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Le journal Ouest-France a pris la décision de ne pas publier de sondages concernant l’élection présidentielle.
Le premier quotidien français se positionne aux antipodes de ce que l’on peut attendre d’un média traditionnel… Ouest-France a annoncé par la voix de son rédacteur en chef qu’il ne réaliserait pas, ni ne commenterait de sondages relatifs à l’élection présidentielle de 2022. Une décision lourde de sens, François-Xavier Lefranc s’applique à la commenter dans son éditorial paru sur le site de Ouest-France le 23 octobre.
La relation entre les Français·es et les médias est fusionnelle. Une union qui engage pour le meilleur et pour le pire. Alors, quand l’hexagone passe en mode scrutin, comme dans un repas de famille, les esprits s’échauffent. Souvenez-vous, c’était en 2005, la presse pro-européenne encensait le nouveau Traité constitutionnel européen (TCE) soumis à référendum. Tous les voyants paraîssent au vert et pourtant… Les Français·es votent non au TCE à 54,61 %. Il y a comme un parfum de rejet. Rejet de la communauté européenne. Et rejet du·de la journaliste qui pense pouvoir dicter la conduite de ses concitoyen·nes. Bien des années plus tard, et sur un autre continent, c’est la stupeur. Donald Trump est élu président des États-Unis, au nez et à la barbe d’Hillary Clinton pourtant célébrée par les critiques et annoncée grande gagnante par la majorité des sondages. Trump était détesté par la presse qui n’a cessé de le condamner, encore et encore. Pourtant, les citoyen·nes ont voté et c’est bien la presse qui a perdu. Une histoire qui n’est pas sans rappeler celle de notre pays, il y a déjà vingt ans. C’est à juste titre que François-Xavier Lefranc nous rappelle l’année 2002 : « Les sondages annonçaient pour le deuxième tour de l’élection présidentielle un duel serré entre Jacques Chirac et Lionel Jospin ». Doit-on vous rappeler la suite des événements ? À cette époque déjà, nous aurions dû nous inquiéter de la légitimité, de la valeur de ces « sondages ». Et peut-être, les commenter avec plus de précaution. Alors à l’heure où la presse s’évertue à critiquer certain·es candidat·es qu’elle estime trop vite impopulaires dans le cœur de ses lecteur·rices, auditeur·rices, téléprospecteur·rices, je dirais prudence. Nous ne sommes pas à l’abri d’une surprise…
« Pourquoi consulter les citoyens alors qu’il est si simple d’attendre les sondages ? Pourquoi se casser la tête à bâtir un programme politique alors que pour quelques milliers d’euros, des sondages vous diront ce qu’attendent les gens ? Pourquoi s’enquiquiner à débattre avec les militants politiques pour désigner un candidat alors que les sondages peuvent s’en charger ? On a tout vu ces derniers temps, des sondages mis à toutes les sauces, des personnalités politiques cherchant désespérément une légitimité dans les pourcentages des dernières études d’opinion, des sondages faisant ou défaisant le deuxième tour de l’élection présidentielle, des cadors du petit écran gonflés à l’hélium des mesures d’audiences devenir des stars politiques déjà qualifiées par les sondages avant même d’être candidats. Les sondeurs n’arriveront bientôt plus à mettre du charbon dans la machine tant elle est en surchauffe.
Revenons quelques années en arrière : au début de l’année 2002, les sondages annonçaient pour le deuxième tour de l’élection présidentielle un duel serré entre Jacques Chirac et Lionel Jospin. La seule question qui se posait était de savoir lequel allait arriver en tête au premier tour. Au soir du 21 avril, Jean-Marie Le Pen créait la surprise en se qualifiant et Lionel Jospin était éliminé. La leçon n’a jamais été retenue : à chaque élection, on veut connaître le résultat avant même que les Français aient voté. Cette année où l’on est allé jusqu’à imaginer convoquer les sondeurs pour désigner les candidats, on atteint des sommets.
La démocratie est fragile
Les sondeurs qui, quoi qu’en disent certains, sont des professionnels sérieux ont beau rappeler que leurs enquêtes donnent seulement une photographie à un instant précis, qu’il faut évidemment tenir compte des marges d’erreurs, qu’il ne faut pas faire dire aux sondages ce qu’ils ne disent pas, rien n’y fait. Les sondages sont pris pour argent comptant.»
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