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Une analyse signée Serge da Motta Veiga, professeur à l’Edhec. Et publiée par The Conversation.
Chercher un emploi n’est pas chose facile. Pôle emploi relève ainsi qu’au troisième trimestre 2021, près de 6 millions de personnes étaient à la recherche d’un emploi en France. Sans tenir compte des demandeurs d’emploi en fin d’études, considérés comme étudiant·es, ou de ceux qui sont déjà en poste et à la recherche d’un autre emploi.
Comment les recherches scientifiques en ressources humaines peuvent-elles aider les demandeurs d’emploi à mettre toutes les chances de leur côté ? Dans cet article, je vous présente certains résultats de mes travaux des dix dernières années, ainsi que ceux d’autres experts dans ce domaine. Quatre recommandations principales en émergent, avant et pendant la recherche d’emplois.
- Combiner persévérance et apprentissage
Ne pas être retenu pour un poste durant une recherche d’emploi est un processus normal, et il ne faut pas baisser les bras. Les demandeurs d’emploi doivent être persévérants et résilients, tout en se concentrant sur la qualité de leur recherche.
Dans un article académique récent, les chercheurs Edwin van Hooft et ses co-auteurs ont validé une intuition courante, celle que le meilleur prédicteur de succès d’une recherche d’emploi est l’intensité de cette recherche. Plus les demandeurs d’emploi investissent du temps dans leurs démarches, par exemple envoyer des candidatures ou contacter des personnes dans leur réseau, plus ils ont de chance de trouver un nouvel emploi. Donc, plutôt que de se laisser décourager par un rejet, mieux vaut mettre les bouchées doubles.
Un aspect essentiel peut également renforcer la résilience et favoriser une issue positive, à savoir la capacité à apprendre de sa recherche d’emploi. En effet, dans une étude de 2014, nous avions mis en lumière que les demandeurs d’emploi qui sont motivés d’apprendre comment faire les choses au mieux durant leur recherche d’emploi réussissent à transformer leur stress en persévérance. Ceci en contraste de ceux qui ne sont motivés « que » par le fait de trouver un emploi sans apprendre les clés du succès. Cela montre que trouver un emploi ne passe pas seulement par l’envie de réussir mais aussi et surtout par la motivation et le besoin d’apprendre.
Un autre point intéressant de ces résultats est qu’ils vont de pair avec ce que recherchent les directions des ressources humaines (DRH), à l’image de Laszlo Bock, l’ancien DRH de Google. Dans un entretien accordé au New York Times, il avait insisté sur le fait qu’une des caractéristiques les plus importantes retenues par le géant américain pour sélectionner les nouveaux candidats tient à leur faculté d’apprentissage.
- Obtenir des feedbacks
En lien étroit avec la stratégie précédente, et surtout avec le besoin d’apprentissage, les demandeurs d’emploi ont tout à gagner à, d’une part, remercier les recruteurs pour le temps consacré à leur candidature, mais aussi à, d’autre part, leur demander, dans la mesure du possible bien évidemment, un feedback concernant le processus – et le rejet si tel est le cas. Ceci peut prendre la forme d’un e-mail et/ou d’un court échange par téléphone ou par visio, pour remercier la personne rencontrée et lui demander, notamment ce que le candidat pourrait améliorer pour un prochain entretien.
Dans une autre étude de 2019, mes co-auteurs et moi avions en effet observé que les demandeurs d’emploi qui reçoivent un feedback de qualité, comme des informations sur ce qui a bien (ou moins bien) fonctionné durant l’entretien d’embauche, peuvent améliorer leurs compétences en entretien, et sont plus tenaces dans leurs démarches. Nous avons aussi trouvé qu’un feedback de qualité contribue à mettre en évidence ce qui peut être amélioré durant la recherche, via par exemple une meilleure identification des opportunités d’emploi qui leur correspondent le mieux.
Cette recommandation est cependant à considérer avec précaution. En effet, de nombreux recruteurs ne peuvent pas partager les raisons de leurs préférences pour un autre, tout du moins pas de façon détaillée, tout simplement par mesure de précaution, pour éviter des complications après un processus de sélection infructueux.
- Gérer ses émotions et son énergie
Toute recherche d’emploi a un impact direct sur les émotions. Ces dernières années, plusieurs études ont montré que les émotions ne peuvent pas être négligées : les demandeurs d’emploi doivent être conscients de leurs émotions en lien avec la recherche d’emploi, émotions tant positives que négatives, et surtout doivent comprendre quand et comment les utiliser.
Dans un article académique récemment publié, j’ai constaté, avec mes co-auteurs, que toutes les émotions n’influencent pas de manière identique les efforts et la réussite des démarches menées par les demandeurs d’emploi. Seules les émotions positives et négatives de forte intensité, telles que le stress et l’excitation, tendent à avoir un impact positif sur la persévérance et le succès dans la recherche d’emploi.
Une recherche d’emploi efficace passe par une bonne gestion des émotions, selon une nouvelle étude de l’EDHEC https://t.co/KjtCfIsBqM via @FR_Conversation #Jobsearch #COVID19
— Benoit Arnaud (@BenoitArnaud) December 28, 2020
Dans une étude tout juste publiée, nous allons même un peu plus loin et trouvons que les demandeurs d’emploi qui ont un profil avec un niveau élevé et simultané d’émotions positives et négatives ont tendance à être plus persévérants et à obtenir plus de propositions d’emplois. Ceci suggère qu’une combinaison d’émotions positives et négatives est plus propice à une recherche d’emploi fructueuse que l’expérience unique d’un des deux types d’émotions, ou encore l’absence d’émotions durant la recherche d’emploi.
Bien que les émotions soient très importantes pour le bon déroulement d’une recherche d’emploi fructueuse, il est important de prendre en compte que toute cette persévérance et ces expériences émotionnelles auront tendance à être source d’épuisement. Ainsi, dans un autre travail de recherche très récent (étude à paraître), j’étudie l’importance de se ressourcer pour pouvoir réussir. Par exemple, il est important de prendre des pauses, d’avoir des loisirs, de ne pas faire faire ses démarches à plein temps. Comme dans beaucoup d’autres activités, le ressourcement est essentiel à de bons résultats
- Utiliser ses contacts et ses réseaux
Finalement, une dernière recommandation souligne l’importance de rester connecté. Plus précisément, les demandeurs d’emploi devraient utiliser, de façon personnalisée, les contacts et réseaux informels qui sont à leur disposition, que ce soient des amis, collègues, ou autres connaissances, car ceux-ci sont susceptibles non seulement de fournir des pistes et d’ouvrir plus facilement des portes, mais aussi de fournir un soutien émotionnel.
Dans un article de 2017, nous avions analysé que solliciter un soutien ou partager ses expériences avec ses amis ou sa famille durant la recherche d’emploi a un impact positif sur la persévérance des demandeurs d’emploi. Les réseaux et contacts peuvent ainsi faciliter différentes étapes du processus.
Cependant, les demandeurs d’emploi doivent faire attention à ne pas abuser des réseaux sociaux. Les chercheurs Michael Johnson et Christopher Leo viennent ainsi de publier une étude dans laquelle ils mettent en évidence que le fait de passer trop de temps à chercher un emploi en utilisant LinkedIn peut avoir des conséquences néfastes en termes d’épuisement, de baisse d’efficacité personnelle et de moindre succès de recherche d’emploi. Il s’agit là encore de gérer au mieux ses ressources.