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Passer du statut de défenseur des petit·es  entrepreneur·ses à celui de ministre chargé de satisfaire leurs revendications, quel parcours extraordinaire ! Or, en 14 mois, le ministre a réussi à combler le syndicaliste ! Le 16 septembre, il assiste, modestement, au triomphe… du président de la République devant l’assemblée de l’U2P, l’Union des entreprises de proximité qu’il présidait jusqu’en 2020. Et pour cause : le plan Indépendants dûment arbitré conçu par le ministre et détaillé par le Président a proprement « révolutionné » le statut du petit entrepreneur, désormais à l’abri de la faillite prélevée sur ses biens et à même de transmettre son affaire sans plus-value de cession. Le ou la conjoint·e à son tour, souvent sacrifié·e après des années de travail, retrouve un statut et une dignité.

Au cours d’un entretien « cash », le ministre Alain Griset nous a donné une parole somme toute rare : celle d’un ministre venu du sérail qui n’a pas trahi ses engagements sous prétexte d’une entrée au gouvernement, souvent cause d’oubli de son origine. Dans un pool de ministères emmené par Bruno Le Maire à l’Économie au moment historique où il fallait à tout prix assurer la survie des entreprises, il est allé plus loin, il leur a offert une promesse d’avenir. Car même s’il est de bon ton, pour un journaliste, de garder toujours le sens critique, force est de reconnaître que nous assistons là à un parcours sans faute. OM

 La France compte un nombre inouï de TPE, microentreprises et PME. Le 16 septembre, quand vous avez accompagné le président de la République à la Mutualité devant un parterre de l’Union des entreprises de proximité, la présentation du « plan Indépendants » a déclenché une standing ovation et pour cause : en cinq axes, la plupart des revendications des commerçants, artisans et professions libérales – un tissu d’entreprises exceptionnel dans le monde – furent satisfaites. Ce maillage de petites entreprises, c’est une chance ou un poids pour la France ?

C’est une chance pour le pays parce que lorsque vous avez des femmes et des hommes qui investissent, c’est parce qu’ils et elles croient en l’avenir. Cette confiance en l’avenir de ce pays ne se traduit pas toujours dans l’actualité quotidienne. Et puis l’on a un pays qui est réputé, et c’est vrai, pour offrir l’une des meilleures protections sociales. On a vu durant la crise ce qui a été fait pour protéger les entrepreneur·ses et les salarié·es. Or cette protection sociale n’existe que si des richesses sont créées. Pas de miracle. Et cette richesse ne se crée pas sans entreprises, quelle que soit leur taille. Et troisième élément, même s’il est insuffisamment connu : les entreprises en France comptent à 95 % moins de 20 salarié·es, ce qui ne veut pas dire que nous n’avons pas besoin des grandes. Mais le tissu économique des TPE et des PME offre plusieurs avantages. Le premier, c’est qu’elles irriguent la totalité du territoire. On a bien vu que le mouvement des gilets jaunes était conditionné, bien sûr par le prix de l’énergie, mais aussi parce que beaucoup se considéraient comme perdu·es, que l’on abandonnait les territoires. Quand l’activité économique revient, les territoires revivent. C’est très important. Deuxième réalité connue des petites entreprises, elles ne sont pas délocalisables. C’est une économie durable qui apporte sur le plan environnemental des réponses aux défis devant nous. Quand on produit localement, on n’achète pas très loin, économie d’énergie à la clé.

