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Pour soutenir l’emploi local, les entreprises sont invitées à ne pas abuser de la main-d’œuvre étrangère.
Décidément, le travailleur détaché n’en finit plus de faire parler de lui et de s’immiscer dans les controverses et débats européens. Petit rappel sémantique et juridique, le statut de travailleur détaché est défini par la directive européenne du 16 décembre 1996. Il autorise l’envoi d’un salarié par son employeur dans un autre État membre de l’UE, en vue d’y fournir un service à titre temporaire. Une directive européenne depuis longtemps décriée, d’aucuns y voient une concurrence déloyale pour les salariés locaux (le travailleur est soumis à la réglementation du pays d’accueil en termes de droits sociaux et de conditions de travail, mais continue de payer ses cotisations dans son pays d’origine). Et les fraudes ne sont pas rares, parmi la foule de travailleurs européens en circulation permanente entre les pays membres. À l’heure de la crise sanitaire et à l’aube d’une récession économique inédite, Emmanuel Macron a tranché, il faudra moins de travailleurs détachés pour sauver l’emploi.
Chasse aux fraudeurs
Le 24 juin, le Président de la République recevait les partenaires sociaux pour leur dévoiler les premiers arbitrages du gouvernement en faveur de l’emploi. Déjà, la question du renforcement du contrôle des travailleurs détachés était évoquée. L’exécutif a choisi la populaire préférence nationale en matière d’emploi : réguler et réduire le recours au travail détaché, et adresser un message aux entreprises qui entendaient abuser de cette solution à l’occasion de la relance de leur activité. Il s’agit notamment de s’assurer que les employeurs n’y auront recours qu’en dernier ressort, s’ils ne trouvent pas une main d’œuvre locale disponible. En 2018, plus de 250 000 travailleurs détachés ont été déployés en France, certains à plusieurs reprises. Dès juillet 2019, le gouvernement dévoilait son plan de lutte contre le travail illégal pour 2019-2021, prévoyant 24 000 contrôles annuels par l’inspection du travail en matière de fraudes aux détachements.
Malgré tout, les organisations patronales ont pu se rassurer avec les dernières nouvelles, intensification des contrôles ne rimera pas avec interdiction : pas question de bloquer le recours à la main d’œuvre européenne en cas de recours au chômage partiel. Le ministère du Travail annonce en outre que trois secteurs sont particulièrement visés par la démarche, l’agriculture, le BTP et l’industrie. L’exécutif demeure ferme dans sa traque aux fraudeurs, et inspection du travail, Urssaf et mutualité agricole sont appelées à travailler de concert. Les « punitions » sont, elles aussi, revues à la hausse. Les fraudeurs multirécidivistes ne pourront plus envoyer de salarié.es en France et des fermetures de chantiers immédiates pourront être prononcées par les inspecteurs.
On ne peut plus européenne, la question du travail détaché est au cœur des débats à Bruxelles. Et la France répond à l’appel lancé par Nicolas Schmit, commissaire européen à l’emploi et aux droits sociaux : « Nous appelons les États membres à développer et à renforcer les contrôles car ce qu’il se passe n’est conforme ni au droit social européen ni aux lois nationales du travail. » Reste à savoir si l’Allemagne, qui prend la présidence de l’Union cette année, sera favorable à la démarche.
Adam Belghiti Alaoui