« Uber Files » : Emmanuel Macron épinglé par l’enquête de l’ICIJ

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Séisme chez le géant du VTC : le 10 juillet, plusieurs quotidiens ont publié leurs premiers articles tirés des « Uber Files ». Les investigations menées par les journalistes dénoncent l’implication d’Emmanuel Macron.

Uber, synonyme d’illégalité ? Une chose est sûre : la start-up californienne ose tout ! Elle passe en force pour s’implanter à l’étranger, ignore les réglementations en vigueur, s’associe à une banque russe alors sous sanctions, gratifie des politicien·nes, manipule des chauffeur·es. Le schéma Uber semble constitué de violences. L’enquête menée par Le Monde s’appuie sur les dérives qui ont mené à l’expansion du groupe entre 2013 et 2017. À l’origine de l’investigation, une fuite de 124 000 documents internes à la société : des mails, des échanges de SMS, des PowerPoints… Ces pièces à conviction offrent un large aperçu des méthodes déployées par Travis Kalanick, ancien PDG de la multinationale. Ces documents ont été transmis par le quotidien britannique The Guardian avant d’être délivrés à l’ICIJ (International Consortium of Investigative Journalists), et à ses partenaires.

Les documents révèlent notamment que le groupe Uber a fait dresser une liste de plus de 1 850 « parties prenantes ». Fonctionnaires, groupes de réflexion, politicien·nes… Aux quatre coins du monde le géant des VTC tire ses ficelles. Parmi ces personnalités : d’anciens collaborateur·rices de Barack Obama, le président Emmanuel Macron (alors ministre de l’Économie), le Premier ministre israélien de l’époque, Benyamin Netanyahou, le Premier ministre irlandais Enda Kenny et Toomas Hendrik, ex-président de l’Estonie. Uber aurait également tenté de séduire des oligarques proches de Vladimir Poutine…

En 2014, alors que l’entreprise n’a que cinq ans, elle domine le marché des VTC aux États-Unis grâce à des investisseurs comme Jeff Bezos et Goldman Sachs. Son objectif ? Conquérir le monde ! Sa méthode ? Le passage en force. La jeune start-up n’en fait qu’à sa tête et refuse de se conformer aux réglementations. Une théorie développée par Mark MacGann, lobbyiste d’Uber. « En gros, Uber se lance, puis il y a une  » tempête de merde  » réglementaire et juridique », déclare-t-il un jour au jeune consultant polonais, Bartek Kwiatkowski. L’entreprise défend sa stratégie comme une « pyramide de merde », laquelle est composée de procès des conducteurs, d’enquêtes réglementaires, de « procédures administratives » et de « litiges ». Mais cette politique du « quoi qu’il en coûte » a un prix : 90 millions d’euros investis en lobbying pour l’année 2016 !

Uber et les lobbyistes, une véritable love story

Les lobbyistes forment un bouclier considérable autour d’Uber et participent à sa toute-puissance. D’après les documents transmis par The Guardian, ils auraient pu bénéficier de participations dans l’entreprise et de commissions en fonction de leurs résultats. Uber, grand adepte des faveurs, proposait aux entreprises des réductions sur les trajets en Uber, des déjeuners dans des restaurants de luxe, et même une assistance gratuite pour leurs campagnes… Mais le géant de la tech ne s’arrête pas là, il a également courtisé d’ex-fonctionnaires comme Neelie Kroes, ancienne vice-présidente de la Commission européenne et des proches de Barack Obama dont David Plouffe en charge de la campagne de l’ancien président. On aurait fait appel à lui pour « adoucir l’image d’Uber ». Plouffe a démissionné en 2017, mais il a été condamné par le tribunal de Chicago à une amende de 90 000 dollars, pour avoir exercé des pressions illégales sur le maire de l’époque.


Deal présumé entre Emmanuel Macron et le géant du VTC

Dans le cadre de son enquête, Le Monde rapporte des échanges entre l’actuel président et Travis Kalanick, ex-PDG du groupe.

En 2011, Uber s’implante dans l’hexagone. Un bras de fer commence : l’application des lois en France sont strictes et les taxis français s’opposent farouchement à l’implantation de la société de VTC sur son territoire. Partout dans le pays, des manifestations anti-Uber surgissent, tant et si bien qu’en 2014, l’Assemblée nationale adopte la loi Thévenoud qui avantage les taxis par rapport aux VTC. Mais rapidement, les autorités françaises enquêtent sur la compagnie pour des motifs de violation des lois fiscales et d’exploitation d’un service de taxi sans autorisation. La DGCCRF essaie également de déterminer si UberPop, le service de transport qui permet de devenir chauffeur sans licence, est légal.

Mais Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, s’allie à Uber. Il participe à une réunion avec Travis Kalanick. Une rencontre que Mark MacGann qualifie de « spectaculaire », il affirme qu’Emmanuel Macron a « accueilli Uber dans une atmosphère remarquablement chaleureuse, amicale et constructive ». Il déclare qu’Emmanuel Macron a demandé aux « régulateurs de ne pas être trop conservateurs ». Dans un échange daté de juillet 2015, le PDG d’Uber échange avec Emmanuel Macron, ce dernier lui confirme que Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur de l’époque, a accepté un deal qui consistait à intégrer dans la loi des dispositions favorables à Uber, basées sur des amendements fournis par Uber. Encore aujourd’hui Cazeneuve affirme n’avoir jamais entendu parlé d’un tel accord. Au total, 17 échanges de SMS du même type apparaissent dans les « Uber Files ». L’Élysée a indiqué à l’AFP qu’Emmanuel Macron, comme ministre de l’Économie, était « naturellement amené à échanger avec de nombreuses entreprises engagées dans la mutation profonde des services advenue au cours des années évoquées, qu’il convenait de faciliter en dénouant certains verrous administratifs ou réglementaires ».

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