Ce tissu-là est donc une chance. On peut compter encore plus de ces petites entreprises. J’assure deux déplacements par semaine, dans des salons et des congrès. Je constate que dans la jeune génération, l’esprit d’entreprise est beaucoup plus présent que lorsque j’avais 20 ans. Quand je me suis installé à 22 ans, j’étais un peu hors norme. Tout le monde fuyait la mine, la sidérurgie, on cherchait une protection. On se voulait fonctionnaire ou entrer dans un grand groupe. Tout a évolué. Aujourd’hui, de jeunes générations croient à des valeurs et prennent leur avenir en main. C’est très fort. Ils vous disent « je veux maîtriser mon avenir, je peux prendre des risques, travailler plus, mais je ne veux pas être celui ou celle qu’on prend pour un numéro. Et parce qu’un jour, à Bangkok ou ailleurs, on décide de fermer une boîte dans un territoire, je n’existe plus ». Certaines générations ont été marquées par cette fragilité. Par exemple quand Mittal décide de fermer Florange. Les gens se retrouvent à la rue, sans maîtriser quoi que ce soit. Dire « ça dépend de moi, je peux réussir ou non, mais en tout cas, je peux avoir une partie de mon avenir en main », c’est fondamental.

La France n’a pas toujours été un pays de petites entreprises, notamment quand de grands groupes industriels drainaient les carrières, vous l’avez rappelé. Que s’est-il passé pour que nous en arrivions à quelque 3 millions de TPE et PME ?

Il a fallu réinstaurer l’esprit d’entreprise, beaucoup moins fort au cours des années 1970-1990. Les familles ne poussaient pas les fils et les filles à se mettre à leur compte. Pas d’entreprise, pas de richesse. Il a fallu un déclic. Ma région de jeunesse était emblématique, l’ancien Nord-Pas de Calais. Le président du conseil régional de l’époque, Daniel Percheron, issu de la Fédération socialiste, avait toujours vécu dans le monde de la sidérurgie et de la mine, au milieu d’entreprises paternalistes. Quand Usinor existait, le fils succédait au père. À sa fermeture, la région de quelque 4 millions d’habitants s’est demandé que faire. Daniel Percheron a dit : « Il faut absolument changer de stratégie et entamer une politique de créations d’entreprises. » L’artisanat à l’époque, en 2000, sur ce territoire, représentait 83 entreprises pour 10 000 habitants quand la moyenne nationale ailleurs était de 139. Et la moyenne la plus basse hors du Pas-de-Calais était à plus de 100 ! En vingt ans, on a rattrapé la moyenne. La métropole lilloise, en 2012 ou 2013, fut déclarée la plus entreprenante d’Europe. Vous l’auriez dit en 1995, on en aurait ri.

C’est de la sensibilisation, de l’information, ce sont des actions visant à accompagner des créateurs… tout un écosystème qu’il a fallu créer. Puis la création du statut de microentrepreneur a apporté l’idée que l’on pouvait créer facilement sa boîte. Il fallait simplifier la création. Le tout aboutit à ce tissu, un grand nombre de jeunes aux idées nouvelles, une chance pour la France.

Et l’avenir ? Comment pérenniser cet élan dans un pays où tous les Français·es ne deviendront pas des entrepreneur·ses comme le rêvait en son temps l’économiste devenu Premier ministre Raymond Barre ?

L’entreprise n’est pas par principe fautive.

