Levées de fonds : « Un véritable chemin de croix pour les femmes », regrette Julie Boucon, cofondatrice d’Holy Owly

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Julie Boucon

Julie Boucon est cofondatrice d’Holy Owly et témoigne des difficultés rencontrées par les femmes lors des levées de fonds.

On le sait, femmes et hommes ne se retrouvent pas logé·es à la même enseigne sur le marché du travail. Plus souvent concernées par les jobs à temps partiel, moins bien rémunérées, les femmes peinent aussi à mener à bien leurs levées de fonds. Encore trop sujettes à des stéréotypes, les cheffes d’entreprise doivent en faire plus que les autres – comprenez les entrepreneurs hommes – pour défendre leur projet. Avec le témoignage de Julie Boucon, cofondatrice d’Holy Owly, une application spécialisée dans l’apprentissage de l’anglais pour les enfants.

« Depuis 2008, les start-up dirigées uniquement par des femmes ne représentent que 2 % du montant total des investissements », lance Julie Boucon. Laquelle reprend en effet une étude menée par le collectif Sista en 2019. On pourrait y ajouter d’autres chiffres, par exemple : les start-up fondées par des femmes alignent en moyenne 30 % de chances en moins d’être financées par les principaux fonds de capital-risque. Bref, on comprend bien l’inégalité de traitement.

« Qui s’occupe des enfants ? »
L’expérience d’une levée de fonds a suffi à Julie Boucon – et sa sœur Stéphanie – pour se rendre compte que les clichés de genre dans le monde de l’entrepreneuriat avaient – hélas – un avenir certain. Les deux entrepreneuses, issues de grands groupes, n’avaient jusqu’ici jamais eu affaire à des « sentiments de discrimination ». Alors quand elle commence sa levée de fonds, « un véritable chemin de croix », la patronne d’Holy Owly enchaîne les mauvaises surprises. Les questions annexes – voire privées – en font partie. « Qui s’occupe des enfants ? Que font leurs maris dans la vie ? Et pourquoi n’ont-ils pas investi dans le projet ? ». Ce n’est pas tant le projet en lui-même qui tracassait les potentiels investisseurs, mais plutôt les à-côtés. Des questions formulées à la troisième personne puisque les entrepreneuses ne sont pas présentes lors des comités d’investissement.

C’eût été – sans doute – un signe de confiance si les maris avaient investi dans la jeune pousse. Fort regrettable. La confiance dans un projet vient aussi de l’idée que les hommes entrepreneurs ont tendance à surestimer et gonfler certains chiffres dans leur business plan alors que « les femmes, elles, sont plus mesurées, avance Julie Boucon. Je crois que les femmes ont tout intérêt à devenir plus ambitieuses », défend la cheffe d’entreprise. Il reste un travail à mener dans les deux sens.

 Se résoudre aux quotas ?
« C’est déjà compliqué de lever des fonds pour les start-up, alors quand elles sont dirigées par des femmes… », regrette Julie Boucon. Et plus globalement, trop de femmes hésitent à se lancer dans l’entrepreneuriat. Jamais simple puisqu’elles combinent souvent la double casquette : entrepreneuse et mère de famille ! Mais « j’ose espérer que les nouvelles générations  trouveront plus d’équilibre au sein des couples pour alléger la charge mentale des femmes », augure la cofondatrice d’Holy Owly, une manière d’instaurer un environnement propice à l’entrepreneuriat féminin.

En pratique, même si elle regrette d’en arriver là, Julie Boucon plaide pour des « quotas au sein des comités d’investissement » pour pousser à la parité. Dans un souci d’équilibrer les décisions, « une femme n’aurait pas posé les mêmes questions », l’entrepreneuse en est convaincue. « Il faudrait aussi que les fonds d’investissement s’obligent à étudier beaucoup plus de dossiers féminins », poursuit Julie Boucon, qui prépare un road show pour Holy Owly au mois d’octobre. Le collectif Sista tente de faire bouger les choses et a adressé une charte de bonnes pratiques aux fonds d’investissements. Résultat, Bpifrance, Beega, Elaia ou encore Daphni se sont engagés à mettre en place un financement plus inclusif – avec pour objectif la moitié des start-up financées et fondées ou cofondées par des femmes à horizon 2050.

Geoffrey Wetzel

 

Journaliste-Chef de service rédactionnel. Formé en Sorbonne – soit la preuve vivante qu'il ne faut pas « nécessairement » passer par une école de journalisme pour exercer le métier ! Journaliste économique (entreprises, macroéconomie, management, franchise...). Friand de football et politiquement égaré.

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