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L’égalité femmes-hommes ne devrait plus être un combat. Problème, l’entrepreneuriat au féminin fait toujours débat et représente encore une minorité. Le marketing phygital détient peut-être certaines clés pour prendre le chemin d’un entrepreneuriat français enfin complet et audacieux.
Dans une tribune publiée par Maddyness, Marie-Hélène Duchemin, docteure en sciences de gestion et directrice académique de la spécialisation entrepreneuriat digital à l’EM Normandie fournit ses propositions pour tendre vers une égalité femmes-hommes dans l’entrepreneuriat. Car le constat reste inévitable : l’enjeu demeure sensible et en débat. Entre discrimination positive d’un côté et féminisme radical de l’autre, quel équilibre sera le bon ?
L’auteure de la tribune pose le décor d’emblée et rappelle une information donnée par l’Insee en mars : « Les femmes représentent la moitié des actifs mais seulement trois créateurs d’entreprises sur dix. » Tout le problème est là. Et un tel écart devrait préoccuper et interroger tout un chacun. La féminisation de l’entrepreneuriat, qui doit réparer de grossières inégalités héritées d’une société patriarcale que l’on voudrait bien enfin laisser derrière nous, est jusqu’à présent un échec en France. En dépit de toutes les belles volontés affichées ou entendues ici et là. Les Françaises sont toujours plus à entreprendre, certes, mais sont souvent cantonnées à des affaires de petite taille et à moins de possibilités de croissance. Le pourquoi, bien qu’absurde au possible, est connu depuis longtemps. La vraie question que pose Mme Duchemin est celle du comment. Comment faire progresser l’entrepreneuriat français vers ce qu’il devrait être et sortir de l’opposition qui est trop souvent établie entre femmes et hommes ? Et quelles mesures de bon sens adopter ? Marie-Hélène Duchemin en propose 10. Et si on disait qu’on l’écoutait ?
ABA
Dix propositions inspirées du marketing phygital et issues de travaux de recherche sont présentées pour un entrepreneuriat français audacieux :
1. Réorganiser et retravailler l’écosystème entrepreneurial grâce au numérique sur les territoires pour plus de lisibilité — Les dispositifs dédiés à la femme qui entreprend sont trop nombreux et, en silo, ils poursuivent leur développement. Les processus sont opaques, les spécificités des dispositifs sont floues, l’individualisme empêchant toute stratégie globale et vue d’ensemble. Attention au manque de clarté du maillage qui met en péril l’orientation de la femme ou de l’homme qui porte un projet. La solution : un travail main dans la main dans les régions pour une seule voix.
2. Instaurer davantage de mixité pour enrayer un clivage femmes/hommes dans l’entrepreneuriat au risque de renforcer les représentations de genre — Invitons et initions celles et ceux qui en ont besoin à rejoindre plus facilement les réseaux d’affaires. Maintenons un accompagnement sexo-spécifique (exclusivement en groupe de femmes) utilisant l’entre-soi pour lever les freins lors de l’émergence du projet si le besoin s’en fait ressentir mais favorisons la mixité dès la phase technique. En ces périodes de confinement et de couvre-feu : webinar, podcast, chaîne Youtube se font coachs personnalisés.
3. Créer un guichet unique — Mettre en place une plate-forme à l’échelle nationale permettrait de détecter les besoins du porteur, femme comme homme, à partir d’un formulaire orientant ensuite la créatrice comme le créateur vers l’accompagnement qui lui convient (individuel, collectif, tutorat, mentorat, psychologique, technique…). L’intelligence artificielle devient la réponse pour orienter vers le parcours adapté.
4. Former les accompagnateurs — Trop souvent les conseillers sont salariés et n’ont jamais créé d’entreprise. Les questions de l’efficacité et de la performance des dispositifs se posent alors. Celle de la légitimité et de la crédibilité, aux yeux de celle ou celui qui crée tout autant ! Former les accompagnateurs et renforcer les équipes par des entrepreneurs accomplis semble essentiel. Zoom, Discorde, Teams, utilisons ces outils pour la formation continue des accompagnateurs.
5. Simplifier et alléger — créer son entreprise en France est chose facile sur le papier mais les étapes et les barrières sont nombreuses : statut juridique, formalités fiscales, enregistrement, statut du chef d’entreprise, sécurité sociale, accès au financement, financements privés sont autant de difficultés rencontrées qui freinent l’élan entrepreneurial. Nos institutions doivent simplifier les formalités et le système, ne serait-ce que pour la protection du chef d’entreprise lui-même, tout en allégeant les démarches. Dématérialisons l’ensemble du process.
6. Médiatiser — Entreprendre en France ne doit pas être tabou. Se cacher, ne pas oser entreprendre par peur de la pression sociale ou d’être confronté au clivage patronat/salariat… tout autant d’entraves aux vocations. Entreprendre nécessite de l’engagement, de la prise de risques et le parcours de l’entrepreneur est fait de victoires mais aussi de défaites. Invitons femmes et hommes, quel que soit leur profil, à témoigner ouvertement au plus grand nombre pour donner envie, qu’ils·elles soient ambassadeurs de l’entrepreneuriat français pour « marrainer »/« parrainer » nos entrepreneurs de demain. L’exemple de Face Normandie et de l’ouverture en phygital de la seconde édition de Wifilles.
7. Désinhiber et inspirer l’entrepreneuriat dès le plus jeune âge — En intégrant à l’école primaire des dispositifs entrepreneuriaux, qu’ils soient associatifs ou d’affaires, il est essentiel d’insuffler l’esprit d’entreprise à nos« têtes blondes » pour un entrepreneuriat français décomplexé. Mettons en place un système d’heures pro bono pour chaque entrepreneur ouvrant à déduction fiscale. Webinar et vidéos : des solutions simples, gratuites et pratiques pour témoigner.
8. Former les enseignants — Intégrons l’entrepreneuriat en invitant les chefs d’entreprises dans les écoles, collèges, lycées, universités et en permettant aux enseignants de découvrir le milieu des entreprises (stages et formations). Table ronde et « vis ma vie » en distanciel comme en présentiel pour un temps découverte et co- apprentissage.
9. Digitaliser (Numériser) — En développant pour l’enseignement, et ce dès le primaire, des modules pédagogiques : gamification, réalité virtuelle, simulation contribuant à davantage de réflexion, créativité et ouverture du champ des possibles pour nos écoliers, collégiens, lycéens, étudiants et leurs enseignants.
10. Accélérer les actions institutionnelles — Avec un cadre législatif plus contraignant mais incitateur par la mise en place d’un small business acté (mise en relation, annuaires, accès aux appels d’offres publics…) et en sensibilisant aux représentations sociétales les chefs d’entreprises et les salariés.
Entreprendre devrait se conjuguer au masculin comme au féminin avec tout le naturel possible pour parvenir en France, à une égalité femme/homme et faire que demain il n’y ait plus un entrepreneuriat féminin et un entrepreneuriat masculin mais une seule voix celle de l’entrepreneuriat français.
Marie-Hélène Duchemin, docteure en sciences de gestion, directrice Académique de la spécialisation Entrepreneuriat Digital, EM Normandie