Je pense qu’un travail très important est à mener. Éric Dupont-Moretti [actuel garde des Sceaux, ndlr] avait demandé un rapport au président des tribunaux de commerce, Georges Richelme, en début d’année. Il en ressortait que si des entreprises se créent et se ferment, c’est qu’elles n’ont pas été suffisamment accompagnées, que l’information à la création a manqué. Ce qui veut dire qu’il faut inciter à la création, mais que chacun mesure bien l’engagement qu’il ou elle prend quand on crée sa boîte. Ensuite, l’idée que je porte et que le Président m’a demandé de développer, c’est qu’il existe sur l’ensemble du parcours des entrepreneur·ses des éléments de risque, certes, mais qu’ils soient proportionnés, qu’à tout moment on ait ce que j’appelle un environnement fiscal, social et réglementaire adapté à la taille de l’entreprise. Il faut une plus grande simplicité, une transmission facilitée, une information simplifiée. Il ne faut pas que quelqu’un qui a bien géré son entreprise mais que l’aléa de l’économie force à déposer son bilan traîne pendant vingt ans sa dette professionnelle, qu’il ou elle puisse rebondir. Il faut accepter que l’erreur ou l’échec ne soient pas définitifs. Ce sont des évolutions de fond. La vision que notre pays doit avoir de l’entreprise. L’entreprise n’est pas par principe fautive. Comme s’il était grave de gagner de l’argent, grave d’entreprendre. L’entreprise est utile, même indispensable. On ne crée pas des droits si l’on ne peut les payer, si la croissance n’est pas au rendez-vous. Il faut mettre les choses dans l’ordre. Accompagner l’entrepreneuriat, améliorer la vie quotidienne des entrepreneurs, au bout du compte multipliera la prise de risque de se lancer. L’un des points importants pour boucher le trou de la raquette que l’on observe aujourd’hui, c’est le déficit d’ETI que l’on observe en France par rapport à l’Allemagne. Il existe de plus grandes entreprises de l’autre côté du Rhin parce qu’elles ont bénéficié des moyens de grandir, d’être transmises, de génération en génération. 99,9999 % des entreprises sont l’œuvre d’une personne ou deux ! Aucune ne démarre avec 500 personnes ! Passer de 1 à 200 ou 500 s’explique parfois par un phénomène de niche d’expansion rapide, mais en majorité, soit l’entrepreneur veut rester seul, ce qui est respectable, soit il fera en sorte de s’étendre à 20, 25, 30 personnes en 15 ou 20 ans. Puis son successeur la fera grossir jusqu’à 50 salarié·es, la génération suivante ira jusqu’à 100, 200, 500… Ce fut le cas des ETI allemandes.

Toutes ces mesures figurent désormais dans le plan Indépendants. Que vous a donné le Président comme feuille de route quand vous l’avez rencontré ?

À raison de deux déplacements par semaine, j’ai tenu des réunions systématiquement avec les branches sur le terrain.

Ça ne s’est pas passé comme ça ! J’ai reçu un coup de téléphone le 5 juillet à 16 heures. On me dit voilà, on vous propose le ministère des TPE/PME. Ce fut une grande surprise, mais j’ai dû réfléchir un millième de seconde. Ce fut oui tout de suite. Voilà 40 ans que je suis engagé dans des organisations professionnelles patronales. Après tout, il est arrivé que j’aie essayé de porter des messages, autant le faire moi-même ! Je n’avais jamais postulé, pas adhéré à un parti. J’avais rencontré Emmanuel Macron quand il était ministre, moi syndicaliste. On se connaissait, sans plus. Il connaissait mon parcours. Et le 6 juillet, le Président ne m’a pas dit « il faut faire ça ». Il ne décide pas de tout ! Bruno Le Maire est entouré de deux ministres délégués et de trois secrétaires d’État. La feuille de route de Bruno le Maire, en substance tout faire pour que les entreprises passent le cap, fut ipso facto la mienne. En mars, à mon arrivée, le fonds de solidarité était de 1 500 euros par mois. Ce n’est pas ainsi que les entreprises ont été accompagnées. Nous sommes passés à 10 000 ou 20 % du chiffre d’affaires. Puis jusqu’à 10 millions. Avec les PGE, l’activité partielle, nous nous sommes adaptés. Quand, au mois de décembre, les représentants de l’indoor sont venus me voir pour m’exhorter à accompagner l’indoor, je ne savais pas ce que regroupait le terme ! J’ai appris qu’il s’agissait des salles de bowling, de l’escalade en salle, j’ignorais tout du modèle économique en jeu. Savez-vous qu’une seule piste de bowling, ce sont 50 000 euros ! 1 million pour 20 pistes… J’ai fait étudier tous les modèles de l’indoor. Idem pour l’outdoor, pour la montagne, tous les secteurs du bâtiment, les bouchers, les charcutiers, les cordonniers, les coiffeurs, tous. Tous reçus. Des dizaines de fois. Les restaurateurs toutes les semaines. Je suis parti du principe que mon ministère ne peut fonctionner sans travailler avec les acteurs du territoire. À raison de deux déplacements par semaine, j’ai tenu des réunions systématiquement avec les branches sur le terrain. Puis j’ai formulé des propositions, les ai mises sur la table, et vu avec Bruno et Olivier [Le Maire, ministre de l’Économie, et Dussopt, en charge des Comptes publics, ndlr] comment on allait concrétiser.

