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La Suède, modèle de développement durable ? Certes, le pays se montre en pointe dans de nombreux combats, et la volonté de l’ensemble des décideurs de tirer dans le même sens est remarquable. Mais n’oublions pas que c’est le nucléaire qui fournit la moitié de l’énergie dont ont besoin les dix millions de Suédois.
C’est un peu la fameuse scène du poumon du « Malade imaginaire », version écolo. Un modèle en matière de fiscalité verte ? La Suède. Un exemple en termes de bilan carbone ? La Suède. Un précurseur sur les énergies propres ? La Suède. Un Etat en pointe dans la mobilité propre ? La Suède. Un pays au top en ce qui concerne la gestion des déchets ? La Suède.
Mais au-delà des affirmations souvent martelées davantage qu’étayées, le pays de Zlatan mérite-t-il sa réputation de modèle en matière de développement durable ? En grande partie, oui. Les chiffres, d’abord, sont éloquents. Ainsi la Suède est-elle l’un des pays développés émettant le moins de CO2 par habitant au monde : 5,10 tonnes par an estimées en 2011, contre 17,3 tonnes aux Etats-Unis, 9,10 en Allemagne, 7,8 au Royaume-Uni ou encore 5,60 en France, qui fait plutôt figure de bon élève en la matière. Des chiffres à rapporter à l’extrême rudesse du climat suédois, et à la nécessité de chauffer en abondance quasiment toute l’année. Par ailleurs, près de la moitié du bouquet énergétique suédois provient de ressources renouvelables, et la part du pétrole dans ce dernier est passée de 75% en 1970 à 32% en 2012.
Les raisons de ces bons résultats ? L’histoire, tout d’abord. « En Suède, le développement durable représente un axe politique majeur depuis 50 ans, explique Daniel Dray, journaliste à Stockholm, et fondateur des sites lasuededurable.com et lefrancophile.com. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la première déclaration de l’ONU sur le développement durable fut faite à Stockholm, en 1972. » Autre raison importante, le fonctionnement décentralisé du pays. « Les municipalités disposent de moyens importants et de très larges marges d’action, notamment sur les questions liées à l’environnement et au changement climatique, qui leur permettent d’agir efficacement », expliquait en avril 2012 au site expert en développement durable « Novethic » Bo Franck, maire de la ville de Växjö (80 000 âmes), souvent montrée en exemple pour ses chiffres exceptionnels en matière d’émissions de CO2.
Mais ce qui marque surtout en Suède, c’est le partage de la conscience écologique. Politiquement, d’abord, la Suède a émis le souhait d’être totalement indépendante du pétrole à l’horizon 2020. C’était en 2005, soit deux ans avant notre fameux Grenelle de l’Environnement… Au niveau des municipalités, aussi, l’innovation verte n’est pas un vain mot. Les exemples se bousculent. Dès le milieu des années 1990, la ville de Stockholm commence par exemple la construction d’un éco-quartier sur le secteur en reconversion d’Hammarby Sjöstad. La ville de Växjö, encore elle, s’est dotée d’un système unique de chauffage grâce à des résidus forestiers provenant des bois environnants. Des initiatives d’autant plus efficaces que le citoyen suédois se met à l’unisson de ses dirigeants. « Le développement durable fait aujourd’hui partie de la culture des Suédois, avance Daniel Dray. Des gestes comme le tri sélectif sont totalement assimilés depuis très longtemps. Et puis les Suédois, en matière écologique comme ailleurs, sont assez disciplinés : lorsqu’une loi est votée, ils ont plutôt tendance à la considérer d’abord avec bienveillance et à attendre d’en observer les résultats. C’est ainsi que l’écotaxe, qui fait tellement parler en France actuellement, existe là-bas depuis 1991. » Et selon Susanne Akerfeldt, conseillère au ministère suédois des Finances, citée par Novethic, « c’est la taxe carbone, adaptation du principe pollueur-payeur, qui a vraiment permis à la Suède de découpler croissance économique et émissions de C02. C’est grâce à elle que les énergies renouvelables non taxées sont devenues plus compétitives que le fioul. D’où la forte pénétration de la biomasse dans les réseaux de chauffage urbain ». Quant aux entreprises privées, elles ne sont pas en reste. Le constructeur de poids lourds Scania travaille ainsi actuellement main dans la main avec le gouvernement suédois à l’électrification par le sol de certaines autoroutes. L’intérêt ? Permettre la recharge en continu de poids lourds électriques. Autre exemple marquant : la gare de Stockholm. La société Jernhusen, en charge de la gestion immobilière des gares du pays et des immeubles attenants, a ainsi eu l’idée de chauffer ces bâtiments par un transfert de chaleur depuis la gare. Direction les bâtiments jouxtant la gare pour la chaleur émise par les 200 000 voyageurs quotidiens de la gare, direction la gare pour l’air froid des immeubles adjacents. Résultat : un système de chauffage et un système de climatisation totalement efficaces, propres et gratuits !
Pour autant, tout n’est pas totalement rose entre Norvège et Finlande. Gros sujet de débat pour de nombreux écologistes pur sucre : le nucléaire. La Suède a en effet, comme la France, opté pour l’atome dès les années 1950. Ce qui lui permet, au passage, à l’instar de l’Hexagone, d’afficher des émissions de CO2 particulièrement faibles. Pourtant, en 1980, avait été décidée la sortie du nucléaire civil. Mais confrontée à la difficulté de trouver une énergie de substitution, et à une opinion publique favorable à l’atome, la Suède est revenue sur sa décision en 2009. Résultat, aujourd’hui, avec dix réacteurs dans cinq centrales, le pays produit près de 50% de son énergie grâce à l’atome, et 90% si l’on y ajoute l’énergie due à l’hydroélectricité. Quant aux déchets, ils sont pour l’heure entreposés dans un site de stockage transitoire, avant que la structure définitive ne voie le jour, pas avant 2070 vraisemblablement.
Enfin, avec une population de dix millions d’habitants seulement sur une superficie identique à celle de la France, la Suède possède une situation assez exceptionnelle. « A ce titre, elle est davantage un laboratoire qu’un modèle, juge Daniel Dray. Il est ainsi très difficile de généraliser la politique écologique suédoise tant elle est liée au contexte particulier de ce pays. »
Article réalisé par Olivier Faure
Ce qui m’a surtout frappé en Suède c’est le nombre de vélos, par exemple le parking à vélos de l’université à Uppsala est plus grand que celui pour les voitures et il est plein.
Voilà une expérience qui me parait tout à fait imitable, même si on atteint pas les mêmes proportions.
Par contre le potentiel en hydroélectricité me semble atteint depuis longtemps en France avec 11.5% de l’électricité produite dans notre pays.