Temps de lecture estimé : 4 minutes
Temps de lecture constaté 3’30
Recourir à des alternants : la fausse bonne idée des start-up ?
Pour les jeunes entreprises, l’embauche à moindre coût de jeunes étudiant·es en alternance ou en stage est une stratégie de choix. Souci, si l’opportunité est bien réelle et bénéfique pour beaucoup de jeunes en formation, ce pari systématique n’est pas toujours payant. Dans une tribune pour Maddyness, Evan Pereira, executive manager market access chez IncubAlliance, affirme que l’embauche d’alternant·es peut rapidement relever de la fausse bonne idée.
Le recours à des stagiaires et à des alternant·es est un usage très courant et, a priori, avantageux pour les entreprises. Et pour cause : des travailleurs qualifiés, dans leurs dernières années d’études pour la plupart, et surtout peu coûteux, l’usage a de quoi séduire les entreprises en général et les start-up en particulier. D’autant plus dans le contexte actuel, qui voit l’exécutif soutenir les entreprises pour l’embauche des jeunes. Dans la dynamique du plan France Relance, le plan de relance de l’apprentissage propose des aides aux entreprises pour l’embauche d’un·e apprenti·e. Sans oublier le plan 1 jeune 1 solution », qui offre également des aides pour l’embauche d’étudiant·es et de jeunes salarié·es. Recruter de jeunes éléments pour compléter leur formation et leur déléguer une partie des missions du quotidien d’une start-up, tout le monde paraît gagnant. Mais, car il y a un mais, le bât blesse lorsque l’employeur attend trop de la part de ses stagiaires. « Un·e stagiaire n’est pas un·e expert·e », rappelle Evan Pereira. Il est bon de le rappeler, mais un·e alternant·e reste un·e étudiant·e en cours de formation qui sollicite une expérience en entreprises pour consolider et/ou acquérir ses compétences professionnelles. Leur confier trop de responsabilités ou leur faire subir trop de pression d’emblée, autant d’erreurs que des start-up sont susceptibles de commettre, elles-mêmes peu expérimentées. Le rôle de l’employeur qui fait appel à un·e alternant·e passe avant tout par la formation de cet·te apprenti·e. Et l’installation d’un cadre professionnel propice à l’épanouissement et à l’efficacité de l’étudiant·e. Car il ne faut pas l’oublier, certes l’alternant·e n’est pas un·e expert·e et est là pour apprendre, mais il·elle est aussi et surtout là pour travailler et se confronter aux réalités du monde professionnel ! ABA
TRIBUNE
Grâce au plan de relance de l’apprentissage permettant aux entreprises de bénéficier d’une aide pouvant aller jusqu’à 8000 euros lors de l’embauche d’un apprenti jusqu’au niveau licence et ce pour tout contrat d’apprentissage ou de professionnalisation signé avant le 31 décembre 2021, les startups auraient tort de ne pas envisager avec sérieux cette option dans leur stratégie de recrutement. Surtout lorsque l’on se lance tout juste et que tout reste à faire ! Des moyens financiers limités, un portefeuille clients des plus limités (si ce n’est inexistant !) et un projet restant à dérisquer. Financer des profils expérimentés devient alors un parcours du combattant. Rien d’étonnant donc à ce que les porteurs de projet de startups plébiscitent largement ce dispositif afin de déléguer une partie des missions du quotidien.
Oui mais… Si une startup a besoin de ressources, elle a aussi et surtout besoin d’un cap qu’il est essentiel d’avoir clairement défini avant d’embarquer qui que ce soit dans l’aventure. Or c’est là souvent que le bât blesse, lorsque, faute de temps, le créateur de startup attend de ses stagiaires, non pas qu’ils l’assistent, mais qu’ils le remplacent sur des fonctions stratégiques.
Un stagiaire n’est pas un expert
Aussi talentueux et dynamiques qu’ils soient, les alternants n’en demeurent pas moins des étudiants qui s’engagent aussi et surtout dans ces filières de l’apprentissage pour consolider leurs compétences et/ou acquérir une qualification professionnelle. Jeunes le plus souvent, ils ne disposent encore ni de l’expérience ni du réseau qu’on pourrait attendre d’un candidat plus qualifié recruté par d’autres voies et grâce à des moyens plus importants. Impossible donc de leur confier certaines missions, notamment celles en lien avec le commerce et la relation client, comme le font trop souvent les startuppers issus du monde de la recherche ou de la Tech pour qui le marché reste une terre méconnue voire inconnue.
S’étant eux-mêmes assez peu frottés aux difficultés du marché et de la relation clients, ils ne mesurent pas forcément bien l’expertise nécessaire pour porter les premières démarches de prospection d’un projet ou initier une relation commerciale. Ils envoient donc sur le front, à leur place, dans des environnements complexes, des stagiaires ou alternants qui, bien que volontaires et impliqués, pourront donner l’impression aux prospects ainsi approchés qu’on ne les a pas pris au sérieux. Or, chacun le sait, ce premier contact est déterminant pour la suite de la relation et difficile (voire impossible) à rattraper lorsqu’il n’a pas été à la hauteur de l’ambition affichée.
Former un apprenti prend du temps
Recruter un alternant, c’est donc avant tout s’engager à lui apporter la formation et les compétences métier qu’il est en droit d’attendre dans le cadre de son contrat. Une exigence qui, parce qu’elle suppose une expertise du recruteur, interdit à ce dernier de confier à un alternant une mission s’inscrivant dans une dimension qui n’entrerait pas dans sa propre sphère de compétences.
Concrètement, recruter un apprenti commercial pour réaliser une étude de marché ou encore des démarches de prospection parce que l’on n’a aucune appétence pour ces questions ou que l’on préfère se concentrer sur la technique est un très mauvais calcul. D’autant plus que cela reviendrait, de surcroit, à oublier que former un alternant prend beaucoup de temps… qu’il sera très difficile de mettre à profit.
Montrer l’exemple, présenter les tenants et aboutissants, transmettre son savoir-faire et les bonnes pratiques : telles sont les clés permettant à l’alternant de s’épanouir dans un environnement riche et grâce auxquelles l’entrepreneur pourra transformer un coût en profit. Intégrer un alternant ou toute ressource junior dans son projet s’avère bien plus efficace dès lors que l’on possède les compétences concernées par les missions du poste ouvert au recrutement. Certes, encadrer et accompagner l’alternant au quotidien prendra du temps mais un temps sur lequel l’entrepreneur pourra capitaliser par la suite.
À chaque alternant, sa feuille de route
Pour transformer l’essai de l’apprentissage, il est donc essentiel pour le startupper recruteur de fournir le cadre qui permettra à l’alternant de prendre confiance, de s’épanouir dans sa mission et donc d’être productif et utile au projet d’entreprise. Ce cadre, c’est la feuille de route que le recruteur confie à l’alternant au moment de son recrutement. Véritable plan d’action calibré dans le temps avec des objectifs à atteindre et des points d’étape réguliers, cette feuille de route doit être claire, concise et précise et s’accompagner de supports adaptés et éventuellement d’éléments de langage consolidés.
Autant d’éléments dont on ne peut attendre d’un apprenti qu’il soit en mesure de les fournir lui-même, surtout s’il se trouve plongé pour la première fois dans des environnements complexes, comme c’est souvent le cas dans les projets deeptech. Côté recruteur, cette feuille de route est également indispensable pour être en mesure d’évaluer la mission de l’apprenti et de voir si les objectifs initialement fixés ont été atteints.
…