Vous êtes le ministre dépensier par excellence…

Il y a deux façons de voir les choses. Effectivement, on a dépensé beaucoup d’argent. 35 milliards pour les fonds de solidarité, 35 autres pour l’activité partielle, 10 pour les exonérations de cotisations. Plus la couverture des prêts garantis par l’État. Mais…

… vous allez prononcer le mot « investissement » !

Mais regardez ce qui s’est passé lors de la dernière crise en 2008. Ni activité partielle ni accompagnement des entreprises. Que s’est-il passé ? Chômage, 30 % de plus. Que l’on a payé pendant des années. Faillites d’entreprises : il a fallu travailler pour recréer le tissu économique. Au bout du compte, un coût plus élevé que ça n’a rapporté. Cette fois, nous avons mis l’argent avant. Oui, on a investi. Il s’est passé ce que nous avions imaginé : dès lors que la crise sanitaire s’estompe, et parce que les entreprises sont là, la reprise économique est forte. Alors, oui, on a dépensé de l’argent. J’assume avoir été dépensier à ce moment-là. Mais investir n’est pas réparer, comme en 2008. Investir avec 30 % de faillites en moins. Des tonnes de journalistes et d’économistes avaient jeté l’alarme en prédisant une déferlante de dépôts de bilans en septembre, octobre. J’avais toujours dit « ça n’arrivera pas ». Il n’y avait aucune raison que les entreprises ferment. On va assister à un rééquilibrage normal. En 2019, l’on a compté 50 000 défaillances. En 2020, entre 28 000 et 29 000. Cette année peut-être une trentaine de milliers. Soit environ 50 000 entreprises et affaires promises à la fermeture qui ont passé le cap. Bien sûr, il est possible que sur le nombre, certaines connaissent le dépôt. Mais si l’on additionne les années 2019, 2020, 2021 et 2022, on retrouve les chiffres « naturels » en quatre ans de 200 000 défaillances. Mais pas 800 000 !

Intervient désormais votre « grand œuvre », le plan Indépendants. Quatorze mois après votre nomination… D’aucuns disent qu’il fut long à produire, vous, vous revendiquez au contraire un temps record.

Quand je suis arrivé au ministère, ce plan était déjà dans ma valise ! Bien sûr, et c’est normal, des arbitrages sont intervenus. Car contrairement à d’autres ministères, je dois travailler avec le ministère de la Santé, celui des Affaires sociales, de la Formation, de l’Éducation, celui du Budget… On n’a pas été toujours sur la même longueur d’onde, ce qui est normal ! J’ai donc connu deux arbitrages de la part du Premier ministre, avant l’avis du Président sur tel ou tel sujet. Je dois reconnaître que je bénéficie d’une grande autonomie dans la gestion de ce ministère.

Au vu de la réaction très positive de l’auditoire des indépendants, le 16 septembre, ledit Président a dû s’en féliciter !

