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Si la crise de la Covid s’est répandue sur toute la planète, elle a entraîné avec elle une belle crise de burn out généralisée, dont aucun pays ne réchappe. Mais tous ne sont pas touchés de la même manière et les réactions sont diverses. Du droit à la déconnexion portugaise jusqu’à la « Karoshi line » japonaise, petit tour du burn out dans le monde.

 

États-Unis

L’« inventeur » du burn out

C’est au pays du fordisme et des premières chaînes de production qu’a été pour la première fois utilisé le terme de burn out. On le raconte page 18 : ça se passe dans les années 1970, à ce moment-là, les travailleurs du secteur des soins définissent un état particulier d’épuisement et de dégoût pour leur travail. En 1974, le psychanalyste Herbert Freudenberger qualifie cette pathologie encore nouvelle de « maladie de l’âme en deuil de son idéal ». Cinquante ans plus tard, le phénomène est plus inquiétant que jamais. Ce sont aujourd’hui près de 40 % des Américain·es qui disent envisager un changement de travail pour cause de burn out. Chaque année, les États-Unis ne comptent pas moins de 120 000 décès liés au stress et au burn out qui engendrant des coûts liés à la santé à plus de 130 milliards de dollars par an ! Vouloir rester la première puissance mondiale adonc un prix – en milliards.

Réaction : face à ce dysfonctionnement de société qui ne cesse de s’aggraver, les entreprises américaines tentent de réagir comme elles le peuvent. Chez Nike, on offre une semaine de vacances en septembre pour reprendre le travail en toute sérénité. Chez Apple ou Amazon, on repousse encore le télétravail. Chez Kickstarter, la plate-forme de financement participatif, on met en place la semaine de quatre jours.

 

PAYS-BAS

L’art de ne rien faire

Aujourd’hui, 60 % des employés néerlandais disent éprouver régulièrement, voire très souvent, un stress certain, directement lié à leur activité professionnelle (en France, ce chiffre n’est que de 49 %, alors même que la moyenne européenne en la matière est établie à 53 %). Considéré au Pays-Bas comme la maladie du travail numéro un, l’épidémie de burn out est prise au sérieux par le ministère du Travail qui a publié des recommandations. D’après une directive, les travailleurs ne devraient pas dépasser les deux heures de travail derrière leur ordinateur, après quoi il leur est conseillé de passer à une activité n’impliquant pas d’écran, ou alors carrément de faire une pause. Un logiciel a même été créé, nommé Nudging : il aide les employé·es à prendre leurs pauses et à quitter leurs satanés écrans.

Réaction : Outre les recommandations du ministère du Travail, le pays a trouvé une autre solution, assez inattendue, pour lutter contre le burn out. Ça s’appelle le niksen, traduit littéralement par « ne rien faire ». À l’image des pauses conseillées, il s’agit là d’un véritable art de vivre à la hollandaise où l’oisiveté décomplexée est mise au service de la productivité.

 

OMS

Le burn out, maladie professionnelle ?

Depuis 2019, année de la onzième révision de la Classification internationale des maladies (ICP-11), l’Organisation mondiale de la santé a reclassé le burn out en phénomène de stress chronique lié au travail. Mais si l’OMS parle de « phénomène », elle ne la qualifie toujours pas de maladie professionnelle. Elle lui reconnaît cependant trois symptômes majeurs : le sentiment de manque d’énergie, d’épuisement, un retrait vis-à-vis du travail, des sentiments négatifs ou cyniques liés au travail et aux collaborateurs, une efficacité professionnelle en diminution. Ces symptômes doivent être simultanés et présents sur une période prolongée.

Réaction : il n’existe encore aujourd’hui pas de définition médicale communément reconnue de syndrome d’épuisement professionnel. L’OMS ou la CIM (Classification internationale des maladies) s’accordent cependant pour dire que le burn out existe bel et bien… sans pour autant le reconnaître comme une maladie. Le burn out serait-il inclassable ?

 

JAPON

Burn out d’État

C’est connu, les Japonais·es ne font jamais rien comme tout le monde. Chez eux, on ne parle donc pas que de burn out, mais de « Karōshi », littéralement « mort par excès de travail ». Reconnu comme maladie professionnelle depuis 1969, le Karōshi englobe aussi bien les accidents de santé liés au surmenage que le suicide. Si le pays est plutôt conscient des ravages du burn out, un secteur en particulier se révèle très touché, celui des fonctionnaires d’État. Pour eux, le code du travail classique ne s’applique pas, sous prétexte du prestige de leur mission. Ils ne sont donc pas concernés par la « Karōshi line », la limite d’heures supplémentaires fixée à 80 heures, à ne pas dépasser chaque mois pour éviter la « mort par excès de travail ». Chez ces fonctionnaires, la moyenne serait plutôt à 100 heures par mois, certains tapant même les 200 voire 300 heures supplémentaires. Il n’est donc pas étonnant de constater que le taux de suicide est deux fois plus élevé chez les fonctionnaires que chez les travailleurs du privé. Résultat, plus personne ne veut devenir fonctionnaire, surtout pas les jeunes, qui fuient le secteur !

Réaction : le nouveau gouvernement japonais installé depuis septembre 2020 devrait faire des efforts pour lutter contre le burn out, notamment en modernisant le fonctionnement archaïque des ministères qui tournent encore au papier et aux fax, et pour qui la visio est quasi interdite.

 

PORTUGAL

Droit à la déconnexion

Les députés du parti socialiste portugais ont voté début novembre une nouvelle règle du Code du travail qui a fait beaucoup de bruit pour lutter contre les phénomènes de burn out. Les patrons des entreprises de plus de dix salariés ont désormais interdiction de contacter leurs employés en dehors de leurs heures de travail, que ce soit par téléphone, par message, en visioconférence ou encore par mail. Si les employeurs ne s’y tiennent pas, des amendes jusqu’à 10 000 euros seront prononcées, au titre d’« infraction administrative grave ». Un véritable droit à la déconnexion. D’autres mesures ont également été prises, comme l’interdiction de suivre à distance l’activité de ses employé·es en télétravail. Les entreprises devront également organiser au moins une fois par mois une réunion en présence afin de lutter contre la solitude engendrée par le télétravail. Enfin, les parents de jeunes enfants ont désormais un droit automatique au télétravail, sans même avoir à en émettre la demande, et ce jusqu’à ce que l’enfant ait atteint l’âge de huit ans.

Réaction : doté d’un statut de « petit paradis », le Portugal attire de très nombreux travailleurs nomades qui viennent parfois fuir une situation de burn out. Avec cette nouvelle loi, le pays met donc tout en œuvre pour brosser cette image et rester un pays attractif.

 

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