen-Hadad, président de la CPME Paris Ile-de-France et du think tank Etienne Marcel, dans une tribune pour Les Échos.
Les restes de la crise de la covid, le conflit armé en Ukraine qui menace les équilibres en Europe, la tension des débats politiques de campagne, ou encore l’annonce (très) tardive de la candidature d’Emmanuel Macron à sa propre succession, l’actualité du débat public est plus que chargée. Qu’importe, l’exigence de qualité dans le débat public doit toujours être présente, et peut-être d’autant plus. Et les guerres d’égos et les luttes intestines des formations politiques qui polluent les échanges médiatiques et la dynamique des campagnes électorales ne facilitent pas le tout. Dans ce contexte actuel tendu, les déclarations des grand·es responsables politiques apparaissent en-deçà des attentes des électeur·rices et de l’exigence des enjeux actuels. Gare à l’abstention, prévient Bernard Cohen-Hadad. Il est simple de le dire mais toujours bon de le rappeler : le débat public en France, à un mois d’une telle élection, doit être exemplaire, ouvert et de qualité. Et en la matière, les acteur ·rices médiatiques et les principaux·les intéressé ·es, les responsables politiques, doivent se mettre à la page et s’imposer d’être à la hauteur des enjeux. On ne demande pas mieux. ABA
À un mois de l’élection présidentielle, alors que nous sommes tous préoccupés par le drame qui se déroule en Ukraine, la « guéguerre » d’égos et de savonnage de planches à laquelle se livrent les recalés des états-majors des partis et les aigris du système politique, chamailleries qui occupent la plupart des grands mouvements politiques, a quelque chose de futile, pour ne pas dire d’indécent. Les déclarations de ces « responsables » de premier plan ne sont pas à la hauteur des enjeux, car en tirant le débat vers le bas et en exhibant leurs bisbilles, ils ne font qu’apporter de l’eau au moulin des extrémismes et de l’abstention.
Une campagne pour l’élection présidentielle, dans un pays comme la France, devrait être exemplaire en matière de débats ouverts, de rencontres avec la société civile, de propositions utiles et d’innovations publiques. Au contraire, nous assistons à une campagne électorale juxtaposant un entre-soi militant sur le terrain et une politique spectacle dans les médias grand public où les journalistes animent trop souvent des « shows » en faisant office de sparring-partners des candidats.
Les médias sont devenus incontournables
Le nombre de débats avec les candidats sur les chaînes d’information en continu est frappant. La médiatisation quasi intégrale de meetings militants pas toujours dignes d’intérêt, sauf pour les convaincus, les convertis et les prosélytes, interroge. Dans le contexte d’une présidentielle ultra-médiatisée et ultra-personnalisée, nous traquons la petite phrase assassine, souvent retenue faute de mieux. Quant aux porte-paroles, leurs discours aplanis, lissés et uniformisés par les communicants et la crainte de toute formule spontanée qui puisse porter préjudice à leur champion aboutissent à des positions et des propos sans génie ni saveur. Une parole toujours préconçue, souvent dénuée de réalité, parfois arrogante, rarement mémorable.
Paradoxalement, seuls les débats avec des citoyens en plateau, les échanges parfois détonants des chroniqueurs de la société civile, ou des animateurs qui se sont libérés des convenances, sont aujourd’hui une issue aux monologues ou aux discours d’intentions. C’est pourquoi faire aux médias le procès du sensationnel est un leurre. Le sensationnel, nous en redemandons dans une élection présidentielle qui n’est pas une élection comme les autres. Et c’est donc grâce aux journalistes, aux panélistes, aux interviewés en plateau ou à distance que nous arrivons à sortir enfin des petites phrases, à s’affranchir des postures figées, pour retrouver un semblant de parler-vrai !
Gouverner n’est pas anodin
L’illusion de proximité que donne la médiatisation personnalisée des personnages publics, les détails multiples sur leur vie nous trompent sur notre capacité à leur ressembler. La classe politique doit être faite de citoyens comme les autres. Nous sommes tous attachés à tourner la page des passe-droits et du clientélisme. Et notre démocratie française a fait un bon salutaire, en quelques années, en matière de transparence de la vie publique et d’accès aux grandes nominations nationales.
Mais ne mélangeons pas tout, diriger un pays, gouverner un État comme la France n’est ni anodin, ni à la portée de tout un chacun. Dans « Le gardeur de troupeaux », Fernando PESSOA a cette belle formule : « ils sont heureux, car ils ne sont pas moi ». Président, non vraiment, ce n’est pas un job comme les autres, même si on a réussi à obtenir les 500 signatures. La « présidence normale » est un oxymore et sera toujours un malentendu démocratique. Le président (ou la présidente) de tous les Français ne peut être que le meilleur, le plus affûté, le plus responsable, voire le plus généreux d’entre nous pour se tenir au-dessus des écuries, des clans et des camps. Quant au quinquennat, qu’aucun des candidats ne souhaite remettre en cause, il a renforcé la présidentialisation de notre régime et – couplé à la médiatisation et à la personnalisation susmentionnée de la politique – a accru mécaniquement l’hyper-présidence. Aujourd’hui, le président préside et gouverne tout à la fois.
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