Le verbatim de… Marie Benedetto-Meyer

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Marie Benedetto-Meyer est maîtresse de conférences en sociologie du travail à l’université de technologie de Troyes.

Une situation sanitaire plus stable – et nous le souhaitons toutes et tous – aura-t-elle la peau du télétravail ? Désormais, l’État n’oblige  plus les entreprises à mettre en place un nombre de jours minimal de travail à distance. Et pourtant les habitudes prises pendant plus d’un an et demi auront du mal à disparaître de sitôt.

À en croire une étude du ministère du Travail, en juillet, « 22 % des salarié·es travaillaient dans une entreprise qui impose au moins un jour de télétravail par semaine ». Bien loin de l’ère du travail à distance cinq jours sur cinq  « pour celles et ceux qui le peuvent ». Mais la routine s’est installée. Pour certain·es collaborateur·rices, il a fallu traîner des pieds pour retrouver le chemin des bureaux. Les transports aussi. « Et en même temps », le télétravail pose question. Notamment sur l’isolement et la perte du lien social avec les collègues. Ou encore la fragilisation du sentiment d’appartenance des collaborateurs·rices au collectif et à l’entreprise. GW

« Avant le confinement, il y avait 10 à 15 % des cadres qui étaient concerné·es par le télétravail, soit à peine 3 % des salarié·es, selon une étude de la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) publiée en novembre 2019 et portant sur l’année 2017. Le télétravail concernait essentiellement les cadres (61 %).

Mais pendant le confinement, on a cassé l’idée selon laquelle il s’agissait uniquement d’un privilège pour cette catégorie, en mettant massivement en télétravail de nombreuses professions : salarié·es des centres d’appels, des services clients, enseignant·es, formateur·rices, et même professions médicales qui exercent en téléconsultation. Finalement, on s’est rendu compte qu’on pouvait élargir considérablement la palette des activités dites télétravaillables.

En réalité, ces changements s’inscrivent dans des tendances longues qui ont largement précédé la crise sanitaire : la flexibilité, l’individualisation du travail, la rationalisation des espaces, avec la réduction des mètres carrés ou le flex office (absence de bureaux attribués). Il y a aussi des réorganisations avec la délégation des tâches administratives aux salarié·es, qui inscrivent eux·lles-mêmes leurs congés ou leurs frais de déplacement via des applications. 

Un décalage entre les générations pour s’habituer au télétravail ?

Non. L’écart tient moins à la familiarisation avec les outils qu’à la manière dont on les utilise. Ces outils sont rentrés dans les mœurs et la vie personnelle : on voit de moins en moins de rupture entre les millenials et les seniors qui découvriraient Skype. Il y a eu très peu d’accompagnement autour des visioconférences, par exemple. L’apprentissage s’est fait par l’observation de ce qui se passait et par l’intégration de pratiques, avec des règles très implicites.

Le télétravail, un sentiment aussi de surveillance ?

On constate à la fois une augmentation du contrôle et davantage de place faite à la confiance. Ce n’est pas nouveau. D’après certaines enquêtes, les salarié·es se déclarent à la fois de plus en plus autonomes et, en même temps, de plus en plus contrôlé·es. Le télétravail laisse de nombreuses traces (mails, messages…), ce qui renforce le sentiment des salarié·es d’être sans cesse susceptibles d’être contrôlé·es.

Quelles conditions de travail à l’arrivée ?

Pendant le confinement, on s’est dit que c’était facile de mettre les téléconseiller·ères en télétravail car ils·elles ont un casque, un écran, et travaillent seul·es. C’est une erreur : au contraire, ils·elles ont une activité très collective quand ils·elles sont sur site. Entre deux appels, ils·elles échangent sur un client, ils·elles écoutent ce que dit leur voisin·e. Ils·elles partagent des pratiques de travail, et c’est ça qui se perd en télétravail.

À distance, effectivement, on travaille souvent plus longtemps, plus tard le soir. Toutefois, cet allongement de la durée de travail s’inscrit dans des tendances plus longues, comme le forfait en jours pour les cadres. Il peut aussi y avoir une tendance à diviser le travail en « missions », avec très vite la possibilité d’externaliser ces activités et de les confier à des personnes en freelance, ou à des cadres délocalisé·es à l’étranger. Cela dit, on annonce la fin du salariat depuis des années et pour l’instant, ça ne se traduit pas beaucoup dans les statistiques… »

Retrouvez l’intégralité de l’entretien publié sur Franceinfo ici

Journaliste-Chef de service rédactionnel. Formé en Sorbonne – soit la preuve vivante qu'il ne faut pas « nécessairement » passer par une école de journalisme pour exercer le métier ! Journaliste économique (entreprises, macroéconomie, management, franchise, etc.). Friand de football et politiquement égaré.

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