Emmanuel Macron est pour la rupture. Il est favorable à la transformation de ce pays. Je ne me suis pour ma part pas mis de limite dans les propositions, pourtant transgressives par rapport à notre culture. Sous l’égide du Code Napoléon, il ne faut pas protéger le patrimoine de l’entrepreneur ! Alors quand on dit qu’en cas de faillite, si l’entrepreneur n’a pas triché, ses dettes professionnelles ne peuvent pas devenir des dettes personnelles, on n’est pas loin de la révolution ! Ou que celui qui reprend une affaire va pouvoir amortir le fonds de commerce, là, on frise l’attaque cardiaque ! Je pense sincèrement que ce plan des indépendants modifie en profondeur la vie des entrepreneurs et des entrepreneuses. Il s’agit là de structurel à long terme. Or depuis les lois Madelin, il y a 30 ans, rien n’avait vraiment changé sans l’appui d’une stratégique globale qui embrassait la totalité du parcours de l’entreprise d’un travailleur indépendant, de sa création à sa transmission éventuelle, et sa fermeture.

L’essentiel des 3 millions d’indépendant·es correspondent à une explosion de microentreprises. S’agit-il bien d’entreprises à part ?

Certains secteurs y voient une concurrence déloyale, sur le plan de la TVA et de la fiscalité. Mais pour beaucoup, c’est le signal qu’entreprendre est facile. Or bon nombre ne connaissent pas bien les conséquences de leur choix. Ils n’imaginent pas que, juridiquement parlant, ils sont des entrepreneurs individuels. Que leur statut est dérogatoire du droit commun. On l’a vu avec les livreurs non-salariés qui ne se croient pas entrepreneurs alors qu’ils le sont. Le paradoxe veut du reste que dans certains cas de seuils, un microentrepreneur va payer plus de cotisations sociales que s’il était une SARL classique puisqu’il est prélevé sur le chiffre d’affaires. L’idée que pour encourager la création d’entreprise il faut simplifier les choses, elle existe depuis la nuit des temps.

N’est-ce pas aller à l’encontre du recrutement de salarié·es ? Et par là même gêner des entreprises qui cherchent à se développer ?

Quand on se dit qu’à 200 euros près je ne vais pas travailler…

Tout le monde n’est pas fait pour se mettre à son compte ! C’est formidable, je le recommande à ceux et celles qui veulent le faire, mais c’est tout autre chose que le salariat. On travaille plutôt deux fois 35 heures par semaine qu’une fois. Tout le monde n’est pas partant pour un tel focus sur sa vie professionnelle. La difficulté de recruter que vous évoquez s’analyse face aux 5 millions de personnes sans emploi. Mais l’on n’a pas 5 millions de personnes à recruter. Une part de ma mission consiste à faire en sorte qu’une partie trouve un emploi. On connaît à peu près les raisons pour lesquelles on n’arrive pas à « matcher », difficulté typiquement française car même en période de fort recrutement, le taux de chômage est toujours supérieur à celui des autres pays – 5 ou 6 % contre 2 ou 3 % en Allemagne, par exemple. Ces raisons sont bien connues, c’est l’inadéquation entre les besoins des entreprises et les compétences des demandeurs. La formation. D’où l’investissement très fort dans la formation des chômeurs. S’ajoutent les limitations de mobilité, trait français, vrai sujet. Sans oublier celui, sensible, des dispositifs d’accompagnement du non-travail qui se rapprochent trop du travail au nom d’une différence de revenu insuffisante. Quand on se dit qu’à 200 euros près je ne vais pas travailler…

Une antenne du Président…

Mais c’est vrai. D’où la prime d’activité mise en place pour instituer un plus gros écart entre travail et non-travail. Il faut travailler sur tous ces points pour que celui ou celle qui se veut salarié·e le soit, que les entreprises en quête de salarié·es puissent les avoir et que ceux et celles qui souhaitent se mettre à leur compte y parviennent sereinement.

N’est-ce pas une vision à 15 ans, 20 ans ?

J’espère avant. Dès lors que l’on aura créé les outils d’accompagnement financier et que la différence entre travail et non-travail sera substantielle. Après tout, j’ai assisté à certaines expériences dans quelques départements où la suspension de RSA avait abouti à un retour à l’emploi du bénéficiaire.

