La France et ses PME, douce idylle

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Les PME et les TPE, une exception française ? Sans doute pas, tant le modèle des petites et des micro-entreprises a conquis l’ensemble des pays européens et occidentaux. En revanche, une chose est certaine : l’appétence de la France et des Français·es pour ces modèles d’entreprises ne s’est jamais tarie. Et pour cause : les vertus des TPE et PME ne manquent pas : vecteurs d’activité et d’emploi, sources de richesse et d’innovation, et locomotive de l’entrepreneuriat national.

Selon le dernier décompte de l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), datant de décembre 2020, la France compte 3,9 millions de petites et moyennes entreprises marchandes non agricoles et non financières, y compris les micro-entreprises, qui occupent 48 % des effectifs salariés, 36 % du chiffre d’affaires total des entreprises françaises et 99,8 % du nombre total d’entreprises dans le pays. Dans le détail, 3,8 millions sont des micro-entreprises, soit 96,1 % de l’ensemble des entreprises, qui réalisent 20 % de la valeur ajoutée française. Et 148 000 sont donc des PME hors micro-entreprises, soit 3,8 % des sociétés de France, qui réalisent 23 % de la valeur ajoutée. Rappelons au passage que sont considérées comme PME au sens de l’Insee les entreprises qui, d’une part, occupent moins de 250 personnes et, d’autre part, ont un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros et un bilan inférieur à 43 millions d’euros. Les TPE sont, elles, des entreprises de moins de 20 salarié·es. Voilà pour les présentations. Au-delà des chiffres, la tradition française des TPE et PME ne date pas d’hier, mais plutôt d’avant-hier. Dès les années 1970, la crise industrielle couplée aux chocs pétroliers et à la montée exponentielle du secteur des services (secteur tertiaire), favorisent l’émergence progressive d’entreprise de petite taille. Un contexte qui permettra, au fil des années 1980, le développement pérenne du tissu de PME. Jusqu’à devenir un impératif de compétitivité internationale, pour dépasser le vieux modèle fordiste de la grande entreprise managériale. Depuis, en plus de trente ans de consolidation du modèle des PME, celles-ci sont devenu un véritable moteur indispensable pour l’économie tricolore. Et, aujourd’hui, des modèles de transition numérique et écologique. Le baromètre France Num 2021, réalisé par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) révèle notamment que 66 % des TPE et PME ont un site internet présentant leur activité, soit un bond de 29 points depuis le début de la crise. De la même façon, François Asselin, président de la Cpme, affirme : « On l’oublie souvent, mais derrière de grands groupes technologiques il y a souvent des entreprises de petites tailles qui sont des pépites dans la transition écologique. »

Poids lourds de l’économie

On l’aura compris, les TPE et PME ne se contentent pas de réunir l’immense majorité des entreprises et une part considérable de l’emploi salarié en France. Selon le dernier rapport PME de Bpifrance, les PME emploient au total 13 millions de salarié·es (48 % des effectifs totaux), avec en moyenne 26 salarié·es par société, et mobilisent 3 812 milliards d’euros de capital productif (43 % de la valeur ajoutée totale et 26 % du capital productif). En revanche, sans grande surprise, le niveau de valeur ajouté par salarié·e est moindre au sein des PME hors micro-entreprises, en comparaison avec celui au sein des ETI et des GE, respectivement 1,3 et 1,5 fois plus élevé. En conséquence, le salaire annuel brut moyen est supérieur de 14 % pour les ETI et de 18 % pour les GE à celui versé par les PME.

Cela étant dit, les PME jouent surtout et avant tout un grand rôle de stimulation de l’innovation dans les entreprises et de garantes de la cohésion territoriale. Selon l’OCDE, leur contribution à la croissance de l’innovation est ainsi en progrès constant ces dernières années. Et pour cause, les récentes mutations technologiques et la segmentation de la demande sur les marchés ont permis aux PME de combler certaines de leurs difficultés structurelles, à commencer par leurs faibles ressources et leur capacité limitée à créer des économies d’échelles. Du modèle même des petites entreprises né une plus grande agilité que les grands groupes, qui facilite l’exploitation et l’expérimentation de nouveaux outils technologiques ou commerciaux.

Et les Français·es semblent convaincu·es : selon un sondage Opinion Way, l’opinion favorable est de 92 % envers les TPE et de 90 % envers les PME. Aussi, les Français·es considéreraient les PME comme le « moteur de l’économie française ». Et les entreprises qui contribueraient le plus à la reprise économique pour 60 % des répondant·es, contre 18 % pour les TPE et 19 % pour les grandes entreprises. Autre témoin du rôle prépondérant des petites entreprises : selon Bpifrance, le redressement de l’activité française depuis l’allégement des restrictions sanitaire doit beaucoup aux PME, dont 46 % devraient retrouver leur niveau d’activité d’avant crise d’ici à la fin de l’année (60 % pour les ETI).

