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Michèle Delaunay est ancienne ministre déléguée aux personnes âgées et à l’autonomie. Elle regrette l’abandon de la loi Grand âge par le gouvernement.
Annoncée en 2018, programmée pour fin 2020, reportée, et à l’arrivée enterrée. La loi Grand âge ne verra pas le jour avant la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron. Laquelle visait – entre autres – à permettre aux Français·es âgé·es de vieillir chez eux·elles. Entre la réforme des retraites – loin de faire l’unanimité – et le temps passé à gérer la crise covid, le gouvernement n’a clairement pas fait de cette loi Grand âge une priorité. À tort.
Les professionnel·les du secteur, même s’ils·elles s’y attendaient, ont subi une nouvelle déception. « On aurait pu s’attendre à ce que la crise sanitaire, et la façon dont elle a mis en lumière les dysfonctionnements dans les Ehpad, le manque d’effectifs, la sous-médicalisation des établissements, accélère la prise de conscience que des changements étaient nécessaires et que cette loi était une priorité », défend Luc Broussy, auteur d’un rapport sur l’Ehpad du futur. A priori non. Et pourtant, face au vieillissement démographique qui nous guette – 28 millions de personnes pourraient avoir plus de 60 ans dès 2030, annonce l’ex-ministre Michèle Delaunay –, la loi Grand âge constitue une urgence. GW

« La loi Grand âge qui faisait partie des grandes réformes du programme du Président de la République (à l’instar de la réforme des retraites) est aujourd’hui officiellement abandonnée, sans même le début d’une explication. Le Président a préféré le Beauvau de la sécurité au Ségur de la longévité.
Nous en avons l’habitude. Le Président Sarkozy a inauguré ce qui allait devenir une série d’abandons et fait savoir un jour à sa ministre de la santé, Roselyne Bachelot, alors qu’elle parcourait la France pour annoncer ce qu’on appelait alors la réforme de la dépendance qu’il avait donné la préférence à la diminution de la TVA sur la restauration, laquelle n’eut aucune conséquence en termes d’emploi. Les coûts étaient voisins, mais les bénéfices eurent été d’une tout autre envergure.
Acte II, le quinquennat de François Hollande avait été placé par lui sous le thème « priorité jeunesse ». Grâce cependant à la forte poussée démographique des plus de 60 ans, le principe fut acté par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault d’une loi en deux temps : le premier autour du vieillissement à domicile, le second autour du grand âge et des établissements.
Trois promesses, trois abandons
La première loi fut menée à bien dans les deux ans de mon mandat de ministre déléguée aux personnes âgées sous le nom de « loi d’adaptation de la société au vieillissement » (loi ASV), avec deux avancées phares : l’augmentation de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) jusqu’à 70 % pour les petits revenus et les fortes dépendances, et le « droit au repos », un congé financé de 15 jours pour les aidants. L’acte II de la loi fut repoussé aux calendes grecques malgré un travail de préparation déjà avancé.
Le Président Macron, dans son programme avait inscrit deux réformes majeures : celle des retraites et celle de la dépendance. Il en fut question pendant les premières années du quinquennat et deux ministres s’y attelèrent jusqu’à une annonce récente d’abandon.
Trois promesses, beaucoup de travail, des rapports multiples, une vaste concertation publique, qui aboutirent à trois abandons alors que le vieillissement démographique continuait de croître.
La loi Grand âge est pourtant une urgence. La génération du baby-boom approche du grand âge et tous les 5 ans la France connaît une augmentation d’un million de personnes âgées de plus de 60 ans. On prévoit qu’en 2030 elles seront 28 millions. Or il faut dix ans pour mener à bien la construction d’un Ehpad, et l’on aura besoin de former et recruter plusieurs dizaines de milliers d’aides à domicile. Nous en sommes loin…
Et pourtant, face à ces abandons, pratiquement aucune réaction des Français, alors que tous sont concernés. La France compte 15 millions de retraités, un grand nombre sont des aidants ou sont eux-mêmes menacés de perte d’autonomie. Ils sont nombreux à faire partie d’un syndicat, d’une grande association ou d’un parti politique. Alors pourquoi ce silence et cette inertie ? L’expérience apprend que tous les gouvernements ont besoin de ce qu’on peut appeler une « mobilisation constructive » pour enfin s’engager dans des réformes, financièrement lourdes, mais humainement indispensables. Il n’y a plus de temps à perdre. »
Retrouvez la tribune de Michèle Delaunay rédigée pour Ouest France ici