Cinq axes de mesures construisent le plan Indépendants, citons-les : améliorer le statut de l’entreprise individuelle, accentuer la protection sociale des indépendants, faciliter leur reconversion et leur formation, encourager la transmission des entreprises, simplifier leur environnement juridique. Il est difficile à un père de distinguer parmi ses « enfants », mais l’un de ces axes vous semble-t-il essentiel ?

Dans ces cinq axes, des dispositions se révèlent contraires à la culture d’entreprise de ce pays.

Non, j’adopte toute la famille ! Oui, car, en plus, dans ces cinq axes, des dispositions se révèlent contraires à la culture d’entreprise de ce pays. Dans le premier axe où je place les statuts juridiques, intervient de façon automatique, j’insiste sur ce mot, l’ensemble de la protection du patrimoine personnel. Deuxième chose, passer de nom propre à société est aussi simple qu’une lettre à la poste. Troisième axe, l’option pour l’impôt sur les sociétés à laquelle une société en nom propre peut souscrire. La protection sociale met en œuvre une promesse présidentielle d’avant élection, l’assurance chômage des indépendants, l’allocation des travailleurs indépendants. Avec une seule année de revenus à 10 000 euros, si l’indépendant constate que son affaire ne prospère pas, il arrête et, sans liquidation, bénéficie de l’ATI pour aider à son rebond. Ensuite, peu d’indépendants sont assurés contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, 45 000 sur 3 millions. Nous abaissons le coût de l’assurance volontaire de 30 %. Enfin, à propos des conjoint·es, et j’y travaille depuis 1982, il fallait être mariés ou pacsés. Je dis, les concubins pourront bénéficier du statut de conjoint qui acquiert des droits propres pour sa retraite, en cas de maladie, pour sa formation. J’ai tellement connu dans mes précédentes fonctions, des femmes, souvent, de 50, 55 ans, qui travaillaient depuis l’âge de 18 ans. Si leur mari était décédé, ce n’était pas le pire des cas : souvent elles avaient été abandonnées, elles étaient au chômage, sans formation, sans retraite, rien. Doit-on accepter une telle situation en 2021 ? L’égalité homme-femme est l’un des acquis du quinquennat !

Sur la formation, nous créons un crédit d’impôt de 820 euros par an pour chaque indépendant qui, en cas de formation, est privé de chiffre d’affaires, ce qui n’est pas le cas du salarié.

Pour la transmission d’entreprise, le cédant se voit exonéré de toute plus-value de cession jusqu’à 500 000 euros, soit 90 % des cessions. Et jusqu’à une vente d’1 million, ce pourcentage est abaissé. Pour le repreneur, et c’est une grande révolution, l’on institue l’amortissement du fonds de commerce, ce qui signifie une baisse significative les premières années de la fiscalité !

Enfin, sur la partie défaillances, en cas de liquidation judiciaire, les dettes professionnelles ne deviennent pas des dettes personnelles, on l’a mentionné déjà. Et pour l’indépendant, on en passera par une procédure, le rétablissement professionnel, qui voudra que la fermeture s’établisse jusqu’à 15 000 euros d’actifs. Plus simple, plus équitable, plus de protection.

Nos entreprises, nos entrepreneur·ses, semblent avoir du mal à se projeter à l’international…

Je vous rappelle que jusqu’à une date récente, toute entreprise de moins de dix salarié·es n’était jamais prise en considération dans les calculs d’entreprises exportatrices. Comme 95 % des entreprises comptent moins de 20 salarié·es, la plupart de celles qui, par exemple dans les Hauts-de-France, exportent vers la Belgique, n’étaient pas prises en compte. Vous avez pourtant raison, un trop faible nombre d’entreprises travaillent à l’export. On a mis en place avec Bpifrance un accompagnement jusqu’à 5 000 euros pour inciter à participer à des salons. On a demandé aux missions économiques à l’étranger d’accompagner au mieux toutes celles qui veulent exporter. La période n’est certes pas favorable au commerce extérieur.

