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Comment convaincre les collaborateur·rices d’entamer un retour au bureau ? Pierre-Alexandre Pillet, cofondateur de Sowen, nous répond.

Un an et demi que la pandémie Sars-Cov-2 pique sa crise. Autant de temps que les entreprises travaillent autrement. On le sait, le télétravail sort grand gagnant de cet épisode puisqu’il perdurera y compris l’orage fini. À coups d’un, deux ou trois jours par semaine. Peut-être plus. En parallèle, les collaborateur·rices recourent aussi aux espaces de coworking, aux cafés et hôtels pour assurer leur activité. Reviendront-ils·elles au bureau ? tout dépend des bureaux qu’on leur propose… Entretien avec Pierre-Alexandre Pillet, qui a cofondé – avec son épouse Géraldine Pillet – Sowen en 2017. Une société spécialisée dans la conception et l’aménagement de bureaux.
Le télétravail a plutôt bien fonctionné, pourquoi vouloir convaincre les collaborateur·rices de revenir au bureau ?
Les gens se sont habitués au télétravail. Et pour les entreprises, cela a plutôt bien fonctionné : on n’a pas vu des entreprises s’écrouler en raison du télétravail ! Bien au contraire, il a servi à maintenir l’activité. D’ailleurs pour certains postes, ils pourraient a priori être assurés intégralement à distance. La technologie aussi a rendu possible ce travail en dehors du bureau traditionnel. Imaginez un confinement 15 ans plus tôt… pas sûr que le télétravail se soit imposé ! Mais aujourd’hui oui, on comprend qu’un grand nombre de collaborateur·rices n’ont pas forcément envie de revenir au bureau.
Cependant, il faut aussi penser long terme. Et se mettre à la place des chef·fes d’entreprise qui peuvent craindre un risque de désengagement des collaborateur·rices. Lesquel·les peuvent se confronter, à distance, à une perte de sens par rapport à ce qu’ils·elles font au quotidien pour leur entreprise. On perd cette adhésion à une image d’entreprise, sous-entendu : « Je travaille pour celle-ci mais ce pourrait être une autre ! » Donc oui, le tout à distance, à court terme, peut s’envisager. Surtout d’un point de vue technique, pour le reste…
Pour les entreprises qui veulent convaincre d’un retour au bureau de leurs collaborateur·rices, comment s’y prendre ?
Aux chef·fes d’entreprise, surtout n’imposez quoi que ce soit ! Avant de convaincre, essentiel de se mettre à la place des collaborateur·rices. Pourquoi ont-ils·elles envie d’être au bureau ? Qu’est-ce qu’ils·elles cherchent ? On a beaucoup parlé du télétravail pendant cette pandémie, mais de quoi se plaignent les gens qui travaillent à distance ? du manque de lien social avec leurs collègues, ce besoin viscéral d’échanger au travail a fait du mal à des télétravailleur·ses, parfois seul·es. C’est pourquoi chez Sowen nous parlons de « créateurs de lieux de vie », le siège d’une entreprise, c’est avant tout un lieu de vie et d’échanges, pas seulement un lieu de labeur !
De là, les bureaux doivent être conçus de façon à favoriser cette vie d’entreprise. Ce qui ne veut pas forcément dire open space. Qui est devenu un gros mot aujourd’hui, les gens en ont peur – en raison notamment du bruit et ce côté impersonnel. Non, je pense à des bureaux ouverts, mais avec des distances qui s’instaurent, un traitement acoustique pour gérer le son. Les collaborateur·rices doivent se sentir bien au bureau. Bien entendu, certaines pièces doivent être pensées plus confidentielles, car relatives à des métiers spécifiques – comme les directions de ressources humaines ou financière. Enfin, je crois beaucoup aux salles de réunions privées, le présentiel stimule davantage la créativité que les visioconférences, plus formelles.
Un aménagement judicieux de ses bureaux favorise-t-il la productivité d’une entreprise ? Autrement dit, est-il superficiel ou stratégique ?
Ce sera considéré comme superficiel si on n’est pas convaincu. Si on n’y croit pas, inutile de se lancer dans le réaménagement de ses bureaux. Si le management y croît, les collaborateur·rices vont aussi le voir, s’ils·elles se sentent bien au bureau, ils·elles feront leur retour au bureau, c’est logique. Vous savez, avant les entreprises qui venaient nous voir (Sowen, ndlr), avaient en tête un déménagement puisque leurs locaux étaient devenus trop grands ou trop petits. La donne a changé. Maintenant, près de 50 % des demandes que l’on reçoit : les entreprises veulent réaménager leurs bureaux ! On assiste à une prise de conscience de l’intérêt à proposer aux collaborateur·rices non plus seulement un lieu de travail… mais un lieu de vie.
Propos recueillis par Geoffrey Wetzel