Des atouts à soutenir

Pour accompagner activement son tissu de PME, hautement stratégique pour la bonne santé de l’économie tricolore, l’État aligne une politique favorable pour créer les conditions propice à leur développement. Et donc à l’emploi. Le tout pour répondre à une série d’objectifs : soutenir les entreprise innovantes ou à fort potentiel de croissance, favoriser le dynamisme des PME et soutenir les chef·fes d’entreprise ou encore améliorer le financement des PME en développement leur capital risque. La meilleure illustration de cet engagement pour les petites entreprises : près de 40 milliards d’euros du plan France relance leurs sont consacrés de manière directe ou indirecte. « Depuis le premier jour de la crise, nous avons fait le choix de protéger nos TPE et PME. Nous continuerons de les accompagner aussi longtemps que la crise durera. Ils sont notre principale richesse », signent Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, et Alain Griset, dans le compte rendu des dispositifs à destination des PME et TPE publié par le gouvernement.

Parmi les aides décidées par le plan, outre les bien connus fonds de solidarité et prêts garantis par l’État, le fonds France Relance État-Régions vise notamment à aider les PME à renforcer leurs fonds propres, pour résister à la déferlante de la crise et préparer la relance. Aussi, le plan propose aux TPE et PME de bénéficier d’un diagnostic individuel gratuit sur la maturité écologique de leur société, par une Chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) ou une Chambre de commerce et d’industrie (CCI). En outre, PME et TPE bénéficient également de 70 % des plus de 500 millions d’euros engagés en 2020 au titre de l’allègement des impôts de production et des aides à l’industrie. Sans oublier le plan « clique mon commerce », qui ambitionne d’opérer la transformation numérique d’1 million de TPE d’ici à la fin du quinquennat. Au-delà du seul plan de relance, la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) a fixé le seuil de passation de marchés publics en procédure simplifiées pour les travaux jusqu’à 100 000 euros. Et prévoit surtout que 10 % des marchés globaux soient réservés aux PME.

La culture des PME au-delà des frontières

Tout comme François Mitterrand n’avait pas, selon Valéry Giscard d’Estaing, le monopole du cœur en 1974, la France n’a pas plus le monopole du modèle des PME en 2021. Nous l’évoquions, le modèle de l’économie fragmentée et des petites entreprises est partagé par l’ensemble des pays dits « développés ». Mieux, les PME constituent la colonne vertébrale de l’économie de l’Union européenne, et représentent 99 % des entreprises du continent. Un rapport communautaire de 2019 précise en outre que le continent doit aux PME 85 % des nouveaux postes créés au cours des cinq dernières années.

Si l’on s’en tient à l’habituelle comparaison franco-allemande, on remarque qu’en France les PME sont majoritairement de petite taille et généralement focalisée sur le marché local. Ajoutons que huit PME françaises sur dix appartiennent à des familles depuis plusieurs générations. De l’autre côté du Rhin, on retrouve des PME qui se caractérise plus par leur taille moyenne et leur ouverture à la mondialisation et à l’export. De simples tendances tout de même révélatrices. Après tout, une PME de 30 salarié·es et une PME de 200 salarié·es appartiennent à la même catégorie d’entreprise. Au total, l’Allemagne compte 3,6 millions de PME qui, en 2017, ont employé 31,3 millions de personnes ! Un record. Toutefois, l’Allemagne n’intègre pas le top 10 des pays européens où les PME sont les plus dynamiques, sur la base d’une étude de la Bourse de Londres (London Stock Exchange) de 2017 sur les 1 000 PME européennes les plus performantes. Et pour cause, la France ne se classe que 22e, avec ses 150 PME les plus dynamiques qui réalisent 45 millions d’euros de chiffre d’affaires moyen et ont une croissance annuelle de 36 %. Le classement des pays où le taux de croissance des PME sélectionnées dépasse 50 % peut surprendre : l’Autriche arrive en tête, suivie de la Slovaquie et de la République Tchèque. Viennent ensuite l’Italie, la Roumanie, la Bulgarie, la Pologne, l’Espagne, la Suède et le Royaume-Uni. Autrement dit, les PME ont le vent dans le dos un peu partout en Europe. Comme en France, ce modèle d’entreprise a conquis les grandes économies modernes. En quantité comme en qualité : deux tiers des emplois dans le secteur privé européen appartiennent aux PME, lesquelles contribuent pour plus de moitié à la valeur ajoutée créée par l’ensemble des entreprises de l’UE.

Adam Belghiti Alaoui

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