Vous voilà en quelque sorte un ministre de l’accompagnement des entreprises. De là à parler d’assistance…

Mais quand on crée sa boîte, il faut bien comprendre qu’il faut être accompagné·e, assisté·e. Quand j’ai acheté ma licence de taxi en 1975, j’ai adhéré tout de suite à un groupement d’artisans… Ce qui a grandement facilité mon travail. L’indépendance n’est pas remise en cause par une adhésion à une association professionnelle ! La liberté d’action de l’entrepreneur reste totale. La mutualisation donne plus de force, d’information.

Quand va entrer en vigueur le plan ?

On a trois parties, l’une qui relève de la loi de finances, pas avant le 31 décembre, une partie PLFSS, qui relève donc de la sécurité sociale, à la même date, enfin une partie qui relève du vote du Parlement, que le Premier ministre et le Président ont bien voulu insérer dans le calendrier très restreint avant la fin de la législature. Je suis auditionné au Sénat demain [soit le 5 octobre, ndlr], qui devrait voter ce plan tel quel ou amendé le 25 ou le 26 octobre, et le texte passera devant l’Assemblée nationale au cours de la première quinzaine de janvier. Tout sera applicable, en fonction des votes, à la fin du premier trimestre 2022, sous réserve de l’arbitrage des parlementaires.

Craignez-vous des débats, des réticences, des résistances ?

Je vais le dire à ma façon qui n’est pas très ministérielle… Je ne vois pas comment un groupe pourrait voter contre les indépendants. Ils sont aimés par tous, sur tous les terrains, à droite, à gauche, au centre. Je n’imagine pas un député dans sa circonscription qui afficherait son hostilité à l’encontre des indépendants. Je suis en pleine confiance.

Passer de vos responsabilités syndicales à un ministère a changé vraiment quoi pour vous ?

Je me suis rendu compte que je travaillais vraiment, maintenant ! Ministre, ont fait aboutir les sujets. Avec de la conviction, de l’échange, de l’explication, on arrive à changer les choses. Le plan Indépendants les fait changer en profondeur et pour longtemps.

D’aucuns voient dans ce plan si favorable à 3 millions d’indépendants, commerçants, artisans, professions libérales un cadeau à portée électorale…

Mais si j’avais été nommé en 2017, le plan aurait été lancé en 2018… Il a été bouclé en 14 mois. On a tous bossé dur. C’est un travail considérable.

Que dites-vous à un entrepreneur français, en 2021 ?

Que sous réserve des précautions évoquées, entreprendre, c’est formidable. Entreprenez, vous serez peut-être un jour ministre… [sourire] C’est aussi pouvoir construire sa vie. Tout ce que je sais, je le dois au travail. L’esprit d’entreprise est porteur d’autonomie et de valeurs. Plus de gens entreprennent et plus le pays se développe en une forme d’intelligence collective. Des créateurs aujourd’hui se lancent dans des entreprises sensationnelles qui nous font progresser tous.

Et que dit le ministre des TPE/PME de la transition écologique ?

J’ai été frappé, en visitant le salon Who’s Next [Salon de la mode féminine en Europe, il s’est tenu à Paris du 3 ou 6 septembre, ndlr] de voir que la plupart des créateurs s’étaient fixé l’obligation du développement durable, le recours à des matériaux français. Tous les jeunes créent avec l’idée de la proximité et du durable. Même constat en visitant Vivatech. Si l’on développe désormais des entreprises « propres », on aura tout gagné. Et la France dispose de tous les atouts en ce sens. Quel pays a fait mieux que nous au cours de la crise sanitaire ? Lequel a accompagné les entreprises autant ? Mon ministère est extraordinaire. Mes visites sont autant d’occasions à l’enthousiasme, à la générosité et aux projets.

 

Propos recueillis par Olivier Magnan et Jean-Baptiste Leprince

 

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