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A priori la dernière grande réforme du quinquennat… une des plus controversées !
En plus de la réforme elle-même, c’est le timing qui risque de faire couler de l’encre. Mardi 2 mars, la ministre du Travail Élisabeth Borne a présenté aux partenaires sociaux le contenu de la réforme de l’assurance-chômage, qui devrait entrer en vigueur le 1er juillet 2021. Une réforme – particulièrement – controversée qui n’a pas manqué de soulever pléthore de critiques… d’autant plus dans un contexte sanitaire et économique instable. La réforme contient quatre points de rupture, nécessaires pour la ministre du Travail qui compte absolument lutter contre le recours excessif aux contrats courts. Explications.
Sans doute le dernier grand chamboulement du quinquennat. Mais pas des moindres : la réforme de l’assurance-chômage. Amorcée en 2019, la réforme avait pris du retard en raison de fléau Sars-CoV-2, mais désormais pour Élisabeth Borne, il faut agir en vue « d’apporter plus d’équité dans le mode de calcul des allocations chômages », s’est-elle livrée dans les colonnes du Parisien. Parmi les grands changements : le durcissement de l’ouverture des droits et de leur rechargement qui passe ainsi de quatre à six mois de travail sur les vingt-quatre derniers mois. Cette mesure entrera en vigueur, elle, à compter du 1er octobre – au plus tôt. Et dépendra de deux paramètres pour s’établir : il faudra qu’il y ait à la fois une baisse du nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A de 130 000 sur six mois et 2,7 millions d’embauches de plus d’un mois sur quatre mois.
Dégressivité de l’allocation pour les hauts revenus et bonus-malus sur les contrats courts
Hormis le durcissement de l’ouverture des droits au chômage, la réforme prévoit aussi de s’attaquer à la multiplicité des contrats courts. Et pour ce faire, un bonus-malus sera adressé aux entreprises en fonction de leurs chiffres en termes de recours – excessif ou non – aux contrats courts. Sept secteurs se trouvent principalement visés, habituellement très gourmands en CDD, comme l’agroalimentaire, l’hébergement-restauration ou les transports. Ce point de la réforme sera effectif dès l’été 2022. À noter aussi la dégressivité de l’allocation pour les hauts revenus, soit plus de 4 500 euros brut mensuels : elle interviendra au huitième mois à partir du 1er juillet, voire septième – ce qui avait été évoqué lors du projet initial – si la situation sur le marché du travail s’améliore (en fonction des deux critères cités précédemment).
Last but… la réforme présentée par Élisabeth Borne contient aussi une modification quant au mode de calcul du « salaire journalier de référence » (SJR). Pour rappel, celui-ci sert de base pour calculer le montant de l’allocation. Résultat, l’Unédic chiffre à plus de 800 000 (presque 40 % des allocataires) le nombre de personnes qui verront leur indemnisation baisser… un constat partagé par le ministère du Travail lui-même. Un repli qui s’élèverait – pour ces perdant·es de la réforme – à environ 20 % en moyenne. Cette partie de la réforme prendra effet dès l’été. Non sans levée de boucliers…
Une forte opposition
« À ceux qui souffrent déjà aujourd’hui, à ceux qui risquent de perdre leur emploi demain, vous leur annoncez une réduction de leurs indemnités », lance Jean-Michel Clément, député de la Vienne et ex-LREM, « la réforme de l’assurance-chômage va avoir un impact humain et social absolument considérable. Avec la grave crise économique que nous vivons, il n’est pas compréhensible que la ministre remette ce dossier sur la table », estime, de son côté, Boris Vallaud , député PS, « à l’évidence, l’obstination pour faire cette réforme l’emporte sur la raison », surenchérit Yves Veyrier, secrétaire général de Force ouvrière. Et la liste s’allonge…. Une réforme controversée donc, en raison notamment du timing, clairement remis en cause ! Dans ce sens, même Antoine Foucher, qui a été le grand artisan de la réforme de 2019 lorsqu’il était le directeur de cabinet de Muriel Pénicaud, paraît hésitant : « Cela s’apparente à un coup de dé, car personne ne sait à quoi ressemblera le marché du travail après l’épidémie de covid-19 », déclarait-il au Monde.
Yves Veyrier, par exemple, souligne le paradoxe de cette réforme : pour les entreprises qui abusent de contrats courts, elles ne seront taxées qu’à l’été 2022 pendant que les allocataires verront leurs indemnités baisser dès cet été… En outre, sur le bonus-malus aux entreprises, une élection présidentielle sera passée par là entre-temps, une mesure encore loin – mais alors très loin – d’être effective. Face aux critiques, la ministre du Travail semble faire la sourde oreille : « Le gouvernement n’a de leçons à recevoir de personne sur la protection des plus fragiles ». Clair, net et précis. GW